Logistique

Pour Amazon et sa grande première dans l’Hexagone, Mærsk marque les esprits et veut prendre date


Sur son site flambant neuf de Denain (59), au sein duquel il stocke un nombre incalculable de colis pour le compte d’Amazon, Mærsk voit la vie en rose. Installé sur pas moins de 75 000 m2, le géant danois va désormais s’introduire sur les 25 000 m2 restants pour développer une nouvelle activité qui répond aux attentes de son client américain. Mærsk, qui met enfin un pied dans le marché de la logistique contractuelle français, ne cache pas sa fierté d’avoir participé au redéveloppement d’une friche issue d’un ex-site d’Usinor et entend désormais s’étendre. La ville, le département et la région ont de leur côté misé gros sur ce projet aux retombées importantes pour l’emploi.

Pour Amazon et sa grande première dans l’Hexagone, Mærsk marque les esprits et veut prendre date
Pour Amazon et sa grande première dans l’Hexagone, Mærsk marque les esprits et veut prendre date

« C’est notre nouveau vaisseau amiral » : voilà comment Abdoulaye Ba, responsable des opérations de logistique contractuelle de Mærsk en Europe et président de Maersk contract logistics France, décrit la plateforme logistique de Denain, commune de la banlieue de Valenciennes, sa première installation en France. Petit nouveau dans le marché hexagonal de la logistique contractuelle donc, le mastodonte danois entend tout bousculer sur son passage. Et l’armateur veut le faire rapidement, très rapidement. A.P. Møller-Mærsk a d’ailleurs vu les choses en grand en débarquant sur les terres de France et de Navarre. Sa première plateforme logistique, développée par GLP devenu récemment propriété d’Ares Real Estate, est implantée sur l’ancienne friche industrielle d’Usinor, grand groupe sidérurgique français de la deuxième partie du 20e siècle (disparu en 2001 à l’issue d’une fusion avec d’autres grands sidérurgistes européens qui a donné naissance au groupe Arcelor).

La division Logistics & Services de Mærsk, qui a enregistré près de 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires hors activités maritimes et portuaires, exploite 500 entrepôts dans le monde dont 40 sur le Vieux continent, certains loués et d’autres en propriété, totalisant plus de 800 000 m2. Et en plus d’être la première en France, l’installation de Denain est la plus grande du groupe en Europe. « Cela fait désormais plus trois ans que Mærsk se développe et accélère sur ce marché, avec de grandes ambitions. Contrairement à nos concurrents, qui ont démarré par une ou plusieurs acquisitions, nous recherchons plutôt de la croissance organique ; nous voulons consolider nos acquis et construire notre réputation sur un marché dominé par des acteurs établis et matures », précise Abdoulaye Ba.

Livré en fin d’année 2023, l’entrepôt, certifié BREEAM niveau Very Good, affiche pas moins de 100 000 m2 de surface et se divise en 16 cellules de 6 000 m2 qui embarquent 13 racks chacune (pour un total de 240 000 alvéoles). Le gigantisme ne s’arrête pas là. Le bâtiment s’étend en effet sur près d’un kilomètre de longueur et dispose de 85 portes de quai. D’une hauteur libre sous poutres de 11,40 mètres, d’une résistance au sol de 5 tonnes/m² et d’une cour de manœuvre de 35 mètres, l’installation propose des circulations séparées pour les poids lourds et les véhicules légers. Mærsk en occupe, pour l’instant, les trois-quarts, soit 75 000 m2 des 100 000 m2 disponibles. Mais à compter du 9 septembre prochain, le logisticien investira également les 25 000 m2 restants pour occuper la totalité du site, embranché fer et connecté aux autoroutes A2/A21 et situé non loin du canal de l’Escaut prolongé dès 2032 à l’Oise et à la Seine grâce au canal Seine-Nord Europe. Et cela pour une simple et bonne raison : son client, Amazon, aime lui aussi voir les choses en grand. La stratégie du géant du e-commerce en matière d’infrastructure étonne autant qu’elle détonne, d’autant que l’Américain exige souvent de ses partenaires la plus grande discrétion.

Source de fierté locale et transition terminée

Ce projet marque un engagement très fort envers la communauté locale

Mais le projet né à Denain n’a rien de discret, bien au contraire. Inaugurée le 23 avril dernier en grande pompe, en présence de la municipalité, du département du Nord et de la Région, la plateforme revêt une véritable importance symbolique. Son implantation vient en effet donner un second souffle à la ville de Denain, terriblement marquée par la désindustrialisation et toujours craintive de retomber dans le fléau de la crise. « Ce projet marque un engagement très fort envers la communauté locale », a déclaré Aymeric Chandavoine, vice-président exécutif et président Europe d’.A.P. Møller-Mærsk.

Cette plateforme reflète également l’importance croissante prise par la région du Nord dans le secteur logistique. Cette transformation en pôle logistique, qui a débuté dans les années 1990 et qui s’est accélérée ces dernières années avec le développement d’infrastructures de transport modernes, a redonné de l’espoir et de l’oxygène à toute une population. En une trentaine d’années, les Hauts-de-France sont même devenus l’un des principaux pôles logistiques d’Europe. Sa proximité avec de grandes métropoles européennes - Paris, Bruxelles et Londres - l’a aidé à s’établir dans le paysage et en fait un carrefour incontournable des grands axes commerciaux européens. « Avec ce site, nous nous installons enfin au cœur du corridor logistique français », se félicite d’ailleurs Aymeric Chandavoine.

