La Fourche : « Notre levée de fonds va nous permettre d’investir dans notre logistique »
Boris Meton est le co-fondateur du site e-commerce la Fourche, spécialisé dans les produits bio. La start-up, - qui réalise déjà 100 millions d’euros de chiffre d’affaires -, vient de lever 31,5 millions d’euros auprès de BPI pour accélérer sa croissance. Parmi les investissements permis par cette opération : la montée en puissance de la mécanisation de son entrepôt logistique.
Quelle est l’histoire de La Fourche ? Quel est votre positionnement ?
La Fourche a été fondée il y a sept ans par trois amis : Nathan Labat, Lucas Lefebvre et moi-même. Le point de départ était simple : bien manger, c’est bon pour la santé et pour la planète, mais c’est souvent trop cher… Nous avons donc voulu casser cette logique en rendant le bio plus accessible car nous estimions qu’il était scandaleux de payer plus cher pour mieux se nourrir.
Notre modèle économique repose sur un site e-commerce avec un abonnement annuel de 60 euros, qui donne accès à des produits identiques à ceux des magasins bio traditionnels, mais en moyenne 25 % moins chers. Nous troquons de la fidélité contre du pouvoir d’achat.
Où en est la Fourche aujourd’hui ?
Nous venons de lever 31,5 millions d’euros auprès de BPI France, du fonds Astanor et de nos investisseurs historiques. Cette opération s’ajoute aux 50 millions que nous avions déjà levés depuis notre création.
Côté business, nous comptons environ 150 000 adhérents, réalisons un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros et employons 350 personnes, dont une dizaine en Allemagne, un marché que nous avions ouvert il y a deux ans et qui pèse déjà 7 millions d’euros de chiffre d’affaires.
L’entreprise n’est pas encore rentable mais nous devrions atteindre notre premier mois bénéficiaire le mois prochain
L’entreprise n’est pas encore rentable mais nous devrions atteindre notre premier mois bénéficiaire le mois prochain. L’objectif est d’être rentable sur l’année complète dès 2026. Nous estimons aujourd’hui être le plus gros supermarché bio en ligne en France, nous dépassons Greenweez qui était jusqu’ici l’acteur le plus important.
Vos ambitions pour la suite ?
Continuer à nous développer en France et en Allemagne. Même si nous réalisons 100 millions de chiffre d’affaires, nous restons petits face à Biocoop par exemple, qui approche les deux milliards. Il y a donc du potentiel ! Nous voulons aussi renforcer notre marque propre « La Fourche », dont la part dans notre catalogue grandit rapidement.
Nous n’avons jamais souhaité prester notre logistique. C’est un ingrédient important de notre force et de notre compétitivité en termes de prix
Comment est organisée votre logistique ?
Nous disposons d’un seul entrepôt de 15 000 m² à Mitry-Mory en Seine-et-Marne où se trouve notre siège social. Il est entièrement opéré en interne et environ 250 personnes y travaillent. Nous préparons aux alentours de 75 000 commandes par mois, soit près de 150 000 colis. Nous n’avons jamais souhaité prester notre logistique. C’est un ingrédient important de notre force et de notre compétitivité en termes de prix. Très clairement, nous ne reviendrons pas là-dessus.
La levée de fonds que vous venez d’annoncer doit vous permettre notamment d’améliorer la mécanisation de cet entrepôt. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
En janvier 2024, nous avions investi 7 millions d’euros dans un chantier important de mécanisation avec la technologie AutoStore, intégrée par Element Logic. L’AutoStore est opérationnel depuis septembre 2024 et 80 % des produits de notre catalogue sont désormais traités par ce système mécanisé. Résultat : nous avons multiplié la productivité par quatre et réduit les erreurs de préparation par trois. Les gains sont donc très importants ! Les 20 % restants du catalogue n’ont pas pu être intégrés pour des raisons d’assurance, de rotation, ou de taille des produits.
