Orange : « Aujourd’hui, une box sur deux livrée chez un client a déjà vécu une première vie »
Lionel Benezech est le directeur supply chain France d’Orange. Tout en haut de ses priorités du moment : l’investissement de la supply chain dans des actions permettant une réduction de l’empreinte carbone du groupe : collaborer avec son prestataire, Kuehne+Nagel, pour supprimer le suremballage, améliorer les cadencements des livraisons et développer l’économie circulaire.

Vous pilotez deux supply chain distinctes : celle qui concerne les terminaux (mobiles, box etc) et celle des réseaux, c’est-à-dire le matériel destiné à l’infrastructure et aux installations. Qu’ont-elles en commun, est-ce qu’il y a un fil rouge entre les deux ?
Ces supply chain sont très différentes en effet mais elles ont bien des points communs : nous nous appuyons sur des sous-traitants pour la logistique et l’enjeu essentiel aujourd’hui pour ces deux activités concerne la réduction de notre empreinte carbone. Dans les deux cas, l’équipe supply chain se positionne comme un facilitateur, un accélérateur qui doit permettre à l’entreprise d’être encore plus performante sur ce point. Et sur d’autres évidemment aussi ! Sur l’ensemble des supply chains, nous développons l’économie circulaire. Nous avons un modèle très mûr sur les équipements multimédia et mobiles et nous renforçons celui des équipements du réseau.
Concrètement, j’ai sous ma responsabilité une équipe supply d’environ 150 personnes réparties entre l’Île-de-France et la région bordelaise. Elles se chargent notamment des relations avec les fournisseurs, de la distribution du matériel, de l’organisation de la reverse logistique et du pilotage de nos partenaires logistiques.
Concernant votre supply chain « terminaux », quelle est l’organisation actuelle ?
Nous travaillons depuis 20 ans avec Kuehne+Nagel, nous venons d’ailleurs de renouveler le contrat jusqu’en 2029. Ils exploitent un bâtiment, leur appartenant, de 22 000 m² en Ile-de-France, disposant d’une capacité de stockage de 26 000 palettes. Chaque année, trois millions de terminaux sont expédiés depuis cette plateforme vers les clients finaux ou vers un de nos 500 points de vente. Cette plateforme, du fait de l’augmentation des volumes, est de plus en plus automatisé.
Quelles sont les dernières avancées en termes de réduction d’empreinte carbone justement ?
La dernière évolution, en matière d’automatisation, est très récente. Il s’agit du programme baptisé Expé Ready qui nous a permis de franchir un pas significatif en matière de suremballage. Nous avions constaté que la moitié des envois concernant une box, ne contenait que la box. Jusqu’à présent, elles étaient expédiées dans un double emballage : le carton dédié de la box lui-même placé dans un carton neutre fabriqué par Kuehne+Nagel avec une notice et quelques documents marketing et techniques. Nous avons travaillé sur une refonte de l’emballage de la box afin qu’il puisse être expédié seul, sans suremballage.
En 2024, 1,2 million de Livebox et décodeurs ont été livrées sans suremballage, soit une économie de 327 tonnes de carton par an, de 448 tonnes de CO2 et de 690 000 euros de coûts logistiques
Il a donc fallu évoluer vers une boite neutre, suffisamment résistante et avec des documents désormais dématérialisés. Cette transformation a permis d’automatiser complètement la préparation des commandes de box, avec en plus un bénéfice très important en termes de coûts et d’empreinte carbone. Cerise sur le gâteau, ces boîtes entrent désormais dans les boîtes aux lettres, évitant ainsi des relivraisons ou des déplacements des clients en cas d’absence. En 2024, 1,2 million de Livebox et décodeurs ont ainsi été livrées sans suremballage, soit une économie de 327 tonnes de carton par an, de 448 tonnes de CO2 et de 690 000 euros de coûts logistiques.
En faisant appel à des prestataires logistiques, quels sont les leviers à votre main pour accélérer sur la réduction de l’empreinte carbone ?
