Stratégie supply

La Redoute : « Dans l’e-commerce, nous transformons de l’information en produits »

Par Guillaume Trecan | Le | Retail

Grand témoin des Supply Days e-commerce organisés à Deauville les 30 et 31 janvier 2024, le directeur logistique de La Redoute, Patrice Fitzner détaille l’importance de la data pour être à la hauteur de la promesse client, quelles que soient les péripéties ou les retards entre l’entrepôt et son domicile.

Patrice Fitzner, directeur logistique de La Redoute. - © D.R.
Patrice Fitzner, directeur logistique de La Redoute. - © D.R.

Qu’est-ce qui différencie la supply chain de l’e-commerce de celle du retail physique ?

Dans l’e-commerce, l’amont de la supply chain est assez similaire au retail. Ce qui distingue l’e-commerce c’est la nécessité de suivre, ligne à ligne, les commandes. La supply chain de l’e-commerce se différencie, dans sa partie aval, par l’importance de la data qui va nous permettre, à la fois de mesurer la performance de nos propres processus et celle de tous nos partenaires du dernier kilomètre.

Nous devons récupérer la data de nos entrepôts mais aussi des entrepôts de nos tiers, afin de pouvoir dire, à la ligne de commande près, si la promesse client a été respectée. En effet, quelles que soient les péripéties de la préparation de commande ou de la livraison, cette promesse engage La Redoute. Le vendeur qui a fait cette promesse au client doit être en capacité de prévenir son client en cas de problème et d’émettre un message de réassurance. Il doit aussi avoir mis en place des règles de réaction, en fonction d’un retard ou de quelque anomalie que ce soit. Cela implique de suivre une très grande masse de données en permanence. Pour cela, il faut avoir mis en place les outils qui permettent de récupérer la data au bon endroit et celles qui sont pertinentes en fonction de vos flux.

Nous sommes passés d’une logistique standard à une logistique où nous avons une relation individuelle avec les clients

Dans l’e-commerce, nous transformons de l’information en produit. Nos revenus se jouent donc en partie à la sortie de l’entrepôt et en partie lors de la livraison du dernier kilomètre au client. Nous sommes passés d’une logistique standard à une logistique où nous avons une relation individuelle avec les clients. Nous devons donc maîtriser cette relation et la piloter.

Quel est l’enjeu associé à cette question de maîtrise de la data ?

Lorsqu’on livre des meubles, un client absent impliquant le retour du produit, voire un produit perdu, c’est économiquement catastrophique. Ce sont des problèmes que l’on doit détecter le plus vite possible pour atténuer le coût de non-qualité. Ce coût est aussi lié à la perte d’un client dû à une promesse non tenue où une livraison qui se passe mal. Un client perdu à cause d’une livraison qui s’est mal passée, c’est un client qui ne reviendra jamais.

Nous avons créé une direction de la data en 2017 pour être en mesure de disposer d’un data lake

Comment vous êtes-vous organisés pour exploiter ces données ?

Les choses ont beaucoup évolué ces cinq dernières années. Nous avons créé une direction de la data en 2017 pour être en mesure de disposer d’un data lake dans lequel nous serons en mesure de puiser les données pertinentes, de les traiter et d’analyser la chaîne de responsabilité. Elles doivent alimenter un outil de pilotage au quotidien.

Grâce à cela nous avons pu gagner une dizaine de point sur notre Net Promoter Score

Nous avons mis en place une tour de contrôle qui mesure tous les jours ces anomalies et émet des alertes lorsque, sur un point de traçabilité, nous ne sommes pas dans les temps. Lorsqu’une commande tombe dans notre entrepôt, elle doit être partie le lendemain avant une certaine heure. Si, par exemple, elle ne part pas dans le délai prévu, nous prévenons le client. Nous avons défini des leadtime sur les différents jalons de la livraison. Si l’une de ces étapes présente un retard majeur, nous nous adressons au client et nous sommes en mesure de lui proposer un remboursement, ou un geste commercial. L’idée est de pouvoir être proactif et d’avoir une politique de service clients associée. Grâce à cela nous avons pu gagner une dizaine de point sur notre Net Promoter Score. Dans l’e-commerce, il n’y a rien de pire qu’un client qui vous appelle souvent. Le but du jeu est d’avoir l’information avant qu’ils appellent le conseiller client.

Avec quel type d’outils faites-vous parler cette data ?

Nous utilisons Power BI que nous alimentons avec les datas qui nous sont remontées par tous les transporteurs via notre TMS. La question est moins celle de la collecte des données que celle de leur agrégation et du choix des données pertinentes. C’est pourquoi nous avons recruté un data analyste chargé de rendre visible cette data dans un outil opérationnel fiable et d’en assurer la cohérence et la conservation.

Avec l’intelligence artificielle, nous allons pouvoir être beaucoup plus proactifs grâce à des chaines de surveillance automatisées

Les évolutions technologiques vont-elles vous aider dans cette tâche ?

Je pense qu’avec l’intelligence artificielle, nous allons pouvoir être beaucoup plus proactifs grâce à des chaines de surveillance automatisées. Alors qu’aujourd’hui, nous réagissons en fonction des anomalies, demain, nous allons pouvoir fonctionner de manière beaucoup plus fluide. C’est aussi un défi pour nos partenaires, en particulier nos partenaires du dernier kilomètre qui doivent faire preuve d’une rigueur particulière sur la traçabilité totale de leur flux ainsi que sur la chaîne de récupération des données.

Supply Days e-commerce organisés à Deauville les 30 et 31 janvier 2024