Solutions et techno

Patatam : « Il nous fallait soit s’agrandir, soit regarder des solutions robotiques »

Par Guillaume Trecan | Le | Robotique

Eric Gagnaire, directeur général et co-fondateur du spécialiste du vêtement de seconde main, Patatam, revient sur l’implémentation de la solution Exotec d’automatisation de son entrepôt, qui doit lui permettre de passer de 300 000 à 750 000 vêtements traités par mois sans augmenter sa surface.

Eric Gagnaire, DG et co-fondateur de Patatam. - © D.R.
Eric Gagnaire, DG et co-fondateur de Patatam. - © D.R.

Comment est né le besoin de robotisation de votre logistique qui vous a conduit à adopter la solution Exotec ?

De 2013 à 2019 Patatam était une société de e-commerce basée à Bayonne, qui récupérait des vêtements, via un sac, le Patabag, et les mettait en vente sur un site internet. Nous avions alors une logistique classique de picking à taille humaine. Fin 2019, nous avons changé complètement de modèle en proposant notre savoir-faire à la grande distribution et aux marques de vêtements. A rebours de la tendance, nous sommes passés du digital au physique. Le digital représente aujourd’hui moins de 5 % de notre chiffre d’affaires. Avec des clients comme Auchan, Carrefour, Cora, Système U, Intermarché, ou encore Kiabi, nous travaillons aujourd’hui avec 600 points de revente physiques et 2 600 points de collecte. Nous envoyons des palettes de vêtements dans des magasins et nous expédions près de 300 000 vêtements par mois.

Avec un picking humain, nous ne pouvions pas aller au-delà de ces 300 000 vêtements par mois, alors que nous avions des demandes jusqu’à 750 000 articles

De fait, nous avons dû changer de logistique. Avec un picking humain, nous ne pouvions pas aller au-delà de ces 300 000 vêtements par mois, alors que nous avions des demandes jusqu’à 750 000 articles. En début d’année 2020, nous étions vingt, nous sommes aujourd’hui plus de 150 et nous allons monter jusqu’à 200 salariés. Nous sommes capables de trier et de saisir autant de vêtements, mais pas de les expédier. Pour y arriver, il nous fallait soit s’agrandir, soit regarder des solutions robotiques. C’est en partant de ce constat que nous avons pris la décision d’opter pour la robotisation courant 2020.

Pourquoi faire le choix d’investir dans la robotique plutôt que dans des mètres carrés supplémentaires ?

Non seulement cela n’aurait pas résolu nos problèmes de productivité mais, sur la côte basque, le mètre carré coûte très cher. Nous avons dû nous éloigner à 30 minutes de Bayonne, à Hastingues, dans les Landes, pour construire un entrepôt de 4 000 mètres carrés, désormais équipé d’un Exotec de 12 000 bacs. Nous possédons un autre entrepôt de 2 500 mètres carrés à Morlaàs, près de Pau. C’est un centre de pré-tri qui nous permet d’alimenter notre Exotec d’Hastingues avec un volume de vêtements suffisants. Nous allons également louer un entrepôt de 15 000 mètres carrés, à côté de Cambrai, pour nous rapprocher de nos clients et améliorer à la fois notre performance économique et notre empreinte environnementale. Cet entrepôt, qui sera opérationnel fin 2022, sera équipé d’un Exotec de 24 000 bacs et emploiera à terme 400 employés.

Comment avez-vous arrêté votre choix sur Exotec ?

Lorsque nous avons étudié les solutions du marché, nous avons constaté qu’il y en a très peu, essentiellement celles d’Exotec et d’Autostore. Nous nous sommes sentis plus à l’aise avec Exotec, une entreprise française, maîtrisant parfaitement son hardware et son software. Avoir des interlocuteurs français n’est pas neutre pour une PME comme la nôtre, d’autant plus que nous avons énormément travaillé avec eux sur l’adaptation de leur solution à nos particularités.

