Stratégie supply

Micromania : « Nous traitons aujourd’hui des centaines de milliers de commandes sur le web »

Par Guillaume Trecan | Le | Retail

Cet article est référencé dans notre dossier : Dossier spécial E-Commerce : une supply chain pressée, précise et tech

Grand témoin des Supply Days e-commerce organisés à Deauville les 30 et 31 janvier 2024, le directeur logistique du distributeur spécialisé dans les jeux électroniques Micromania, Olivier Grandclaude, pilote avec finesse l’équilibre des affectations de produits entre ventes web et en boutiques afin de maximiser les revenus tout en minimisant les coûts logistiques. Prémices de l’atelier débat du 31 janvier (15h30-16h15) « Comment partager efficacement les flux logistiques entre magasin et web ? ».

Olivier Grandclaude, directeur logistique Micromania. - © D.R.
Olivier Grandclaude, directeur logistique Micromania. - © D.R.

Quels sont les différents flux que vous permet de gérer l’omnicanalité ?

Nous avons des stocks en magasin et des stocks sur le web. Un magasin peut commander sur le stock du web et le web peut commander sur le stock du magasin. Le Click & Collect permet, depuis le web, de se fournir en magasin. Les magasins peuvent aussi commander sur les stocks de l’entrepôt un éventail de produits beaucoup plus large. Nous avons aussi tous les flux combinés du Ship From Store, dont certains repassent par l’entrepôt. Nous devons gérer toute cette complexité avec, en plus des produits neufs, des produits d’occasions qui posent aussi d’autres problématiques. Dans ce cas, nous nourrissons le web de nos stocks en magasins où nous avons une très grande profondeur de pièces rares.

Au sein de l’organisation supply chain, un régulateur travaille spécifiquement sur les stocks web et sur les paramétrages des produits 

Comment se fait le choix d’affecter tel produit à tel canal de distribution ?

Au sein de l’organisation supply chain, un régulateur travaille spécifiquement sur les stocks web et sur les paramétrages des produits : doivent-ils être laissés ou non en Click & Collect, les magasins sont-ils autorisés à les commander sur le web, etc. En fonction de ces choix, nous positionnons nos stocks de manière différente. Ces choix, qui sont susceptibles d’avoir un impact décisif sur nos ventes, remontent de plus en plus souvent dans les réflexions stratégiques de l’entreprise et peuvent même se retrouver au cœur des discussions en Codir. Ils doivent être modulés très rapidement selon les volumes de commande.

Lors du lancement de la dernière PS5 Slim, nous avons par exemple choisi de les laisser en Click & Collect, tout en nous laissant la possibilité de stopper le flux du web vers le magasin, si les rythmes de vente en magasin devenaient trop importants. Ce régulateur prend ses décisions en observant en permanence les volumes de vente du web et ceux du réseau. Nous travaillons aussi étroitement avec une personne des Achats, responsable des référencements pour ouvrir ou fermer certains canaux.

Environ 20 % de notre chiffre d’affaires vient de ventes du web élargi

Quelle est la proportion de produits vendus en magasin et sur le web ?

Environ 20 % de notre chiffre d’affaires vient de ventes du web élargi, dans une notion de cross-canalité, qui comprend les commandes des clients sur le web, celles des magasins sur le web, les commandes web dans les magasins et les livraisons des magasins au domicile des clients. En volume de flux, c’est encore plus important. Le web a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années. Nous traitons aujourd’hui des centaines de milliers de commandes sur le web.

Est-ce que le développement de l’omnicanalité a augmenté vos flux de transport ou les a complexifiés ?

Le nombre d’objets et la complexité dans le tracking de ces objets ont en effet considérablement augmenté. Nous livrons et nous emballons des quantités plus petites, nous avons donc beaucoup plus d’unités à suivre. Le grand enjeu c’est d’avoir des outils de supervision qui nous permettent de nous affranchir des outils propres à chaque transporteur. Nous devons avoir des outils qui nous permettent de centraliser l’ensemble de nos flux et de les monitorer correctement, indépendamment du transporteur ou de l’entrepôt qui préparent. Nous avons combiné Shipup pour le BtoC et un outil interne de tracking magasin qui inclut également le web.

