Stratégie supply

bioMérieux : « Les gains de productivité de la supply chain rendront la croissance plus profitable »

Par Guillaume Trecan | Le | Industrie

Eric Thomas, directeur global supply chain du spécialiste des tests et diagnostics bioMérieux, détaille le programme de 20 millions d’euros d’investissement que ce groupe familial (3,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires) vient de consacrer à sa supply chain. Au menu : extension de sa plateforme logistique, robotisation avec Exotec, un nouveau WMS avec Reflex.

Eric Thomas, directeur supply chain global de bioMérieux. - © D.R.
Eric Thomas, directeur supply chain global de bioMérieux. - © D.R.

Quel rôle joue l’entrepôt de Saint-Vulbas auquel vous venez de consacrer un vaste programme de modernisation ?

Aujourd’hui plus de 90 % des ventes de Biomérieux se font en dehors de France. Nous vendons dans plus de 160 pays dans le monde dont un peu plus de 40 au travers de nos propres filiales et le reste au travers de distributeurs. Les plateformes de distribution internationales telles que Saint-Vulbas jouent un rôle crucial de points de consolidation de tout ce qui est produit dans leur zone vers le monde entier. Elles servent aussi à livrer l’ensemble du portefeuille produit aux clients locaux. Nous avons deux grands réseaux de plateformes internationales, le réseau français et le réseau nord-américain. Le réseau français, qui gère près de 5 000 colis et 300 palettes par jour, est constitué de l’entrepôt bioMérieux de Saint-Vulbas et d’un entrepôt opéré par GXO, distant de quelques kilomètres, dans la même zone industrielle.

Quels sont les différents éléments de ce plan de modernisation ?

En 2019, nous avons lancé une réflexion sur le changement de WMS de notre propre plateforme, dont l’inauguration remonte à 1999. Nous avons opté pour Reflex et nous avons réfléchi en parallèle à la répartition des tâches entre les deux plateformes. Elles fonctionnaient jusqu’ici en parallèle : les produits 15° à 25° étaient gérés par GXO et les produits de 2° à 8° et congelés par la plateforme interne bioMérieux. Nous avons fait le choix d’un fonctionnement en série. GXO assure la réception initiale des produits et le stockage, bioMérieux la préparation, en direct pour les clients des pays proches (France, Suisse, Italie, Espagne et Irlande) et via des entrepôts locaux et des distributeurs pour ceux des 155 autres pays.

Sut son site de Saint-Vulbas, bioMérieux utilise Exotec pour la préparation de colis à température ambiante. - © D.R.
Sut son site de Saint-Vulbas, bioMérieux utilise Exotec pour la préparation de colis à température ambiante. - © D.R.

Nous avons aussi profité de ce changement pour étendre la plateforme bioMérieux, passée de 10 500 m2 à 15 000 m2 et nous avons robotisé une partie de l’activité opérée jusqu’ici manuellement par GXO en faisant appel à Exotec. Nous avons également changé plusieurs équipements de préparation. L’ensemble de ces évolutions représente 20 millions d’euros d’investissement.

Nos marchés en Europe sont relativement stables et connaissent une croissance régulière, ce qui nous permet d’investir sereinement

Qu’est-ce qui explique ce choix de Biomérieux de conserver un entrepôt opéré par ses soins ?

Nos marchés en Europe sont relativement stables et connaissent une croissance régulière, ce qui nous permet d’investir sereinement. Avoir notre propre plateforme nous permet aussi de pérenniser des savoir-faire et des connaissances technologiques sur lesquels nous nous appuyons dans nos interactions avec des parties tierces et dans d’autres pays.

Quels indicateurs de performance cette série d’investissements vous permet-elle d’améliorer ?

La robotisation d’une partie de l’activité manuelle va nous apporter de la productivité. L’extension a également été conçue avec des standards d’efficacité énergétique très élevée, grâce auxquels nous réduisons nos consommations d'énergie. En changeant de système, nous devenons surtout beaucoup plus agiles, par exemple pour passer plus facilement d’un prestataire de transport à un autre. Nous pouvons aussi répondre plus facilement aux demandes spécifiques de certains pays qui ont tendance à s’accroitre, en termes de packaging, d’étiquetage ou encore de notices. Cette agilité peut nous apporter d’importantes optimisations de coûts et de CO2.