Nous avons une logistique à la pièce unique, dans laquelle un vêtement égal une référence. Le taux de prise était particulièrement important pour nous

En quoi a consisté ce travail d’adaptation de leur solution ?

Nous avons une logistique à la pièce unique, dans laquelle un vêtement égal une référence. Le taux de prise était particulièrement important pour nous. Si, lorsque leur robot arrive avec une boîte, il se contente de récupérer un seul vêtement, sa productivité est nulle. Pour qu’il en prenne au moins deux et demi en moyenne, nous avons rangé nos vêtements en quatre grandes catégories. Les poches RFID placés dans les Exotec ont quatre couleurs qui permettent aux pickers de décider rapidement ce qu’ils mettent dedans quand l’Exotec arrive. Cela nous permet d’avoir un taux de prise suffisant. Nous avons ainsi pu diminuer le nombre de robots et, de fait, le montant de l’investissement.

 A Hastingues, Patatam a déployé un Exotec de 12 000 bacs. Il en prévoit le double à Cambrai. - © D.R.
A Hastingues, Patatam a déployé un Exotec de 12 000 bacs. Il en prévoit le double à Cambrai. - © D.R.

Qu’est-ce que ces robots ont changé dans votre organisation de travail ?

Cela n’a rien changé sur la partie production, ni sur la partie envoie de notre process. Jusqu’ici nos pickers plaçaient des poches dans des cartons, ces cartons avaient une place dans un stock, les pickers se déplaçaient à une adresse dans le stock et récupéraient les poches. Exotec est très proche de cette méthode, il déplace des Bin qui partent vers des stations d’accueil et l’on récupère les poches dans ces Bin.

Nous sommes quatre fois et demi plus productifs : ce ne sont plus les opérateurs qui vont chercher les boîtes, mais des robots, qui vont à dix mètres de haut et se déplacent à grande vitesse

Quels sont les principaux indicateurs qui montrent l’amélioration de votre productivité ?

Nous avons multiplié par deux et demi la profondeur de notre catalogue. Nous pouvons aujourd’hui stocker 210 000 articles et nous allons dépasser les 500 000 articles stockés dans l’Exotec sur la même surface au sol. Nous avons également beaucoup gagné sur l’entrée des vêtements dans nos stocks, qui était la phase la plus longue de notre process métier. Cela se fait à présent par RFID et nous avons divisé par dix ou quinze le temps de boxage. Nous gagnons aussi énormément de temps sur la préparation de commande. Nous sommes quatre fois et demi plus productifs : ce ne sont plus les opérateurs qui vont chercher les boîtes, mais des robots, qui vont à dix mètres de haut et se déplacent à grande vitesse.

Combien de personnes ont été mobilisées par ce déploiement chez Patatam ?

Les questions de logistique sont gérées par mon associé, Rudy Secundino et moi-même, ainsi que par le responsable d’exploitation. Nous travaillons également avec une équipe de développement d’une dizaine de personnes qui a pris le leadership sur ce sujet. Elle a doublé de taille dernièrement, mais elle a toujours été au cœur de notre ADN. Nous créons tous nos process : nous avons notre propre WMS et notre propre CMS. Exotec est le premier prestataire avec lequel nous travaillons. Etant donné la particularité de notre modèle, où l’on parle en termes de secondes et où l’on gagne des centimes, nous avons dû créer des process sur-mesure pour être performants.

Comment ce nouvel outil s’intègre-t-il dans votre politique RH ?

Nos collaborateurs sont passés par une première phase dans laquelle ils ont craint que la robotisation ne leur prenne leur travail. Cette crainte peut être fondée dans d’autres chaînes logistiques plus abouties, mais nous sommes en pleine croissance, il n’est donc pas envisageable de supprimer des emplois. En revanche, nos métiers vont changer et Exotec permet de réduire la pénibilité. Un picker faisait, chez nous, entre sept et dix kilomètres par jour. Nous sommes maintenant dans une phase où nous devons rassurer nos équipes par rapport à la technicité supposée de cet outil et les aider à se familiariser avec son usage.