Data : décider avec les bonnes informations, pas avec le bruit
L’atelier-débat des Supply Days des 16 et 17 octobre à Deauville animé par le président de France Supply Chain, Yann de Féraudy, sur le thème : « Data : avez-vous les bonnes données pour prendre vos décisions ? » a livré un état des lieux sans fard sur la qualité des données (variables), les indicateurs qui comptent vraiment, la place de l’intuition, les garde-fous pour l’IA et la culture data à instaurer.

Les trois points clés à retenir
• Sécuriser et gouverner la donnée avant d’industrialiser l’IA.
• Relier chaque KPI à un processus et à une décision (sinon POC sans suite).
• Acculturation et sponsorship DG comme prérequis au passage à l’échelle.
La donnée fiable et pertinente reste une denrée rare ?
Premier constat convergent : la donnée est abondante mais rarement prête à l’emploi. Entre silos, tuyauterie défaillante et priorités court terme, la fiabilité vacille.
« On a des montagnes d’Excel et des extractions manuelles : utiles pour piloter au quotidien, mais loin d’un socle fiable et partageable. »
« Notre SI est siloté : pas d’API, peu d’architecture, la gouvernance de la donnée est éclatée entre métiers. »
« Le sentiment d’être en retard est général ; en réalité, beaucoup d’entreprises n’ont juste pas encore mis la donnée au niveau d’un actif critique. »
Tableau de bord supply : se limiter aux indicateurs vraiment essentiels
Sur des supply chains complexes, le besoin est d’abord la clareté : peu d’indicateurs, robustes, qui relient le client, l’approvisionnement, la fabrication et la distribution.
« Mieux vaut dix KPI qui vivent vraiment plutôt qu’un mur de chiffres : service client, fiabilité des prévisions, disponibilité, lead time, coût total. »
« L’important n’est pas l’outil mais la normalization : mêmes définitions, même granularité, sinon la comparaison devient politique. »
« Le passage à l’échelle échoue souvent : on reste au POC tant que les KPI ne sont pas rattachés aux processus et aux décisions. »
Une place pour l’intuition dans la décision à défaut d’autre chose
Les dirigeants reconnaissent une part d’intuitif issue de l’expérience. Mais l’intuition n’est utile que si elle est confrontée rapidement à des faits.
« L’intuition, c’est un capteur d’alerte : je “sens” la dérive, mais je demande la preuve dans le tableau de bord. »
« On confond parfois intuition et habitude : l’une ouvre des hypothèses, l’autre ferme des options. »
« Quand la donnée est lacunaire, je tranche ; dès que la donnée s’améliore, je formalise la règle pour que l’équipe n’ait plus à hésiter. »
L’IA un bel outil, mais sans maîtrise gare aux risques
L’IA accélère l’analyse (verbatims clients, prévisions, automatisations), mais exige des garde‑fous : sécurité, qualité, explicabilité.
« Sans cadre d’usage et environnement sécurisé, chacun bidouille son agent IA : c’est rapide mais ingérable en risque. »
« Données empoisonnées, paramètres modifiés, prompts malveillants : la moindre faille se réplique à grande échelle. »
« Le ROI se révèle quand l’IA s’insère dans un processus ; sinon, c’est un joli POC qui remplace deux stagiaires… puis s’arrête. »
Instaurer une culture data partagée
La variable décisive reste humaine : sponsorship de la direction, acculturation de tous, et partage des retours d’expérience pour sortir du POC.
« Quand la DG sponsorise, les lignes bougent : cadrage, budgets et cas d’usage concrets catalysent l’acculturation. »
« Nous avons démarré petit : ateliers, besoins métier, co‑conception avec la data/IT ; l’appropriation a précédé la technologie. »
« Être “data‑driven” cesse d’être une incantation quand un owner est nommé, que les définitions sont communes et qu’on mesure l’impact. »
En creux, une évidence : décider mieux ne demande ni un bazooka technologique ni un énième dashboard, mais des données sobres, partagées et reliées aux décisions.