InterLUD+ : Un programme en marche, mais en sursis
Quatre ans après son lancement, le programme national d’innovation territoriale pour une logistique urbaine durable (Interlud+) entre dans une phase décisive. Si les ambitions sont toujours là, la réussite de l’après-2026 dépendra des choix politiques à venir.
Pour cette édition charnière, plus de 400 acteurs publics et privés se sont retrouvés au Forum des Images à Paris le mardi 4 novembre. Après le déploiement d’un premier programme InterLUD, de 2020 à 2023, le programme InterLUD+ lancé en juillet 2023 entre dans sa dernière année et devrait tenir ses promesses. Une édition marquée par les interventions d’élus, d’acteurs économiques et de collectivités engagées, venus dresser le bilan d’un dispositif qui structure désormais la logistique urbaine française. L’objectif : accélérer la transition vers une logistique urbaine plus sobre, plus concertée, plus efficace. D’ici fin 2026, le programme prévoit la mise en œuvre de 150 actions opérationnelles issues de ces chartes.
Un programme en marche selon ses pilotes
Pour Jean-Philippe Élie, directeur des projets numériques chez Logistic Low Carbon, une filiale de la CGF (Confédération du commerce de gros) qui pilote le programme InTerLUD+, il est sur la bonne voie : « C’est un programme qui marche. Nous avançons, nous écoutons les besoins et nous adaptons nos outils », résume-t-il.
Ces outils, JOPTIMIZ et DIGILOG, constituent le cœur numérique du programme. Développé sur deux ans (2025-2026), DigiLog a pour objectif de fournir une méthodologie et des outils numériques permettant aux territoires de simplifier et d’optimiser la gestion des livraisons urbaines. Après les phases d’expérimentations, cette solution sera largement déployée et accessible à tous les territoires qui souhaitent en bénéficier.
Les JO ont été une formidable base d’expérimentation. Ils nous ont permis de voir ce qui fonctionnait, ce qu’il fallait simplifier
JOPTIMIZ, développé pour et par les acteurs économiques, a été testé lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, proposant une carte interactive, des calculs d’itinéraire, un QR code pour les zones bleues et des disques numériques. Une étape décisive, selon lui : « Les JO ont été une formidable base d’expérimentation. Ils nous ont permis de voir ce qui fonctionnait, ce qu’il fallait simplifier, et d’améliorer nos solutions en situation réelle. »
Même optimisme chez Pauline Méallier, directrice de projets chez Urban Radar, en charge du déploiement de DIGILOG : « Le fait d’intégrer la digitalisation en cours de route montre qu’InTerLUD+ sait s’adapter. Nous travaillons avec seize collectivités pilotes pour que ces outils soient accessibles à tous, y compris aux plus petites. »
Nous travaillons sur des communs : des données, des méthodes, des outils utilisables par toutes les collectivités
Des résultats tangibles et une ambition collective
Jean-André Lasserre, co-directeur du programme InTerLUD+, parle d’une phase de consolidation : « Nous sommes dans les temps. Les chartes signées sont désormais mises en œuvre. Et au-delà, nous travaillons sur des communs : des données, des méthodes, des outils utilisables par toutes les collectivités, bénéficiaires ou non du programme. » Mais pour lui, le cap est clair : « Il nous faudrait un troisième programme pour aller jusqu’au bout. Quand les outils expérimentés deviennent des standards, on crée les conditions de l’effet de masse. »
Sur le terrain, un enthousiasme mesuré
À Nantes, Maëlick Khouri, chef de projets stratégiques de déplacements à la métropole, dresse un bilan contrasté : « En quatre ans, nous avons fait un énorme progrès en matière de lien entre acteurs et de confiance. Mais sur le plan des actions concrètes, le résultat reste limité. »
Si le nouvel exécutif en 2026 décide de se recentrer sur des actions à résultats plus immédiats, certains projets risquent de s’arrêter
La crise du Covid, la guerre en Ukraine et les difficultés économiques ont freiné les innovations. « Les projets ont été retardés, ce n’était pas le bon moment pour innover », reconnaît-il. Pour autant, Nantes a franchi une étape importante avec la réglementation des livraisons en centre-ville. « C’est une réglementation acceptée et appropriée par les acteurs. Elle simplifie les règles et favorise l’utilisation de véhicules mieux remplis », se félicite le chef de projets stratégiques de déplacements. Mais à un an de la fin du programme, les incertitudes demeurent. « Si le nouvel exécutif en 2026 décide de se recentrer sur des actions à résultats plus immédiats, certains projets risquent de s’arrêter », admet Maëlick Khouri.
Les travaux de la mission gouvernementale sur la logistique urbaine très attendus
Alors qu’une mission gouvernementale sur la logistique urbaine durable a été confiée à Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, et à Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, le secteur attend désormais un rapport décisif. Pour Jean-André Lasserre, ce document pourrait avoir le même effet déclencheur que celui de 2020, à l’origine d’InTerLUD : « Ce serait la bonne réponse pour asseoir, amplifier et pérenniser tout ce que nous avons engagé. »
Si le programme s’arrête, chacun reprendra alors son bâton de pèlerin
InTerLUD+ aura permis de semer des outils concrets, des réseaux d’acteurs unis, une culture commune de logistique urbaine durable. Mais le programme survivra-t-il à 2026 ? « Si le programme s’arrête, chacun reprendra alors son bâton de pèlerin » alerte Maëlick Khouri.
Par Jérôme Glaentzlin