Cora : « Toute la dimension approvisionnement de notre fonction est désormais automatisée »
Par Guillaume Trecan | Le | Retail
Eric Orjas, directeur supply chain et logistique de Cora France décrit les outils déployés au service de la performance du distributeur : WMS Reflex, TMS Urbantz, OMS KBRW… L’adoption de l’outil de prévision des ventes Relex lui permet d’automatiser le réapprovisionnement des magasins et sert de base à une collaboration plus profonde avec les fournisseurs stratégiques.
Pouvez-vous nous décrire l’organisation supply chain de Cora ?
Le groupe Cora représente 3,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 60 magasins et 60 drive, 400 points de retrait, 10 Cora en ville et 6 easybox (conteneur automatisé) et une activité de livraison à domicile par abonnement. Nos magasins sont des hypermarchés de plus de 7 500 m² en moyenne, implantés pour la plupart sur le grand quart nord-est de la France. Hormis quelques magasins isolés à Limoges, Rennes où encore Saint-Malo, la cartographie de nos hypermarchés est très dense. C’est une chance pour notre réseau de distribution constitué de onze plateformes logistiques dont la carte est également très dense.
Il comprend deux entrepôts PGC (produits de grande consommation), à Roye et Nancy ; deux entrepôts pour les produits liquides, à Reims et Nancy ; deux entrepôts pour les surgelés à Caen et Atton ; un entrepôt non alimentaire à Châlons-en-Champagne ; cinq plateformes d’éclatement pour les produits frais à Lille, en région parisienne, Metz, Atton et près de Lyon. Le tout représentant une surface totale d’environ 200 000 m².
Notre responsabilité consiste à assurer la disponibilité du produit sur le linéaire, dans tous les magasins Cora, tous les jours
Quel est le périmètre de responsabilité de la direction supply chain ?
Nous considérons qu’il va des étagères du magasin jusqu’au fournisseur. Nous l’envisageons dans ce sens-là, parce que la performance de la supply chain se mesure du point de vue du client. Notre responsabilité consiste à assurer la disponibilité du produit sur le linéaire, dans tous les magasins Cora, tous les jours ; 50 % de cet objectif se joue en magasin, avec une bonne gestion de stocks et un paramétrage de commandes optimisé.
D’un point de vue organisationnel, les équipes de mise en rayon sont rattachées aux magasins, mais nous sommes responsables de la conception des processus qu’elles appliquent. Nous gérons aussi le flux de distribution, les transports vers les magasins, les entrepôts et la fonction approvisionnement. Cela représente un effectif de 100 personnes, auxquelles s’ajoutent près de 1 500 collaborateurs prestataires sur nos sites. Nous travaillons avec quatre principaux partenaires logistiques : GXO en non alimentaire, Khuene+Nagel et ID logistics en PGC, ainsi que Stef pour le frais.
Qu’en est-il de l’e-commerce ?
La livraison à domicile et le drive sont dans le périmètre de la filière e-commerce, que nous appuyons dans le développement des outils et la conception des processus. Nous sommes organisés en store picking, avec 40 000 références disponibles. Nos 60 magasins sont, à nos yeux, le point de massification qui a le plus de sens, aussi bien au regard des délais de mise à disposition du client, que d’un point de vue économique et massification. Nous livrons des camions complets jusqu’au magasin et nous repartons du magasin pour faire les tournées clients.
Quels sont les grands axes de votre feuille de route ?
Le premier consiste à appuyer le développement du e-commerce, en adaptant nos livraisons en amont et en les aidant à choisir et déployer les bons outils. C’est le cas par exemple du logiciel d’optimisation de tournées Urbantz, déployé depuis près d’un an, qui nous a permis de supporter le développement des livraisons à domicile. C’est également le cas de l’OMS KBRW, en production depuis trois mois, qui permet d’ordonnancer les commandes magasins entre nos clients drive, drive piéton, conteneurs automatisés et livraisons à domicile. Cet outil nous apporte une vision du stock magasin mise à jour tous les quarts d’heure. Nous accompagnons aussi l’e-commerce dans la conception de nos drives hybrides, des dark stores qui vont de 400 à 1 500 références et que nous voulons développer jusqu’à 4 000 références.
Sortir d’une relation focalisée sur les coûts n’est pas chose aisée, mais ce virage s’impose en 2023
Le deuxième pilier de notre stratégie porte sur le développement de relations partenariales avec nos prestataires logistiques. Sortir d’une relation focalisée sur les coûts n’est pas chose aisée, mais ce virage s’impose en 2023, au regard de l’inflation sur la masse salariale et la facture énergétique.
