Solutions et techno

L’intelligence artificielle irrigue les décisions de la supply chain de Renault

Par Guillaume Trecan | Le | It

Le groupe Renault construit avec Dataiku une plateforme qui permettra de développer des solutions d’IA plus vite et plus simplement afin de démocratiser l’usage de l’IA dans la supply chain et d’en maximiser les gains. Explication de Ludovic Doudard, general manager Process Engineering Supply Chain.

Ludovic Boudard et Christian Serrano. - © D.R.
Ludovic Boudard et Christian Serrano. - © D.R.

Au bout de sept ans de déploiement de sa feuille de route digitale, Renault commence à concrétiser, application après application, sa volonté d’atteindre l’« intelligence de la décision », soit prendre plus de décisions, plus vite et avec plus de précision. Lors d’une présentation chez le spécialiste de l’IA Dataiku, mardi 5 mars, un chiffre donné par Ludovic Doudard, responsable process et digital end to end à la direction supply chain de Renault, donne une idée de ce que cela pourrait changer pour le constructeur automobile.La Supply Chain de Renault Group a pour ambition de dégager 45 Millions d’euros de valeur digitale grâce à 25 projets de développement d’outils basés sur l’intelligence artificielle. Le déploiement de la plateforme Dataiku permettra de déployer rapidement une partie de ces projets qui contribueront à hauteur de 10 millions d’euros.

Un tiers de la supply chain dédié au process et au digital

Pour obtenir cette valeur le groupe n’a pas hésité à investir. Un tier des effectifs de la supply chain sont constituées de personnes gérant les process et le digital. « Nous avons une fonction digitale et process très forte au sein de la supply chain pour faire le lien entre les Opérations et l’IT. Nous sommes au milieu », indique Ludovic Doudard en charge de tous les process et SI de la supply chain. A lui seul Christian Serrano, responsable de la data et de l’IA pour la supply chain Renault Group, en charge du projet IA@SCALE pour le domaine Supply Chain, travaille avec une équipe d’une quinzaine de personnes. « Nous avons aussi un parcours de formation qui vise à intégrer tout le monde dans l’IA pour faciliter la conduite du changement », relève Christian Serrano.

Au menu de IA@SCALE, lancé en janvier 2024, figurent des projets de recherche opérationnelle, de machine learning et d’IA générative. Ce programme intègre aussi le partenariat conclu dernièrement avec le laboratoire Cermics de l’Ecole des Ponts Paris Tech. A l’issue d’un travail de quatre mois avec Dataiku, la direction supply chain de Renault va pouvoir bénéficier d’une plateforme IA pour créer de manière accélérée de multiples applications métiers prête-à-l’emploi.

Créer un climat de confiance, embarquer avec nous les opérations, passe par des plateformes simples d’utilisation sur lesquelles tout le monde peut collaborer et qui enlèvent l’effet boite noire 

L’intérêt de Dataiku résumé par Christian Serrano : « Faciliter la conduite du changement et accélérer le time to market de nos projets IA ». Cinq applications sont en cours de développement dont, par exemple, une application d’optimisation des routes de transport. « Nous avions identifié plusieurs murs pour passer l’IA à l’échelle, un mur mathématique que nous essayons de franchir grâce à notre partenariat avec le Cermics sur nos problèmes complexes et un mur de la conduite du changement. Créer un climat de confiance, embarquer avec nous les opérations, passe par des plateformes simples d’utilisation sur lesquelles tout le monde peut collaborer et qui enlèvent l’effet boite noire », analyse Ludovic Doudard.

Un data lake, socle du développement d’applications digitales

Le chemin de digitalisation parcouru par la supply chain de Renault remonte à 2017, avec la constitution d’un data lake dans lequel 100 % de la data de la supply chain a été déversée entre 2018 et 2021. Pendant cette période, 10 % du budget IT a été dédié à la structuration de la data. Un sujet sur lequel la supply chain a potentiellement une longueur d’avance : « A la supply chain, si l’on a bien digitalisé et structuré nos processus, notre data dépend de systèmes d’information, elle est donc par nature structurée », note Ludovic Doudard.

Sur cette base saine, la direction de la supply chain a pu développer une Control Tower connectée à des partenaires telles que Shippeo qui lui permet aujourd’hui de piloter avec une grande précision l’approvisionnement de ses usines. Grâce à cette Control Tower Inbound, Renault peut savoir à tout moment où en sont les camions qui approvisionnent ses usines… un atout vital quand on sait que, quand un camion arrive dans une usine, il reste au mieux deux heures de stocks. En se fondant sur son Data Lake, l’équipe de Ludovic Doudard a également pu développer un grand nombre de POC en 2022.

L’organisation New End to End supply chain traduit la volonté de Renault de repositionner la supply chain au niveau de la leadership team du groupe et d’en faire un axe stratégique de sa digitalisation

Une refonte du S&OP en cours

Dans cette feuille de route digitale figure également la refonte complète de son S&OP imposée par les tensions sur la chaine d’approvisionnement. « La crise des composants nous demande d’avoir une profondeur de S&OP à 24 mois, soit au moins deux fois plus qu’avant la crise », justifie Ludovic Doudard.

D’une manière générale, le besoin de précision et de réactivité la supply chain a pris une dimension inédite dans l’automobile et demande un nouvel état d’esprit, illustré par un repositionnement de la direction supply chain en 2023. « L’organisation New End to End supply chain traduit la volonté de Renault de repositionner la supply chain au niveau de la leadership team du groupe et d’en faire un axe stratégique de sa digitalisation », résume Ludovic Doudard. Alors qu’auparavant, elle n’était qu’une composante de l’industrie, désormais, la supply chain est en interaction avec les acteurs clés du groupe : développement des véhicules, industrialisation, ventes et après-ventes.