Stratégie supply

Compass : « Nous sommes en plein appel d’offres sur la logistique »

Par Guillaume Trecan | Le | Industrie

Edouard Albertini, directeur achats et logistique Compass a lancé un appel d’offres de longue haleine sur ses prestations logistiques qui doit aboutir mi-2023. Objectif : obtenir un maximum de pistes d’optimisation, tant d’un point de vue économique que sur le plan environnemental.

Compass : « Nous sommes en plein appel d’offres sur la logistique »
Compass : « Nous sommes en plein appel d’offres sur la logistique »

A quelles préoccupations stratégiques du groupe la direction achats et logistique de Compass répond-elle ?

Ces dernières années, notre métier s’est complètement transformé. Historiquement la restauration sur site était considérée comme une commodité, essentiellement pilotée par les coûts, dans le respect d’un cadre hygiène, santé, sécurité alimentaire. Aujourd’hui, nos clients ont conscience que cela peut être un service à valeur ajoutée cumulant des enjeux sociétaux, pédagogiques, de santé et expérientiels. Alors que nos Achats avaient toujours joué un rôle essentiellement centré sur la recherche de performance économique, nous passons maintenant à un modèle plus serviciel et nous jouons un rôle stratégique pour accompagner cette transformation au sein de l’entreprise.

Nous voulons être net 0 à l’horizon 2040 en intégrant le scope 3, qui représente 86 % de notre bilan carbone

Comment déclinez-vous ce changement de paradigme métier dans votre feuille de route ?

Le premier axe de notre feuille de route est aligné sur le programme Compass Le Pacte, qui induit une approche responsable de notre industrie et intègre des enjeux d’inclusion et de régénération des filières. Nous voulons être net 0 à l’horizon 2040 en intégrant le scope 3, qui représente 86 % de notre bilan carbone. Nous devons aussi recréer du lien entre le monde agricole et nos clients en leur apportant des informations qui leur permettent de faire les bons choix.

Nous aspirons à une meilleure gestion de la donnée et à passer à un modèle orienté vers la création de valeur et le service aux clients internes

Notre deuxième axe de travail est lié à l’ambition de croissance du groupe. Nos achats doivent être un atout de commercialisation auprès de nos clients. Nous devons répondre à leurs attentes en termes de produits, de performance et de différenciation… La digitalisation est le dernier pilier de notre politique achats. Nous aspirons à une meilleure gestion de la donnée et à passer à un modèle orienté vers la création de valeur et le service aux clients internes.

Comment utilisez-vous la logistique comme levier de performance économique ?

Avoir la logistique dans le périmètre des Achats apporte de la transparence sur notre modèle économique, en éclairant la part du coût réel du produit, celle de sa logistique et celle de son transport, qui sont deux leviers supplémentaires d’optimisation de nos coûts.

En termes de logistique, nous pouvons jouer sur différentes options : pratiquer le flux tendu, stocker, être livré en direct par certains industriels producteurs ou nous appuyer à 100 % sur notre partenaire logistique. Quant au transport, il représente une part non négligeable de nos dépenses. Nous travaillons sur l’optimisation du nombre de livraisons et du poids moyen livré.

Cette approche nous permet de mettre notre réseau logistique à la disposition de certains industriels, producteurs, ou éleveurs, en leur proposant de s’appuyer sur nos plateformes pour livrer tous nos établissements.

Etes-vous dans une logique d’intégration de votre logistique ?

Nous n’avons ni plateformes, ni camion en propre, nous fonctionnons avec un partenaire qui gère toute notre logistique. Nous sommes d’ailleurs en plein appel d’offres sur la logistique. Nous prendrons notre décision mi 2023, pour un contrat qui prendra effet en mars 2024.

Nous avons de sérieuses pistes d’optimisation au niveau du transport et de la logistique.

Comment faites-vous avancer l’objectif de réduction de l’empreinte carbone ?

