Transport

Chargeurs et transporteurs se coalisent aussi pour l’hydrogène

Par Guillaume Trecan | Le | Route et fer

Dans le cadre du salon Hyvolution, le directeur de la RSE de DB Schenker, Tariel Chamerois et le directeur Green Supply de Michelin, Géraud Pellat de Villedon ont décrit leurs démarches collectives destinées à faire émerger une solution industrielle et viable de transport hydrogène.

Valérie Macrez, Tariel Chamerois et Géraud Pellat de Villedon. - © Républik
Valérie Macrez, Tariel Chamerois et Géraud Pellat de Villedon. - © Républik

Les paramètres du transport à hydrogène ne sont pas très engageants. Des camions dont le coût peut actuellement varier de 350 000 euros à un million d’euros. Un surcoût au kilomètre estimé entre 20 et 40 centimes par camion. Des délais d’amortissement étendus jusqu’à huit ans. Une maturité des modèles de camion espérée in fine après 2030… Et pourtant, chargeurs et transporteurs sont prêts à s’engager, comme l’ont rappelé dans le cadre du salon Hyvolution, les acteurs de France Supply Chain, Géraud Pellat de Villedon, directeur green supply chain de Michelin, côté chargeurs et Tariel Chamerois, directeur RSE de DB Schenker, côté transporteur.

Un camion DB Schenker sur les routes à l’automne

Pour ce dernier, le transport à hydrogène va d’ailleurs connaître une application concrète avec la mise sur les routes d’un camion hydrogène à l’automne 2023. DB Schenker est en effet lauréat d’un appel à projets de l’Ademe (2019-2020) sur les véhicules hydrogène, dans le cadre duquel, le transporteur s’est associé à un retrofiteur, E-neo, à Engie, côté énergie, qui va mettre en place une station hydrogène sur  le port de Gennevilliers, L’Oréal côté chargeurs, qui joindra ses volumes au sien et Fraikin pour la maintenance. Ce véhicule, prévu pour une tournée de 620 kilomètres devrait être homologué durant l’été.

« Plus nous serons nombreux, plus les coûts des véhicules seront réduits, les coûts d’opération et les coûts de structure », rappelle Tariel Chamerois, qui ne cache pas son souhait d’associer d’autres membres de France Supply Chain au projet.

Une coalition du Lab Supply Chain 4 Good

De son côté, l’association a placé l’hydrogène parmi ses sujets de travail avec une volonté d’action et pas seulement de réflexion. « Nous ne prenons un sujet que si nous sommes capables de passer à l’action dans les six à 18 mois », rappelle Géraud Pellat de Villedon, directeur green supply de Michelin et membre de l’association.

Un premier atelier, fin 2021 réunissant chargeurs, transporteurs et prestataires logistiques a en effet convaincu les membres du Lab Supply Chain 4 Good d’un alignement de planètes pour initier un travail sur l’hydrogène. « Les chargeurs étaient prêts à payer un surcoût élevé dans le cadre de projets pilotes et un surcoût un peu moins élevé en marche courante. Les transporteurs expliquaient qu’ils voulaient y aller, tout en expliquant que leurs marges sont tellement faibles qu’ils ont besoin que les chargeurs partagent les risques et paient un surcoût », rappelle Géraud Pellat de Villedon.

Changer les paradigmes contractuels

Pour le directeur Green Supply Chain de Michelin, cette question de l’équation économique du camion hydrogène nécessite une mise à jour de l’approche des chargeurs et des transporteurs. « Nous, chargeurs, allons changer nos paradigmes d’achats et les transporteurs vont changer la manière dont ils vont structurer leurs offres », estime-t-il. Outre le fait de prôner un allongement des durées de contractualisation à cinq ans, il évoque également des modèles comme celui d’Hyliko qui propose un service de transport complet, qui va bien au-delà d’une offre de sous-traitance classique.

Avec France Supply Chain, c’est un consortium de pas moins de 70 acteurs - fabricants de camions énergéticiens transporteurs et chargeurs - qui se sont unis, initialement pour candidater à un appel à manifestation d’intérêt européen doté de 30 millions d’euros de subventions. L’échec de cette candidature n’a pas découragé ce consortium lui a survécu.

Coalition de chargeurs France Supply Chain

Trois premiers cycles de réunion ont été organisés, depuis, pour travailler sur les conditions nécessaires pour rendre l’écosystème viable, sans subvention… un peu sur le modèle de l’association des chargeurs pour un transport décarboné qui œuvre au développement de cargos à voile (voir l’interview de Géraud Pellat de Villedon dans Républik Supply Le Média).

« Transporteurs comme chargeurs, nous sommes capables de dépenser plus d’argent si nous savons qu’il y aura, à l’arrivée, des bénéfices pour tout le monde. Payer un hydrogène à dix euros au départ ce n’est pas très grave si, à la fin, nous savons que nous le paierons cinq euros », schématise Géraud Pellat de Villedon.