Nous allons investir 1,6 million d’euros pour ajouter des robots et des ports de prélèvement de produits pour accompagner la croissance et augmenter nos capacités de traitement
D’ici la fin de l’année, nous allons continuer d’avancer sur l’amélioration de notre logistique. Nous allons par exemple investir 1,6 million d’euros pour ajouter des robots et des ports de prélèvement de produits pour accompagner la croissance et augmenter nos capacités de traitement. Et puis en 2026, nous mécaniserons les 20 % restants de notre catalogue, mais avec une autre technologie, le picking “à gare”, pour environ un million d’euros. A l’heure actuelle, ces 20 % de produits qui ne sont pas traités par l’AutoStore sont préparés par des opérateurs qui tournent dans les allées pour compléter les commandes mécanisées avec leurs bacs sur un chariot.
Comment vos équipes ont-elles accueilli ces changements rapides et fondamentaux ?
Très positivement il me semble. Nous les avons formées et nous avons garanti qu’aucun poste en CDI ne serait supprimé. Et de fait, la mécanisation a réduit la pénibilité et amélioré la productivité sans détruire d’emplois. En réalité, les gains de productivité réalisés permettent d’absorber l’augmentation rapide du rythme de nos commandes. Sur cette dernière année par exemple, notre chiffre d’affaires a progressé de 36 %…
Il faut savoir par ailleurs - c’est une ligne que nous nous sommes fixés - que nous n’avons pas recours à l’intérim. À l’entrepôt, tous nos salariés sont en CDI et 10 % de nos effectifs viennent de divers programmes d’insertion.
La levée de fonds doit justement nous permettre d’améliorer notre maillage de livraison pour une meilleure qualité de service sur tout le territoire
Quelle est votre organisation sur le sujet de la livraison, enjeu majeur pour les e-commerçants ?
La levée de fonds doit justement nous permettre d’améliorer notre maillage de livraison pour une meilleure qualité de service sur tout le territoire. Nous travaillons aujourd’hui avec cinq transporteurs (bientôt six), répartis par zones géographiques, sur des contrats d’un à trois ans. Mais nous estimons que notre niveau de service n’est pas homogène partout. En effet, certains prestataires offrent un excellent service, notamment en Île-de-France, à Lyon ou à Lille par exemple, mais d’autres doivent progresser. Pour ceux-là, nous devons soit changer de prestataire, soit réussir à les suivre de manière suffisamment fine afin de gommer ces imperfections.
Pour cela, nous allons nous équiper d’un TMS (Transport Management System) début 2026. Il nous permettra d’unifier et fiabiliser nos données logistiques. Nous pourrons mieux suivre les performances de nos transporteurs et le respect des indicateurs acceptés lors de l’attribution des appels d’offres.
Qu’est-ce qui pêche chez ces prestataires dont vous n’êtes pas suffisamment satisfaits ?
Le respect des jours et créneaux horaire de livraison principalement. Il y a aussi le sujet de la casse parfois. Mais ce point-là nécessite aussi une optimisation chez nous en interne pour que nos préparateurs protègent mieux certains produits.
En vendant du bio, est-ce que le sujet de l’empreinte carbone de vos livraisons est plus important que pour d’autres e-commerçants ?
En Île-de-France par exemple, 100 % de nos livraisons sont effectuées au biogaz. Certains de nos transporteurs disposent déjà de flottes partiellement électriques. Dans nos appels d’offres, l’empreinte carbone est un point essentiel. Nous exigeons de nos prestataires qu’ils aient un minimum de leur flotte au biogaz ou électrique et qu’ils soient en capacité de présenter un plan de verdissement de leurs activités, qu’ils puissent nous montrer qu’ils avancent sur le sujet.
Il faut savoir, c’est certes contre-intuitif mais c’est une étude de l’Ademe qui le prouve, que faire ses courses en ligne sur La Fourche émet moins de CO₂ qu’un déplacement en magasin, même à pied, car la chaîne logistique est plus courte et moins énergivore.
Pourquoi ? Quand la commande part de chez nous, elle va directement chez le client. Versus le magasin physique qui représente finalement un maillon logistique supplémentaire. Et puis, ce magasin, il a fallu le construire, il faut le chauffer, le refroidir, il nécessite des employés et des clients qui se déplacent un par un jusqu’à lui.