Transport

Club Supply Chain : La logistique urbaine au cœur des enjeux des territoires

Par Mehdi Arhab | Le | Multimodal

Devenue au fil des années un élément clé de la supply chain, la logistique urbaine a été la source de discussions profondes et sérieuses lors du dernier Club Supply Chain by Républik. Ainsi, une quinzaine de directeurs supply chain, logistique et transport sont revenus sur les grands enjeux qui entourent le sujet : l’aménagement du territoire, l’accès aux villes, la gestion des flux, les délais de livraison ou encore la satisfaction client …

Club Supply Chain : La logistique urbaine au cœur des enjeux des territoires
Club Supply Chain : La logistique urbaine au cœur des enjeux des territoires

La congestion et la densification des espaces urbains ne cessent de provoquer des nœuds dans le cerveau des professionnels de la supply chain, de la logistique et du transport. Pour réduire l’incidence du transport dans les centres urbains (et centres-villes) les collectivités territoriales et entreprises tentent de trouver les meilleurs compromis pour contenter la quiétude des riverains / citoyens et, en parallèle, la qualité de service à destination de ces mêmes individus, endossant cette fois leurs habits de clients exigeants. Avec plus ou moins de succès, certes. « Nous opérons dans un système multi-contraints, avec de nombreuses problématiques sur la taille des véhicules, le transport pour le le BtoC ou le BtoB, les enjeux de décarbonation et la notion de rythme », note l’un des invités, directeur des opérations d’une enseigne de distribution spécialisée.

Il vaut mieux assurer l’approvisionnement des magasins avec un gros camion, dont le taux de remplissage est optimisé au maximum, plutôt que d’approvisionner avec des véhicules vertueux plus légers et dont la capacité est moindre

Si de nombreux projets fleurissent notamment autour de la notion du dernier kilomètre, avec le développement de nouvelles formes d’organisation du transport pour continuer d’être au plus près des clients et améliorer la qualité de service, les solutions semblent encore manquer.  Mais les clients ne sont pas les seuls concernés par le sujet. « À mes yeux, il vaut mieux assurer l’approvisionnement des magasins avec un gros camion, dont le taux de remplissage est optimisé au maximum, plutôt que d’approvisionner avec des véhicules vertueux plus légers et dont la capacité est moindre. Cela pour une raison : la congestion », assure le directeur transport d’un groupe de grande distribution. 

La question de l’aménagement urbain 

Pour bien acheminer les flux de marchandises entrants, se pose donc d’abord la question de l’entrée au cœur des villes. « L’accès à la ville est un sujet peu travaillé », regrette d’ailleurs l’un des convives. Un véritable sujet, d’autant que de plus en plus de municipalités prennent des mesures pour tenter d’optimiser les flux, désengorger le trafic routier et réduire autant que faire se peut les conflits de voiries. Et, forcément, ces contraintes réglementaires viennent souvent rendre plus difficile la tâche des donneurs d’ordres, dont les bassins logistiques et entrepôts sont éloignés des centres-villes.

 

Une commune de la petite couronne parisienne, très dense, n’est en rien comparable à une commune rurale

« Ce n’est pas une question de couleur politique, mais de contexte lié à chaque ville. Une commune de la petite couronne parisienne, très dense, n’est en rien comparable à une commune rurale. Les villes urbaines ne peuvent implanter des solutions ou hubs logistiques », rappelle Pascal Hureau, adjoint au maire de la ville de Montrouge et intervenant en qualité d’expert. À cela s’ajoutent d’autres problématiques, comme celles liées à l’accidentologie, aux nuisances sonores et, bien-sûr, à la pollution des véhicules utilitaires. 

La décarbonation, ou l’indispensable casse-tête

Et pour cause, l’incidence du transport sur le climat et la santé des riverains n’est plus (pas) sujet à débat. Entre les émissions de GES et de particules fines, les nuisances du transport demeurent beaucoup trop importantes. « La question de la qualité de l’air est centrale. Si le semi-remorque n’est plus toléré, il existe des solutions pour mener à bien vos opérations : en fonction des tailles d’entreprise et des secteurs d’activité, vous pouvez jouer sur l’optimisation du packaging notamment », affirme aux décideurs Pascal Hureau.

Or, avec l’essor de l’e-commerce et de la livraison à domicile, phénomène déjà largement répandu avant les confinements successifs, les entreprises n’ont pas d’autres choix que de s’adapter aux besoins clients. De plus, les types de marchandises se sont largement diversifiés, allant du gros électroménager au petit livre de poche. De fait, les canaux de livraison se sont aussi multipliés et les délais de livraison drastiquement réduits. « Le modèle parfait n’existe pas, mais des compromis sont possibles. Les contraintes d’activité et règlementaire doivent être adaptée selon les chargeurs et opérateurs de transport. Il faut libérer des espaces de livraison et ouvrir les espaces urbains à de nouveaux usages », explique Stéphane Toutin, directeur général d’Urb-it.

Une qualité de service à assurer, mais des clients à acculturer

De plus en plus exigeants, les clients veulent recevoir leur(s) colis le plus rapidement possible. Or, le coût du foncier et l’aménagement des territoires urbains empêchent (ou presque) la création de pôles logistiques dans le cœur des villes. Avec des plateformes de distribution ancrées à la périphérie des bassins d’activité, les entreprises voient de fait leur transport s’allonger, favorisant les goulots d’étranglement routiers, la pollution atmosphérique et le bruit … Un cercle sans fin ! Un éloignement auquel les clients semblent peu sensibles, trop souvent habitués à ne pas supporter les coûts, économiques et sous toutes leurs autres formes, de la livraison.

« Il est nécessaire d’acculturer le client et de faire preuve de pédagogie. Mais ce n’est pas le rôle des entreprises. Nous apportons un service, d’une certaine valeur. Nous devons en revanche faire preuve de transparence envers les clients sur les coûts et les impacts environnementaux d’une livraison. C’est à eux de faire leur choix en âme et conscience », défend le directeur last mile d’une autre enseigne de distribution bien connue.