Le plus facile pour nous, c’est de demander à nos prestataires de faire toujours mieux. Et ils le font. Le deuxième levier, comme avec Expé Ready, c’est de travailler sur nos suremballages, le cadencement des livraisons etc. Et le troisième, très important, c’est de faciliter l’économie circulaire en conjuguant nos expertises internes et celles de nos prestataires.
Sur ce dernier point, quelle est votre action ?
Depuis 15 ans, nous avons mis en place une chaine reverse assez structurée pour les box en partenariat avec Ingram Micro Services. Nous travaillons avec leur usine de Montauban. Elle réceptionne toutes les box retournées par les clients ou collectées par nos techniciens, cela représente plusieurs camions chaque jour, elle les trie, les teste et reconditionne toutes celles qui peuvent l’être. Puis, toutes les semaines, ces box sont acheminées, en train, vers notre entrepôt central parisien avant réexpédition vers de nouveaux utilisateurs. Sept millions de matériels arrivent chaque année à Montauban, et quatre millions en repartent, reconditionnées. Aujourd’hui, une box sur deux livrée chez un client a déjà vécu une première vie.
L’année dernière, nous avons expédié pour nos clients, trois millions de mobiles, 200 000 étaient reconditionnés
Nous avons la même démarche pour les mobiles, avec notre partenaire Cordon situé près de Bordeaux. La différence étant que, contrairement aux box, nous ne sommes pas propriétaires des téléphones : nous sommes donc très dépendants de nos clients sur les volumes collectables. L’année dernière, nous avons expédié pour nos clients, trois millions de mobiles, 200 000 étaient reconditionnés.
Concernant votre deuxième activité, la supply chain réseaux, quelle est l’organisation et quels sont vos enjeux ?
Actuellement, nous disposons d’un entrepôt central et de quatre entrepôts régionaux, auxquels s’ajoutent plus de 500 points de dépôt. Cette supply chain réseaux est très décentralisée avec une multiplicité de dépôts et de stocks afin de répondre aux besoins liés au déploiement de la fibre notamment, avec une consommation importante de matériels divers. Ce déploiement étant désormais quasiment terminé, cette décentralisation ne se justifie plus autant. Nous travaillons donc actuellement à affiner cette organisation, avec moins de points de dépôts, moins d’entrepôts, moins de transport etc.
Notre ambition est de monter un hub 4R (Récupérer, Réemployer, Revendre, Recycler), qui récupérera le matériel, le reconditionnera si besoin et le réexpédiera
En parallèle, nous devons avancer sur le sujet du réemploi car il n’est pas aussi efficace que pour les terminaux. En capitalisant sur ce que nous avons su mettre en place sur les terminaux, notre ambition est de monter un hub 4R (Récupérer, Réemployer, Revendre, Recycler), qui récupérera le matériel, le reconditionnera si besoin et le réexpédiera. Ceci étant dit, au-delà de ce hub, l’enjeu est vraiment de progresser sur la collecte car elle est très insuffisante aujourd’hui.
Ce travail de la supply chain sur la RSE et le réemploi se traduit jusqu’au mobilier… Ce qui peut paraitre finalement étonnant pour des équipes qui gèrent principalement des terminaux et du matériel réseau…
Ce n’est pas si étonnant en réalité, car nous nous appuyons justement sur notre savoir-faire. Nous avons effectivement créé il y a trois ans une équipe pour travailler au réemploi en interne du mobilier. Les volumes concernés sont tout de même significatifs car Orange mène un travail important d’optimisation et de concentration des locaux, avec en parallèle toujours des nouveaux bâtiments à aménager et donc à meubler.
Notre objectif est de diffuser une culture du réemploi : une armoire devenue inutile ici peut trouver sa place ailleurs. Nous avons pour cela développé une marketplace interne afin de sortir de la logique de l’achat neuf quasi systématique pratiqué lors de l’aménagement de nouveaux locaux. Nous progressons. En 2024, nous avons ainsi évité trois millions d’euros d’achat de mobilier neuf. Notre job est d’être facilitateur.