Stratégie supply

Club Supply Chain : La gestion des risques, nouvelle priorité prioritaire de la fonction supply ?

Par Mehdi Arhab | Le | Industrie

Le premier Club Supply Chain de l’année 2024 a été l’occasion pour une vingtaine de directeurs supply chain de débattre sur la place qu’occupe la gestion des risques dans leur feuille de route. Le sujet, forcément, a pris de plus en plus d’importance ces dernières années, les crises et les foyers de tension s'étant multipliées.

Club Supply Chain : La gestion des risques, nouvelle priorité prioritaire de la fonction supply ?
Club Supply Chain : La gestion des risques, nouvelle priorité prioritaire de la fonction supply ?

La gestion des risques a, ces dernières années, pris de plus en plus de place dans l’esprit des décideurs des entreprises françaises. L’instabilité géopolitique et la multiplication des conflits ici et là les ont forcément obligées à revoir leurs priorités. L’inflation en est une, bien sûr, la RSE le devient, la gestion des risques en est une autre et pas des moindres. Les crises successives, peu importe leur nature, ont en effet déstabilisé l’activité économique et mis à mal les relations clients-fournisseurs « Mais la gestion des risques est-elle si fiable que cela dans nos entreprises ? », s’interroge l’un des convives, laissant entendre qu’elle est encore insuffisante.

« Elle existe, bien entendu, et est en bonne place dans nos priorités. Toutefois, personne n’est réellement en mesure de réellement prévenir les risques ». Pour tenter, tant bien que mal de le faire, beaucoup ont renforcé leur veille et mettent sur pied des scénarios, que l’un des invités qualifie de « créatifs ». Outre la volatilité de la demande, pointée dans le Baromètre des risques supply chain édité par Kyu, un autre risque critique est cité par les convives présents autour de la table : celui des risques de rupture sur les chaînes d’approvisionnement. Et pour cause, les pénuries et la rareté sont loin d’avoir disparu. 

Des risques de plus en plus nombreux

« Les risques nous entourent, il y en a partout. La question est : comment les classifier ? »

« Les risques nous entourent, il y en a partout. La question est : comment les classifier ? », demande un directeur supply chain. Effectivement, ils sont nombreux et pullulent. Les risques géopolitiques ont atteint des niveaux extrêmes ces dernières semaines et s’enchaînent ; dernièrement, ce sont les tirs de missiles des rebelles Houthis en mer Rouge en direction des porte-conteneurs de grandes entreprises occidentales qui inquiètent et accroissent très largement la pression sur les flux logistiques. 

À cela se greffent les risques capacitaires, le manque de main d’œuvre qualifiée ou encore, les traditionnels risques qualité, les événements climatiques ou encore les attaques cyber. « Les risques industriels sont pris très au sérieux depuis très longtemps, il en va de même depuis quelques années pour les risques achats. Nous ne sommes jamais à l’abri d’une défaillance ou d’une catastrophe qui toucherait l’usine d’une de nos fournisseurs, ou d’un fournisseur de fournisseur. La gestion des risques purement supply commence à gagner du terrain, sur le flux et non sur chaque point du réseau », embraye l’un des convives.

Le multi-sourcing, une réponse à beaucoup de problèmes

Pour les contenir autant que faire se peut, les donneurs d’ordre commencent à se mettre en ordre de bataille savoir d’où viennent leurs matières premières, dans quel contexte les produits ont été manufacturés, de quelle manière l’environnement a pu être touché par ces productions … Et beaucoup également ont décidé de rapprocher leur bassin de sourcing et recourent au multi-sourcing. En effet, de plus en plus de groupes sont tentés de relocaliser dans des zones géographiques moins exposées aux tensions et conflits, ou même aux perturbations climatiques. 

Pour eux, c’est avant tout une manière de garantir un niveau minimum de production dans le cas où une des sources serait coupée ; de réduire le délai de réapprovisionnement et d’écourter la chaîne de valeur et même d’éviter la génération de surstocks. C’est de la sorte qu’elles se prémunissent de certains risques majeurs et parviennent, quand cela est possible, à contourner les effets des tensions géopolitiques.

Nous n’avions jusqu’à mon arrivée pas de process multi-sourcing, je l’ai donc instauré afin de gagner en réactivité et en agilité

« Nous avons lancé un grand plan de régionalisation et rapproché nos sources d’approvisionnement, cela est extrêmement bénéfique pour prévenir les risques en général, mais aussi pour le service au client et pour des considérations environnementales », explique l’un des présents. L’une des convives lui emboîte le pas, assurant avoir décidé de reconfigurer la manière dont elles opéraient leur sourcing. « Nous n’avions jusqu’à mon arrivée pas de process multi-sourcing, je l’ai donc instauré afin de gagner en réactivité et en agilité ». Il est donc à noter que de nombreuses organisations se sont adaptées pour essayer de faire face aux risques.

Nous avons, tous, ouvert la porte à certaines dépendances

« Nous avons, tous, ouvert la porte à certaines dépendances. La mondialisation a certes permis de réduire les coûts, mais elle nous a embarqué dans des choses qui nous dépassent, les tensions géopolitiques étant telles. Si la Chine décidait d’imposer des restrictions, comme elle l’a fait pour certains métaux et technologies, nous serions obligés de nous asseoir par terre. Nous concernant, alors que nous nous étions tournés vers l’Europe de l’Est pour sourcer certains produits, nous sommes repartis à vitesse grand V vers la Chine du fait de la baisse significative des taux de fret. Cela pose forcément un problème », tempère un autre, démontrant que personne n’est jamais vraiment à l’abri d’un accroc.

La digitalisation, source de bienfaits mais aussi de potentielles catastrophes ?

Preuve donc que malgré tous leurs efforts, les donneurs d’ordre n’ont aucune certitude d’échapper à un couac, cela d’autant que bien d’autres risques peuvent entraver le bon fonctionnement d’une entreprise. « Les risques cybers sont extrêmement importants et il est à inscrire dans la feuille de route de toutes les organisations. Les supply chain sont aujourd’hui totalement digitalisées et il suffit que quelque chose se grippe pour tout bouleverser », défend d’ailleurs un convive. « Ils concernent avant tout nos fournisseurs. S’ils sont touchés, nous pouvons l’être par ricochet. Nous avons donc développé des mesures de mitigation vis-à-vis d’eux », complète un autre. Les entreprises sont donc aujourd’hui prises en étau et ne savent sans doute plus où donner de la tête, tant les risques se sont multipliés. Leur fragilisation est de fait facile à expliquer ; elles se retrouvent, malgré elles, dans de véritables zones de turbulence. Jusqu’à quand ? Telle est la question.