Stratégie supply

« La méthodologie Lean permet de voir le fonctionnement de la logistique de manière différente »

Par Guillaume Trecan | Le | Rh

Cet article est référencé dans notre dossier : Dossier spécial Supply Days d'automne : La fonction supply chain en plein ébullition

Cédric Derville, directeur supply chain du grossiste informatique TD Synnex et Olivier Gault, responsable pédagogique des programmes excellence opérationnelle de CentraleSupélec expose les bénéfices du déploiement du Lean management dans la logistique. Ils seront Grands Témoins de l’atelier « Management : le lean un levier de compétitivité inépuisable pour la logistique », lors des Supply Days des 7 et 8 octobre à Deauville.

Cédric Derville et Olivier Gault. - © D.R.
Cédric Derville et Olivier Gault. - © D.R.

En quoi consiste la démarche Lean ?

Olivier Gault : Le Lean est une démarche d’amélioration continue et d’excellence opérationnelle fondée, d’une part, sur l’idée d’accélérer le flux en supprimant les ruptures et toutes les étapes sans valeur ajoutée et d’autre part sur l’humain. Cette méthodologie remet en question, à la fois la position du manager dans l’activité et les rôles et responsabilités des opérateurs de terrain.

La démarche lean se décompose en trois points : la chasse à la non-valeur ajoutée, le management et la résolution de problèmes. Ce dernier point implique un changement de culture, d’état d’esprit pour être capable d’identifier et de reconnaître les problèmes, de les traiter en impliquant tout le monde pour créer une dynamique d’amélioration.

Il faut donc encore bâtir les outils du Lean propres à la logistique

Qu’y a-t-il de particulier à l’appliquer à la logistique ?

Cédric Derville : Il faut considérer la logistique comme une usine en mouvement. Les outils et les méthodologies du Lean Manufacturing sont très éprouvés et appliqués depuis près de cinquante ans dans les usines. Dans la logistique, c’est un peu plus nouveau, ne serait-ce que parce que le métier lui-même a énormément évolué ces dernières années et qu’elle est devenue plus complexe. Il faut donc encore bâtir les outils du Lean propres à la logistique.

OG : Le Lean est une question de flux, or la gestion du flux, c’est la raison d’être de la logistique. A première vue, la logistique n’a donc pas besoin du Lean tant cette méthodologie est redondante avec sa nature même. Mais s’il est en définitive pertinent d’utiliser le Lean en logistique, c’est pour le pas de côté que cela représente. La méthodologie Lean permet de voir le fonctionnement de la logistique de manière différente.

Quelles actions peut-on enclencher dans le cadre de cette démarche ?

CD : Le Lean implique une chasse au gaspi qui conduit à travailler sur les temps d’attente, les stocks inutiles, les encours, l’affectation des talents au bon endroit. Un principe du Lean qui s’applique bien à la logistique c’est le principe « make it visual ». Il faut que tous les processus soient très visuels et simples, presque instinctifs.

il faut prendre en compte les attentes des clients et tâcher de les traduire en indicateurs et dans le fonctionnement des équipes

OG : Il faut regarder les différentes fonctions de la logistique sous l’angle du processus. Cela concerne les processus centraux - approvisionnement, picking et expédition - mais aussi une multitude d’autres processus tels que les recrutements ou encore la planification, sur lesquels - avec une approche processus - il est également possible de gagner en efficacité, en efficience. Enfin, il faut prendre en compte les attentes des clients et tâcher de les traduire en indicateurs et dans le fonctionnement des équipes.

C’est un outil très fédérateur, particulièrement dans nos métiers de l’industrie et de la logistique, où les résultats de nos actions sont immédiats

Quels gains peut-on attendre d’une démarche Lean en logistique ?

CD : En logistique, les gains sont plus difficiles à mesurer qu’en manufacturing. Ces gains sont liés à une amélioration de la qualité, mais c’est quelque chose de difficile à valoriser. En logistique, il faut plutôt s’attendre à des évolutions qu’à une révolution. Les gains en termes de management sont toutefois évidents. C’est un outil très fédérateur, particulièrement dans nos métiers de l’industrie et de la logistique, où les résultats de nos actions sont immédiats.

OG : Le premier objectif de la méthode Lean est tourné vers la performance opérationnelle. Le lean permet aussi de favoriser l’implication des équipes en supprimant la non-valeur ajoutée, on donne du sens au travail et on fait également rentrer le client dans l’entreprise. La somme de ces actions contribue à de bons résultats financiers. En réduisant ses stocks, on réduit son encours et son besoin en fonds de roulement. En supprimant des activités sans valeur ajoutée, on évite de la non-qualité et on améliore sa marge. En agissant sur le fonctionnement global de l’entreprise, le Lean se traduit par une meilleure performance financière.

Quels sont les écueils et les causes les plus fréquentes d’échec d’une démarche Lean ?

OG : La première cause d’échec, consiste justement à vouloir obtenir une rentabilité immédiate. La deuxième consiste à faire un copier-coller des outils sans tenir compte des contextes. Faire uniquement du Bottom Up est un autre piège possible, donner le pouvoir aux équipes et négliger d’embarquer les managers intermédiaires qui ne suivent pas parce qu’ils se sentent court-circuités. A l’inverse, tout imposer en Top Down ne produirait pas de meilleurs effets. Il faut laisser la possibilité aux équipes de tenter des choses, au risque de se tromper.

Comment le manager doit-il procéder pour lancer une démarche lean ?

CD : Celui qui lance la démarche doit en être convaincu. Il doit avoir testé et éprouvé la méthode. Il doit être formé et être au moins green belt. Il doit ensuite former ses managers intermédiaires et faire en sorte qu’ils y trouvent leur intérêt. Chez TD Synnex, nous avons dispensé des formations simplifiées destinées à vulgariser le discours et les outils, les 5S, le Sig Sigma, le lean management. C’est un moyen supplémentaire de rassembler tout le monde, de créer une dynamique et d’introduire un nouvel état d’esprit.

Pour les opérationnels, voir des managers descendre sur le terrain et s’intéresser à leur quotidien produit des effets positifs en termes de management. Cette posture d’écoute permet de résoudre de petits irritants du quotidien qui sont autant de sources potentielles de non-valeur ajoutée. C’est aussi le meilleur moyen de se prémunir contre des conflits sociaux.

Le Programme complet des Supply Days ici