Logistique

GPSO : « Il suffirait de trois micro-hubs pour couvrir 95 % des besoins en points de livraison »

Par Guillaume Trecan | Le | Logisticien

Christelle Sellier directrice de la mobilité au sein de l’intercommunalité Grand Paris Seine Ouest (GPSO), revient sur les résultats de l’étude E.V.O.L.U.E. qui a cartographié les flux de livraisons du dernier kilomètre sur son territoire entre 2020 et 2022.

GPSO : « Il suffirait de trois micro-hubs pour couvrir 95 % des besoins en points de livraison »
GPSO : « Il suffirait de trois micro-hubs pour couvrir 95 % des besoins en points de livraison »

Quel rôle a joué l’intercommunalité Grand Paris Seine Ouest dans le projet EVOLUE ?

Tout est parti, en juin 2019, d’une initiative privée de France Supply Chain, le club Démeter et l’Institut du Commerce. Ces trois acteurs ont monté un projet d’exploitation des informations des tournées de sur un territoire d’expérimentation sur lequel ils pouvaient avoir une cartographie de toutes les opérations de livraison. Ils ont répondu à un appel à manifestation d’intérêt de la région Île de France, qui a apporté un financement complémentaire. Grand Paris Seine Ouest (GPSO) est territoire d’accueil de cette initiative.

Nous n’avons pas du tout d’infrastructure logistique, excepté à la frange de notre territoire, vers Vélizy

Quelles sont les particularités de votre intercommunalité au regard des problématiques de logistique du dernier kilomètre ?

Nous sommes une entité de 300 000 habitants, soit l’équivalent d’une petite métropole. Un territoire conséquent en termes d’habitants et d’emplois, avec 120 000 emplois dont beaucoup de tertiaires. Nous sommes naturellement imbriqués dans la métropole et la région île de France, nous appartenons au même bassin d’emploi. Nous avons la particularité d’avoir à la fois des villes très denses - Boulogne-Billancourt, Issy ou encore Vanves - des communes périurbaines résidentielles, des espaces de forêts qui recouvrent près de 40 % de notre territoire et des villes moins denses, mais tout de même contraintes en termes d’infrastructures. Nous avons des infrastructures routières qui servent aux déplacements de transit vers la métropole, sans lien avec le territoire, mais également des zones urbaines assez anciennes, avec des voies étroites. Nous n’avons pas du tout d’infrastructure logistique, excepté à la frange de notre territoire, vers Vélizy mais elles ne sont pas dévolues à la livraison du dernier kilomètre.

Le sujet de la logistique urbaine péri-urbaine existait-il au préalable dans les réflexions de la collectivité ?

L’intercommunalité avait déjà la volonté d’avoir une démarche globale sur la logistique pour faire avancer des projets de différentes natures. Nous avons aussi, depuis plusieurs années, une volonté de travailler sur le foncier logistique. Nous avions diligenté une étude avec Sogaris pour identifier du foncier qui pourrait servir à de la logistique.

Christelle Seiller, directrice de la mobilité GPSO. - © D.R.
Christelle Seiller, directrice de la mobilité GPSO. - © D.R.

Notre réflexion sur le développement d’espaces logistiques urbains tendait à trouver du foncier pour permettre une massification, suivi d’une distribution VUL (véhicule utilitaire léger)

Quel était votre constat préalable sur la livraison du dernier kilomètre ?

L’accueil des points de livraison s’organise de manière parfois anarchique, avec beaucoup de stationnements en double fil, des aires de livraison que nous essayons d’adapter aux livraisons des commerces de petites et moyennes surfaces qui ne répondent pas forcément aux besoins de la livraison à domicile… Cette situation génère des problèmes de congestion mais aussi de sécurité routière, avec un encombrement des pistes cyclables, un manque de visibilité des passages piétons. Notre réflexion sur le développement d’espaces logistiques urbains tendait à trouver du foncier pour permettre une massification, suivi d’une distribution VUL (véhicule utilitaire léger) propre.

Comment s’est déroulée l’expérimentation ?

Il y a eu une mise en commun d’information et de moyens. Nous avons contribué en fournissant de l’information géographique, notamment la localisation et la caractérisation des aires de livraison. Nous avons également transmis des relevés de comptage effectués par des caméras avec analyse d’images. De leur côté, les trois porteurs de projet ont exploité ces données et ont interrogé des contributeurs tels que DB Schenker, Geodis ou encore Raja, pour connaître toutes les tournées sur GPSO et des prestataires e-commerce et retail de proximité. Nous avons récupéré toutes leurs courses sur les mois d’octobre 2020, 2021 et 2022, ce qui nous a permis de capter la donnée sur 400 livraisons par jour.

L’analyse de ces informations a donné à la fois la somme des endroits où les camions se sont arrêtés pour leurs livraisons et les itinéraires qu’ils ont empruntés. Le bureau d’étude PTV groupe et les Mines Paris Tech ont consolidé toutes ces tournées et les ont modélisées. Le projet était de trouver un enseignement utile à la collectivité pour contribuer à définir une meilleure organisation qui convienne également aux professionnels du secteur.

Pour couvrir ne serait-ce que la moitié de ces lieux de livraisons, nous devrions passer de 260 à 400 aires de livraison

Quelles conclusions tirez-vous de cette étude ?

Une conclusion de l'étude est qu’il ne faut pas nécessairement chercher à monter un projet complet et parfait tout de suite. Lorsque l’on compare les différents lieux de livraison et les aires de livraison que la collectivité a créé, on s’aperçoit qu’une grande partie des livraisons se situe à plus de cinquante mètres d’une aire. Or, pour couvrir ne serait-ce que la moitié de ces lieux de livraisons, nous devrions passer de 260 à 400 aires de livraison, pour en couvrir 90 %, il nous faudrait un millier d’aire de livraison. Ce n’est pas envisageable étant donné les contraintes qui pèsent déjà sur l’espace public. En revanche, il suffirait de trois micro-hubs pour couvrir 95 % des besoins en points de livraison.

La suite logique de la réflexion avec France supply chain, le club Déméter et l’Institut du commerce consiste à identifier des projets d’espaces logistiques urbains. Avec les services urbanismes des communes, nous allons donc étudier la possibilité de tester des lieux, comme cela a été fait durant le covid avec des voies cyclables. Des aménagements temporaires ont permis d’en évaluer la pertinence avant de les pérenniser. Sachant qu’il est difficile de faire admettre un projet logistique en ville, il est préférable de tester son acceptabilité et de tisser des liens au préalable.