Un hub tampon qui a toute son importance

Dans la chaîne de distribution d’Amazon, l’entrepôt de Denain n’est pas le moins important. Servant de base-tampon, il permet d’assurer le réassort de nombreux centres de distribution d’Amazon disséminés un peu partout en Europe, et traite exclusivement des produits de faible rotation (classe C). « L’entrepôt vient délester les entrepôts internes d’Amazon », explique Abdoulaye Ba. Ils sont aujourd’hui un peu plus de 250 personnes (CDI et intérimaires) à travailler sur le site de Denain, sur lequel 150 000 à 160 000 colis entrent et sortent chaque semaine en moyenne.

 Le site de Denain totalise pas moins de 100 000 m2 de surface et se divise en 16 cellules de 6 000 m2. Plus de 150 000 colis y sont réceptionnés chaque semaine - © D.R.
Le site de Denain totalise pas moins de 100 000 m2 de surface et se divise en 16 cellules de 6 000 m2. Plus de 150 000 colis y sont réceptionnés chaque semaine - © D.R.

« En dehors des périodes de fin d’années, nous réceptionnons et expédions une centaine de camions chaque semaine », explique Nadia Dumas-Rharrouz, directrice du site de Denain. Les marchandises, en provenance du monde entier, ressortent ainsi à la demande de la dizaine de fulfillment centers d’Amazon en Europe. Lors des pics saisonniers, ces volumes sont multipliés par 2, « voire 2,5 », fait savoir la directrice du site, soit près de 300 000 colis et 200 à 300 camions par semaine. « En périodes de pics, 500 personnes travailleront sur site », poursuit de son côté le président de Maersk contract logistics France.

Attention, vertige

La nature de l’activité ne se prête pas à l’automatisation

Les dimensions et poids extrêmement variables des colis limitent pour le moment l’implémentation de solutions mécanisées et automatisées. « La nature de l’activité ne se prête pas à l’automatisation », explique Abdoulaye Ba. « Nous avons pris des renseignements sur quelques solutions d’automatisation, mais aucune ne donnait satisfaction. Toutes auraient été sous-utilisées. » À Denain, les palettes ne sont pas de mise non plus. Colis, colis et colis … voilà sur quoi l’installation se concentre. Rangés sur des racks de 14 niveaux de hauteur les colis sont réceptionnés par des chariots Jungheinrich.

Niveau sécurité, Mærsk ne lésine évidemment pas sur les moyens et fournit tous les équipements nécessaires à ses employés. Les caristes sont équipés de mousqueton et de corde qui les sécurisent à bord de leur appareil de levage électrique. Ils peuvent ainsi s’employer à prélever les paquets dans des allées extrêmement étroites et filoguidées. Pensées et voulues de la sorte, elles permettent d’optimiser et de densifier au maximum l’espace de stockage, mais aussi d’assurer des conditions de sécurité optimales aux opérateurs. «  Pour améliorer les conditions de travail de nos collaborateurs et l’ergonomie, nous travaillons sur des solutions novatrices à déployer. Nous avons par exemple déjà mis en place des exosquelettes, qui font l’objet d’un test et qui devraient être déployés à terme », indique par ailleurs Nadia Dumas-Rharrouz. Une fois déposés dans des rolls, les colis sont amenés près des quais d’expédition et chargés dans les véhicules en vrac. En plus des exosquelettes, des rampes télescopiques placées dans les remorques viennent appuyer les opérateurs dans leurs efforts de manutention.

De nouveaux entrepôts à venir

Nous voulions démontrer avec ce projet que nous étions capables de reproduire ce que nous faisons autre part, notamment en Asie et en Amérique du Nord, avec un niveau de performance similaire

Enfin lancé, le Danois enrichira dès septembre, sur son nouveau terrain de jeu, ses prestations de stockage et de préparation de commandes par des opérations de cross-dock. Très présent en Amérique du Nord et en Asie, deux contrées où sont majoritairement localisés ses entrepôts, l’armateur et logisticien travaille de longue date avec Amazon. Pour l’Américain, il était tout naturel de faire appel aux services de son prestataire historique aux États-Unis et ce même en France, où Mærsk doit pourtant faire son trou face à une concurrence exacerbée sur le marché de la logistique contractuelle. Un défi pour le géant danois, qui nourrit comme indiqué plus haut de (très) grandes ambitions et espère répliquer son modèle en France, plus particulièrement sur la dorsale Lille-Paris-Lyon-Marseille. « Nous voulions démontrer avec ce projet que nous étions capables de reproduire ce que nous faisons autre part, notamment en Asie et en Amérique du Nord, avec un niveau de performance similaire », insiste Abdoulaye Ba.

La division Logistics & Services de Mærsk envisage d’ouvrir au moins un entrepôt par an et compte bien s’appuyer sur son approche end-to-end et sa qualité de services pour séduire certains de ses clients. « La France est une cible de choix. Mærsk s’inscrit dans une logique : celle d’être un end-to-end solutions provider. Nous ne nous interdisons aucun secteur et chaque client “Océan“ Mærsk est susceptible d’être un client de sa division Logistics & Services », confirme Abdoulaye Ba. « Le démarrage de ce nouveau site a marqué une véritable étape pour Mærsk en France, portant nos capacités de logistique contractuelles et d’entreposage. Nous sommes évidemment associés au transport maritime, mais nous voulons démontrer notre agilité, notre flexibilité et la qualité de nos services. Notre vaste réseau intégré de grande qualité permet aujourd’hui de fournir des solutions logistiques end-to-end et de répondre aux besoins de nos clients où qu’ils se trouvent, et désormais aussi en France. Nous sommes maintenant en mesure d’aborder les chaînes logistiques de manière holistique », a soutenu de son côté Aymeric Chandavoine.