La conférence inaugurale du SITL pronostique une supply chain plus verte et plus chère
Par Guillaume Trecan | Le | Green
La conférence inaugurale du SITL donne une fois par an une mise à jour du baromètre des tendances pour les métiers de la supply chain. Celle de 2024, qui s’est tenue le 19 mars, dédiée aux métamorphoses de la supply chain a dessiner les contours d’une montée en gamme sur fond de défi environnementaux et d’IA, sans cacher le coût de cette métamorphose.
Pour le PDG de Ceva Logistics, Mathieu Friedberg, l’avenir de la supply chain appelle une mobilisation générale de tous les acteurs pour franchir une sorte de mur d’investissement qui s’avance. « La supply chain, dans dix ou quinze ans, va coûter massivement plus chère qu’aujourd’hui. Ça ne sera probablement pas soutenable par ceux qui sont aujourd’hui les transporteurs et les logisticiens. L’enjeu sera un partage de cette charge par l’ensemble des acteurs sera majeur », estime le PDG de Ceva Logistics. « La vérité sur les chiffres est importante », plaide-t-il pour inviter client et prestataires à travailler à livre-ouvert pour faire face ensemble aux changements à venir. Le PDG de Ceva Logistics pointe trois pistes de travail en particulier pour faire avancer ce besoin de travailler en commun : les voies technologiques, l’évangélisation des clients et l’accompagnement des prestataires.
Une transformation de notre rapport à la sous-traitance est nécessaire si l’on veut réussir cette transformation
Accompagner les prestataires transport
Ce levier du dialogue avec les fournisseurs est particulièrement bien compris par l’affréteur de transport Heppner, dont 97 % des émissions de CO2 viennent de ses sous-traitants. « Nous avons beaucoup investi en interne pour pouvoir transformer notre flotte, à plus de 50 % vers des technologies vertes et nous travaillons aussi avec notre sous-traitance qui a plus de mal à changer parce que ce sont de plus petits acteurs, moins solides », concède le PDG de la société, Jean-Thomas Schmitt. Pour parvenir à impliquer ses prestataires dans sa démarche, Heppner modifie ainsi son business model en allongeant ses durées d’engagement sur des contrats long terme, ou encore en aidant ses prestataires à obtenir des financements. « Une transformation de notre rapport à la sous-traitance est nécessaire si l’on veut réussir cette transformation », résume-t-il. Et cette démarche commence à porter ses fruits puisque 23 % des envois du groupe en dernier kilomètre sont réalisés avec des motorisations vertes. Le groupe vise 30 % cette année.
Le partage de données pas encore naturelle
S’il n’est pas aisé de révolutionner sa politique achats, travailler en commun n’est pas non plus évident et Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique a rappelé les progrès qui restent à faire pour massifier le fret, un levier très puissant de décarbonation. « Massifier des tournées, c’est partager des données et beaucoup de nos clients n’aiment pas partager des tournées et les données qui vont avec », constate Anne-Marie Idrac.
Nous capitalisons sur ces front office pour déplacer la relation client sur des services à plus forte valeur ajoutée
Jean-Thomas Schmitt se propose de réinventer la relation client, avec la mise à disposition d’un portail digitalisé pour leur permettre de gagner du temps dans le pilotage de leurs marchandises et obtenir des réponses plus précises sur le développement de services pour leurs propres clients. « Aujourd’hui, nous capitalisons sur ces front office pour déplacer la relation client sur des services à plus forte valeur ajoutée », explique le PDG d’Heppner.
Pour Mathieu Friedberg, il est grand temps que l’expérience du BtoC incite les logisticiens à moderniser leur relation client. « Les expériences de nos clients demain seront probablement très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui et nous sommes encore assez loin de la cible », regrette le PDG de Ceva Logistics. Ce n’est certes pas par cette voie que les surcoûts de la mutation de la supply chain seront réduits… à ceci prêt que l’intelligence artificielle pourrait combiner montée en gamme et gains de productivité. « L’intelligence artificielle recèle un potentiel d’efficience massif et je pense insoupçonné », prédit Mathieu Friedberg, qui promet notamment des gains en termes de productivité et de la création de valeur pour les clients.