Deux clients sur trois qui commandent sur le web choisissent de se faire livrer en magasin

Quel avantage retirez-vous de la cross-canalité ?

Cela permet de gommer une partie des problématiques de coût de transport. Additionner du flux BtoC à nos flux BtoB n’ajoute que quelques kilos supplémentaires, cela coûte beaucoup moins cher qu’un transport ad-hoc au domicile du client. D’ailleurs, deux-tiers de nos flux web sont livrés directement en magasin, ce qui signifie que, alors qu’ils pourraient aussi bien recevoir le produit chez eux, d’autant plus pour les clients premium, pour lesquels la livraison est gratuite. L’autre avantage de la cross-canalité, c’est que les commandes du web livrées en magasin génèrent du trafic en magasin et potentiellement des ventes complémentaires.

Quels obstacles avez-vous dû franchir pour mettre en œuvre ce mode de gestion de vos flux ?

Cela nous oblige à réfléchir à la meilleure manière de faire travailler nos forces de vente avec nos outils logistiques. Il faut des outils qui permettent de proposer un produit soit pour une livraison en magasin soit pour une livraison directe au domicile du client. La cross-canalité implique aussi une capacité pour les magasins à connaître en permanence l’état du stock pour éviter que le magasin vende au même moment un produit vendu sur le web. Nous ne pouvons pas prendre le risque d’avoir des conflits de stock. Les équipes de vente sont donc sollicitées pour valider chaque commande.

Mais la plus grande difficulté consiste à donner aux vendeurs en magasin la capacité et la motivation à vendre en utilisant tous les stocks disponibles sans opposer web et boutique. Au-delà du frein technique, les questions de gestion d’équipes et de partage de la valeur sont souvent les plus grands freins. Il doit y avoir un intérêt pour le chiffre d’affaires du magasin, mais aussi pour le vendeur à le proposer.

Quand une équipe en magasin reçoit une commande du web, 50 % de la valeur de ce produit rentre dans le décompte de ses primes

Comment avez-vous réglé ce problème de motivation des vendeurs en magasin ?

Nous avons créé une notion de web élargi. Nous avons un P&L classique et un P&L web élargi qui prend en compte ce que les magasins font à travers le web. Cela évite que le web ou les magasins essaient de capter du stock. Nous avons également travaillé sur les primes des équipes en magasin, quand une équipe en magasin reçoit une commande du web, 50 % de la valeur de ce produit rentre dans le décompte de ses primes.

Quels sont vos moyens transport et logistiques, en propre et sous-traités ?

Nous nous appuyons sur un entrepôt central dans le Val de Marne que nous gérons en propre et un entrepôt sous-traité en Seine et Marne Ces deux entrepôts livrent en J+1 nos 315 points de vente et nous utilisons aussi nos propres véhicules légers pour livrer une centaine de magasins de la région parisienne. Nos magasins ont en effet une très faible capacité de stockage.

Ces entrepôts ont-ils des espaces dédiés au web ?

Oui, nous avons fait le choix d’avoir un espace de stockage séparé pour le web qui occupe 40 % de la surface dans notre entrepôt de Bonneuil-sur-Marne, soit presque 2 500 m². Les rythmes et la nature des ventes sont en effet différents. Nous conservons sur le web des produits que nous n’avons plus en catalogue dans les magasins de façon à conserver une capacité à servir un client qui cherche des produits spécifiques. D’une manière générale, nous réalisons souvent une partie très significative de nos ventes la première semaine de sortie d’un produit. Nous travaillons donc en grande partie en flux poussés. Cette tendance est encore plus sensible sur le web où nous avons beaucoup de précommandes, passées notamment en magasin.

  - © D.R.
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