Le dernier pilier de notre stratégie consiste à développer une vision supply chain au sein de l’organisation. Après avoir conçu une supply chain qui permet d’assurer la disponibilité du produit sur étagère avec les bonnes quantités, le bon packaging, dans les délais voulus, nous voulons aller plus loin, en nous appuyant sur l’outil de pilotage des approvisionnements basé sur l’IA, Relex.
En pratique, comment faites-vous en sorte de repositionner la relation avec vos prestataires dans un sens plus collaboratif ?
Cela passe par une animation de la relation fondée sur le lean management, la définition de plans de progrès et le partage de la valeur. En travaillant sur ces éléments issus d’une observation du terrain, nous arrivons à aller chercher des gains inédits. Cela peut, par exemple, partir du constat de temps morts aux points de picking, dus au sous-dimensionnement de l’équipe de caristes par rapport aux préparateurs de commandes. Pour discuter en toute transparence sur des constats objectifs, nous pouvons aussi, plus généralement, nous appuyer sur les données issues du WMS Reflex que nous avons implémenté entre 2016 et 2018. Cette approche collaborative permet aussi de recréer du sens client chez les collaborateurs du prestataire. Cela permet de les remotiver.
Relex nous apporte un moteur de gestion des stocks en entrepôt et de livraison vers les magasins, ainsi qu’un moteur d’approvisionnement des magasins
Qu’attendez-vous du déploiement de Relex ?
Nous avons terminé ce déploiement à la fin de l’automne 2021. Cet outil se branche sur nos outils d’exécution et se nourrit de nos données de ventes, nos transactions et nos états de stocks. Toutes les nuits, il réinjecte dans le système les commandes de chacun des points de vente et les commandes fournisseurs. Grâce à ces données, Relex nous apporte des prévisions de ventes à la journée, par magasin et des règles d’approvisionnement auprès des fournisseurs. Il intègre différents paramètres - gestion du tarif, du barème quantitatif, des minimums de commande, des fréquences de commandes… - à partir desquels il leur adresse une commande optimisée. Relex nous apporte aussi un moteur de gestion des stocks en entrepôt et de livraison vers les magasins, ainsi qu’un moteur d’approvisionnement des magasins.
A quoi mesurez-vous la fiabilité de ces prévisions et le ROI de l’outil ?
Même si toutes ces données sont imparfaites, la puissance de calcul et la finesse d’analyse de Relex nous apportent une grande qualité de prévision et de la réactivité dans nos commandes fournisseurs. Nous avons à la fois réduit les ruptures et les stocks en magasin. En améliorant nos approvisionnements, nous avons aussi diminué la casse. La charge de travail des équipes en magasin est également moins importante. Elles n’ont plus à gérer les démarrages et les fins de saison. Enfin, l’outil améliore notre gestion de la connaissance, puisque l’historique des ventes n’est plus du ressort d’un chef de rayon, il est capitalisé dans l’outil.
Avez-vous prévu de déployer d’autres modules de Relex sur l’optimisation des ventes ?
Nous allons déployer le module de collaboration fournisseurs en 2023. Après avoir structuré le lien entre les magasins et la logistique nous allons en faire autant entre la logistique et les fournisseurs. Nos fournisseurs majeurs vont avoir accès à Relex pour pouvoir consulter le taux de disponibilité des produits en magasin, renseigner directement dans l’outil leurs dates de début et de fin de ruptures et collaborer autour des prévisions. Nous avons mené des tests probants avec quelques-uns de nos plus importants fournisseurs. Plus de 300 d’entre eux peuvent être ainsi connectés à cet outil de prévision des ventes tous les mois.
Nous devons accompagner le basculement de nos équipes vers une dimension communication et pilotage de la relation fournisseur
Est-ce que cela vous oblige à intégrer de nouvelles compétences ?
Toute la dimension approvisionnement de notre fonction est désormais automatisée et passée dans l’outil. Nous devons donc accompagner le basculement de nos équipes vers une dimension communication et pilotage de la relation fournisseur. Depuis deux ans, nous avons ainsi créé une équipe de quatre personnes, dédiée à la prévision des ventes. Nous avons aussi développé une équipe de six moniteurs supply chain qui accompagnent la montée en compétence des magasins sur l’ensemble des paramètres de commandes. Pour recruter des profils avec les savoir-être adéquats, nous pouvons nous appuyer sur le bassin interne des 15 000 collaborateurs de Cora.