Stratégie supply

Vendu par Nestlé, Mousline reprend le contrôle de sa supply chain

Par Guillaume Trecan | Le | Industrie

Parmi les tâches prioritaires du directeur industriel de Mousline figure le fait de mieux maîtriser sa supply chain amont et de revigorer ses relations avec les producteurs de pommes de terre. Accompagné par CRC Services, il a aussi remis à plat son schéma logistique et transport.

Hicham El Fadil, directeur industriel de Mousline. - © D.R.
Hicham El Fadil, directeur industriel de Mousline. - © D.R.

Le géant Nestlé n’a pas souhaité garder la purée Mousline dans son escarcelle, mais la marque possède tout de même de sérieux atouts, avec 70 % de part de marché en France sur son marché et un chiffre d’affaires annuel de 80 millions d’euros. Rachetée par le fonds d’investissement spécialisé dans l’agroalimentaire FnB Private Equity, l’entreprise repart sur de nouvelles bases, notamment sur le plan de sa supply chain, qui reprend son autonomie sous l’égide du directeur industriel, Hicham El Fadil, responsable de l’usine de Rosières-en-Santerre, dans la Somme.

Reprendre le contrôle des approvisionnements amont

Hicham El Fadil reporte au président de Mousline et dirige une équipe de 25 personnes. Jusqu’ici, suivant un modèle propre au groupe Nestlé, la supply chain n’intégrait pas les approvisionnements, mais à présent l’équipe du directeur industriel gère à la fois, d’une part, l’approvisionnement auprès des agriculteurs, la recherche variétale, la planification des autres intrants industriels et, d’autre part, l’expédition des produits Mousline jusqu’à un entrepôt déporté, géré par FM Logistic à Crépy-en-Valois et la distribution aux clients. En tête des engagements du nouveau président, Philippe Fardel, figure en effet le projet de renforcer la relation de la marque avec les cultivateurs de pommes de terre de la Somme. La société achète environ 100 000 tonnes de pommes de terre par an.

Nous faisons face à une concurrence au niveau du marché de la pomme de terre, avec des industriels implantés en Belgique et aux Pays-Bas qui viennent s’approvisionner dans le Santerre 

« Nous sommes dans un contexte compliqué lié aux aléas climatiques. Nous faisons face à une concurrence au niveau du marché de la pomme de terre, avec des industriels implantés en Belgique et aux Pays-Bas qui viennent s’approvisionner dans le Santerre », confie Hicham El Fadil. La raréfaction de la ressource, sous le double effet de la sécheresse et d’une concurrence à l’achat accrue, est aggravée par le fait que de moins en moins d’agriculteurs cultivent des plants de pommes de terre et préfèrent produire directement de la pomme de terre, un choix plus rémunérateur.

Une sécurisation de la ressources très en amont

Jusqu’ici Mousline recommandait des variétés aux agriculteurs et pouvait éventuellement négocier le prix des plants de pommes de terre pour eux. « Maintenant, nous allons acheter nous-mêmes les plants de pommes de terre que nous revendrons aux agriculteurs, ce qui permettra de sécuriser notre approvisionnement », annonce le directeur industriel. Cela implique une relation plus poussée avec ces agriculteurs qui, en échange de cette démarche de sécurisation de leur ressource, devront s’engager auprès de Mousline sur un rendement lui sécurisant ses volumes.

Nous allons devoir élargir un peu notre périmètre et dans ce cas mettre des contrats de transport à disposition des agriculteurs qui travailleront avec nous

Pour faire face aux risques de pénurie, Mousline va aussi élargir sa zone d’approvisionnement en se tournant vers les Hauts de France, la Marne ou encore la Seine Maritime. « Aujourd’hui notre approvisionnement se fait près de l’usine. Nous allons devoir élargir un peu notre périmètre et dans ce cas mettre des contrats de transport à disposition des agriculteurs qui travailleront avec nous. » Actuellement 70 % des pommes de terre livrées à l’usine de Rosières-en-Santerre viennent en tracteur, dans un rayon de 25 kilomètres autour de l’usine.

Le travail de conduite du changement mené par le directeur industriel avec l’aide du cabinet de conseil CRC Services s’étend également à la partie aval de la supply chain. La cession a été effective en octobre 2022 et la direction industrielle a commencé à travailler sur son autonomisation dès novembre. « Nous avons collecté des données auprès de Nestlé pour établir un diagnostic complet et construire le schéma directeur supply chain. Nous avons décidé de passer de deux entrepôts à un seul, plutôt positionné au nord de l’Île de France », explique Jacques-Antoine Gros, associé du cabinet CRC Services.

Une réduction de 9 % de l’empreinte carbone

Un seul site, plus proche de l’usine, permet d’effectuer des gains économiques importants dans la gestion des flux entre le site de production et l’entrepôt. Le nouveau schéma logistique, qui a aussi tenu compte du fait que les capacités logistiques existantes sur le site de production étaient sous-exploitées, permet un meilleur taux de remplissage et une réduction du nombre de kilomètres parcourus. En comptant également la redéfinition des flux amont, le nouveau schéma logistique de Mousline lui permet de réduire de 9 % son empreinte carbone.

En collaboration avec la fonction commerciale, CRC Services a également étudié la manière d’adapter les conditions générales de vente pour garantir des conditions d’approvisionnement au meilleur coût. Là où Nestlé livrait à ses clients quelques palettes de Mousline dans des camions contenant d’autres produits du groupe, la marque doit désormais se débrouiller seule, tout en n’imposant pas des quantités de livraison minimum excessive à ses clients pour réduire ses propres coûts de transport.

Ce travail a nécessité une étude en profondeur des données de livraison. « Nous avons étudié les historiques sur deux ans et demi de chaque livraison par jour par client, afin de pouvoir établir des cahiers des charges précis pour les transporteurs, en leur indiquant clairement les potentiels d’optimisation accessible selon tel ou tel scénario », explique Jacques-Antoine Gros

Nous avons pris le parti de nous appuyer sur moins de partenaires mais en donnant à chacun un volume plus conséquent 

Mousline travaille désormais avec huit transporteurs. « Nous avons pris le parti de nous appuyer sur moins de partenaires mais en donnant à chacun un volume plus conséquent », explique Hicham El Fadil. Sa taille plus modeste est d’ailleurs loin d’être un handicap dans la relation entre Mousline et ses prestataires transport. Elle lui permet d’introduire plus de flexibilité dans la relation. « Les très grandes entreprises peuvent avoir des puissances d’achat sur du volume, mais sont souvent très contraignantes dans leur cahier des charges, les outils qu’il faut utiliser, ou encore les leadtime. Les ETI ont la souplesse et l’agilité pour elles », fait remarquer Jacques-Antoine Gros. En ce qui concerne les délais de livraison, la purée en flocon n’étant pas un produit frais, Mousseline a pu accorder une semaine entre la commande et la livraison. « Nous sommes capables de transmettre au transporteur assez tôt cette visibilité sur nos volumes », confirme Hicham El Fadil.

D’ici à la fin décembre, l’autonomie de Mousline par rapport à Nestlé devrait être presque achevée, avec le basculement sur un nouvel ERP spécialisé dans l’industrie agroalimentaire, Copilote de l’éditeur Infologic. La dernière étape pour la supply chain étant la reprise en main, en janvier 2024 du service client, qui reste à ce jour co-géré par Nestlé.