Nous pourrons par exemple envoyer des colis multi températures et rassembler en un seul colis des produits 2° à 8° et des produits à température ambiante pour un même client. Plus largement, nous sommes plus agiles dans la gestion de la charge. Nous devons en effet accompagner la croissance et les gains de productivité de la supply chain rendront la croissance plus profitable. Enfin nous allons pouvoir générer des données qui nous permettront non seulement d’optimiser la plateforme mais aussi les flux qui en partent.

Quels sont les arguments qui ont joué en faveur de la robotisation et plus particulièrement du choix d’Exotec ?

Ce choix se justifiait aux vues de notre volumétrie, de la taille de nos produits et de notre besoin d’absorber la croissance de nos volumes et de notre portefeuille produits. Nous avons choisi cette solution précisément pour son agilité au regard de la charge, du nombre de références ou de lots avec différents niveaux de péremption en fonction de la distance à parcourir. L’espace au sol requis a été un autre facteur décisionnel important. La solution est aujourd’hui utilisée dans la préparation des commandes en température ambiante. Nous n’envisageons pas d’extension fonctionnelle à ce stade, mais le système est positionné pour avoir de l’espace capacitaire résiduel.

Cela a nécessité une montée en puissance très progressive, avec 17 Go live en 18 mois

Comment avez-vous géré la dimension conduite du changement auprès des équipes ?

Ce projet a été déployé alors que la plateforme était en fonctionnement. Cela a nécessité une montée en puissance très progressive, avec 17 Go live en 18 mois. Cela nous a beaucoup appris en termes de pilotage du risque opérationnel. Il a également fallu accompagner les équipes GXO dans le changement d’organisation et dans l’implémentation d’une nouvelle version de Reflex en backup de notre WMS.

Ces quatre dernières années nous ont beaucoup appris des différentes conditions dans lesquelles nos flux pouvaient être opérés, avec des conditions de marché particulièrement volatiles

Ce projet a-t-il changé quelque chose à la position de la direction supply chain dans le groupe ?

Nous avons conduit une transformation importante de la supply chain depuis 2015 et le positionnement de la fonction avait déjà beaucoup évolué auparavant. Ces quatre dernières années nous ont beaucoup appris des différentes conditions dans lesquelles nos flux pouvaient être opérés, avec des conditions de marché particulièrement volatiles. Cela nous a permis de nous muscler en termes de compétences, de bonnes pratiques et d’outils et d’exercer de puissants leviers en matière de réduction de coûts et d’empreinte carbone. Nous avons ainsi fait évoluer considérablement nos modes de transport. Il y a sept ans, nous transportions encore à 90 % nos produits en aérien sur la longue distance et nous sommes aujourd’hui descendus à 45 %.

La modernisation de cette plateforme est l’occasion de montrer à quel point nos opérations ont été rendues complexes par la variété des marchés que nous servons. Depuis que le projet est terminé, nous avons mené à Saint-Vulbas un grand nombre de visites de commerciaux bioMérieux, de clients et de partenaires.

Nous devons développer et déployer un certain nombre de tableaux de bord et intégrer ces données dans nos outils de Business Intelligence

Quelles sont vos ambitions en matière d’exploitation de la data ?

Les données dont nous allons disposer vont être en priorité utilisées en interne et pour optimiser l’écosystème transport. Nous devons développer et déployer un certain nombre de tableaux de bord et intégrer ces données dans nos outils de Business Intelligence qui rassemblent des données externes et venant de nos ERP.

A quoi allez consacrer les prochains investissements du groupe dans sa supply chain ?

Outre cette partie digitale et données très importante, un sujet de longue haleine qui monte en puissance depuis 2019, il nous reste à achever d’autres sujets de réorganisation, en particulier concernant nos plateformes aux Etats-Unis, où nous sommes en train de redessiner notre schéma logistique. Historiquement nous étions positionnés près des centres de fabrication et nous nous repositionnons près des zones de clientèle qui se trouvent également, sur la côte Ouest et sur la côte Est, près des zones portuaires, ce qui permettra de réduire notre exposition marché du transport routier. Nous sommes aussi en train de nous projeter dans une deuxième phase de notre équipement en outil de planification de la distribution, en travaillant sur le redesign des process et des responsabilités S&OP.

Portrait

Eric Thomas est directeur supply chain global de bioMérieux. Il dirige une équipe de 650 personnes. Son périmètre de responsabilité couvre l’interaction opérationnelle avec les clients, la distribution des produits finis, le planning opérationnel des produits finis et le S&OP.