Nous avons été accompagnés par la société Traace qui a évalué notre empreinte carbone catégorie par catégorie. Les leviers d’optimisation ne concernent pas seulement les Achats, mais aussi les clients à travers leurs choix. Le premier consiste à limiter l’import et concentrer nos achats sur la France. La limitation de nos consommations de protéines animales est également un enjeu important. A lui seul, le bœuf représente 15 % de notre bilan carbone. Nous devons donc d’une part concentrer nos achats sur le bœuf français et d’autre ouvrir à de nouvelles filières de protéines végétales pour proposer des alternatives. Nous avons aussi de sérieuses pistes d’optimisation au niveau du transport et de la logistique.

Nous en sommes plutôt à sonder le marché pour faire remonter des idées. C’est la raison pour laquelle notre appel d’offres s’étire sur un délai relativement long

Avez-vous intégré des critères de motorisation verte dans votre appel d’offres transport ?

Pour l’instant nous en sommes plutôt à sonder le marché pour faire remonter des idées. C’est la raison pour laquelle notre appel d’offres s’étire sur un délai relativement long. Il y a un travail de fond à entreprendre avec les logisticiens, sur le transport, l’emballage et le stockage - en particulier lorsque l’on stocke du frais et du surgelé.

Nous pouvons optimiser les livraisons, en passant aux livraisons bi-températures pour éviter de démultiplier le nombre de flux

Sur le transport, nous essayons d’utiliser des véhicules plus propres - roulant au gaz naturel ou à l’électrique pour les plus petits volumes. Nous pouvons aussi optimiser les livraisons, en passant aux livraisons bi-températures pour éviter de démultiplier le nombre de flux. Sur les plateformes, nous sommes attentifs à la capacité des entreprises à s’appuyer sur un mixe énergétique incluant les énergies alternatives et à limiter leurs consommations énergétiques via une meilleure isolation. Nous devons aussi lutter contre le sur-emballage et nous menons des réflexions sur la consigne. Une fois que nous avons été livrés, les camions repartent à vide, donc autant repartir avec des éléments de consignes, des bacs par exemple.

Les logisticiens sont-ils prêts à vous fournir cette palette de solution ou vous apprêtez-vous à aller sourcer des solutions innovantes de niche ?

Les logisticiens sont bien sûr en réflexion sur ces questions. Nous allons donc devoir tester un certain nombre de solutions innovantes et les accompagner, au même titre que nous aidons les agriculteurs à se lancer. Pour permettre l’émergence de certaines de ces solutions, des acteurs leaders comme nous doivent accepter de se mettre en danger en servant de banc de test.

Pour la ville d’Issy-les-Moulineaux dont nous venons de signer le contrat, nous allons par exemple basculer 100 % de la flotte en électrique

Avez-vous envisagé de développer des approches collectives avec d’autres acteurs de la restauration collective sur ces sujets pour amortir les risques ?

Nous sommes dans un environnement assez concurrentiel, ce qui limite ces approches. En revanche, ce sont des réflexions que nous pouvons avoir avec nos clients, dont les directions achats nous challengent de plus en plus sur ces points. Nous sommes leur scope 3, ils ont donc tout intérêt à mener ces démarches à nos côtés. Utiliser des consignes, ou d’autres modes d’approvisionnement implique qu’ils opèrent à nos côtés et participent à cette dynamique, en mettant à notre disposition des espaces de stockage, par exemple pour permettre de garder des déchets à revaloriser. Aujourd’hui nous savons faire des restaurants à zéro plastique, ce qui n’est pas encore le cas de nos logisticiens. Pour la ville d’Issy-les-Moulineaux dont nous venons de signer le contrat, nous allons par exemple basculer 100 % de la flotte en électrique.

Portrait

Edouard Albertini est directeur achats et logistique France de Compass depuis octobre 2021. Il couvre les Achats, la Supply chain, les données financières et la catégorie développement. Il reporte au président France de Compass et siège au comex France. Preuve de l’ambition placée par le groupe dans les fonctions achats et logistique, Edouard Albertini était précédemment directeur général délégué de Compass France.

 

Les achats de Compasse France en chiffres

Montant des achats : 500 M d’€

Effectif achats et logistique : 45 personnes, dont 15 acheteurs, une dizaine de personnes sur la logistique, cinq personnes sur le catégorie développement et une quinzaine de personnes sur la finance et la data.