Le Grand Port Maritime de Saint-Nazaire dans la tourmente
La Cour des Comptes vient de publier un rapport mettant en lumière les difficultés du quatrième port français qui tente d’effectuer un pivot stratégique pour limiter sa dépendance au transport des hydrocarbures et se réorienter vers l’éolien. Moins performant que ses concurrents européens, plus cher, moins stable… la liste des griefs et longue.

La Cour des Comptes vient d’émettre de sérieux doute sur la trajectoire du grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire, quatrième port français et premier de la façade atlantique. En 2024, le trafic du port s’élevait à 25,7 millions de tonnes contre 29,9 millions de tonnes en 2017, première année de la période passée au crible par la Cour des Comptes.
Celui-ci s’est lancé dans un grand projet d’investissement baptisé Eole consistant à construire une plateforme d’assemblage mise à disposition des industriels de la filière éolienne, qui représente un très lourd investissement, soutenu par les collectivités locales, l’Etat et l’Union européenne. Mais ce projet est semble-t-il mal engagé au regard des difficultés multiples qui compliquent de plus en plus la bonne gestion du port. Signe des difficultés de gestion documentées par le rapport souligne l’incapacité du port à tenir les objectifs qu’il s’était fixé en matière d’investissement. Le montant d’investissement prévu dans les budgets du port sur la période s’élevait à près de 270 M€, mais seule 70 % de cette enveloppe a été utilisée.
Chute du résultat d’exploitation
Sur cette période 2017 2024, le résultat d’exploitation du Port a dégringolé de 14,7 % du chiffre d’affaires à 3,4 %. Cette période a aussi été marquée par l’accroissement de la dépendance du port aux importations d’hydrocarbures, qui représentent encore 70 % du trafic contre moins de 6 % pour les conteneurs. Les 25 % restant comprennent essentiellement du vrac (charbon, alimentation animale, sable, céréales, etc.) et des voitures. Si, sur cette période, le port a souffert de la baisse des trafics sur le charbon et le gaz naturel liquéfié, le trafic de conteneur a également fortement décliné reculant de 18 %, avec pour conséquence une perte de chiffre d’affaires de près de 400 000 euros en matière de droits de port.
Et à ce titre, les Sages de la Cour des comptes publient des chiffres impitoyables pour le port qui révèlent de manière criante la faiblesse de son terminal de conteneurs, tant d’un point de vue qualité des services que de la relation commerciale. Le temps moyen d’escale à Nantes, est en effet estimé à 28 heures contre 18 heures à Valence et à La Rochelle et 17 heures à Bilbao. Ajoutée à cela un fort risque d’annulation d’escale pour cause de grève et l’on comprend que beaucoup de navire n’inscrivent pas Nantes sur leur feuille de route.
Un mois de grève par an
Dans le même temps, les charges de personnel sont passées de 43,3 millions d’euros à 65,7 millions d’euros, le ratio charges de personnels par rapport au chiffre d’affaires augmentant de plus de 13 %. Le rapport met en regard cette évolution avec de grandes difficultés en matière de gestion des ressources humaines, marquée par une moyenne d’un mois de grève par an (165 jours au total). En résulte selon les termes du rapport « un dérapage des effectifs et des charges de personnel ». Dans l’ensemble les charges d’exploitation du port sont passées de 89 millions d’euros à 139 millions d’euros.
Le rapport pointe la défaillance de la tutelle de l’Etat à travers l’implication insuffisante de la DGTIM, dénonçant notamment le fait que « à ce jour, le président actuel du directoire, entré en fonction le 29 avril 2024, ne dispose toujours pas de lettre de mission ». L’Etat contribue pourtant de plus en plus aux finances du port avec une dotation passée entre 2017 et 2024 de 12,7 millions d’euros à 16,7 millions d’euros.