Ikea : « Le rail nous apporte de la fiabilité et une qualité d’exécution »
David Teixeira, Country Fulfilment et Supply Chain Manager IKEA France, qui gère la logistique et la supply chain du spécialiste suédois de l’équipement de la maison, explique l’engagement du groupe dans l’intermodalité. Ikea vient notamment d’ouvrir une ligne de fret ferroviaire entre Metz et Valenton pour transporter 80 % des flux de sept magasins et deux plateformes de distribution.

Vous venez d’inaugurer une nouvelle voie de transport ferroviaire entre Metz et Valenton. Quelle place occupe le transport intermodal dans vos flux logistiques ?
La structure monde d’Ikea, Inter Ikéa gère chaque année 1,7 million d’expéditions, dont 15 000 itinéraires terrestres et à peu près 5 000 itinéraires maritimes C’est un acteur majeur de l’intermodal, qui représente 56 % de nos volumes transportés en Europe. C’est d’ailleurs Inter Ikéa qui est responsable du transport entre les dépôts et les magasins et qui gère la relation avec nos partenaires dans le transport ferroviaire : DB Cargo, Portmann et Novatrans.
Pouvez-vous décrire le flux qui passera par le transport ferroviaire entre Metz et Valenton ?
Inter Ikea achemine nos produits vers nos dépôts centraux dans nos différents pays. En France, nous en avons deux, l’un à Metz et l’autre à Fos-sur-Mer, qui consolident nos produits et les expédient vers les magasins, respectivement de la moitié nord et de la moitié sud de la France. Le dépôt de Metz réceptionne des flux terrestres et des flux maritimes qui arrivent du Havre et les renvoient vers les magasins, pour la plupart en camion mais aussi, depuis début juillet, par voie ferroviaire. Ce nouveau mode de transport concerne 80 % des volumes destinés à sept magasins de la région parisienne, les dépôts dernier kilomètre de Châtre et de Gennevilliers et le magasin de Rouen.

Qui sont les prestataires logistiques et de transport impliqués dans cette opération ?
Le transporteur Portman est propriétaire des containers (groupe Swiss Post) et est en charge du dernier kilomètre entre Valenton et les magasins. Ce changement est transparent pour les magasins, qui reçoivent ces camions comme ils recevaient les précédents. L’acheminement par voie ferroviaire est assuré par Novatrans et DB cargo assure le transbordement du camion vers le train à Metz et du train vers le camion à Valenton.
Les volumes transportés équivalent déjà à 6 000 véhicules poids-lourds en moins sur les routes par an
Envisagez-vous de monter en puissance ?
Nous avons démarré avec 36 containers par jour avant de pouvoir aller plus loin et consolider davantage de wagons et de containers. Les volumes transportés équivalent déjà à 6 000 véhicules poids-lourds en moins sur les routes par an. Pour aller au-delà des 80 %, nous devrons agréger d’autres magasins, par exemple ceux d’Orléans, Reims, Tours, Rennes, Caen et Hénin-Beaumont.
Nous sommes en phase de consolidation et nous devons éprouver le modèle pour nous assurer que l’ensemble des prestataires sécurisent chacune des étapes. Ce nouveau flux nous fait en effet passer de deux opérations à quatre et impose trois ruptures de charge supplémentaires.
Quelles sont ses incidences en termes de leadtime ?
Les opérations étant réalisées à J moins 2, nous n’avons pas eu de rallongement du temps de distribution. Nous avons intégré les ruptures de charge en amont, dans le temps opérationnel qui précède la date de livraison, de manière à pouvoir distribuer la marchandise en temps voulu.
L’avenir pour nous consiste à utiliser le transport routier essentiellement pour les courts trajets sur le dernier kilomètre
Quelles sont vos autres démarches en cours pour décarboner vos transports ?
Cette initiative de transport ferroviaire est un élément qui contribue à notre objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, à la fois sur l’approvisionnement des dépôts et sur le dernier kilomètre. L’avenir pour nous consiste à utiliser le transport routier essentiellement pour les courts trajets sur le dernier kilomètre et nous nous sommes donnés jusqu’à 2028 pour assurer 90 % du transport dernier kilomètre en véhicule électrique. Nous équipons actuellement nos dépôts centraux et nos magasins en bornes électriques. La prochaine étape étant de passer aux poids lourds à zéro émission. Nous avons aussi lancé des tests de poids lourds à l’hydrogène entre notre dépôt de Fos-sur-Mer et nos magasins du sud de la France. Nous évaluons la solidité du modèle et son approche économique.
Avez-vous d’autres pistes en tête pour développer le ferroviaire ?
Nous envisageons également d’acheminer nos produits par voie ferroviaire depuis notre dépôt de Metz vers le nouveau centre de distribution de 70 000 m² qui ouvrira en 2027 à Limay Porcheville.
L’atout majeur du ferroviaire est de sécuriser la disponibilité de nos produits
Quels sont les bénéfices et les inconvénients du rail ?
L’atout majeur du ferroviaire est de sécuriser la disponibilité de nos produits. Le rail nous apporte de la fiabilité et une qualité d’exécution. Dans notre cheminement vers la neutralité carbone, nous sommes confrontés aux limites posées par la tension sur le métier de conducteur de camion. Les problèmes capacitaires qui en découlent sont susceptibles de nous imposer des ruptures de charge et des retards, en particulier lors des pics d’activité. Dans la mesure où il nous est dédié, le train nous permet de sécuriser nos approvisionnements avec une heure de départ garantie, une heure d’arrivée garantie et aucun risque de blocage ou d’embouteillages. Sur ces pics, le ferroviaire nous permet de gérer plus de flexibilité. Nous pouvons agréger des wagons supplémentaires et doubler nos volumes actuels pour répondre aux besoins. Nos prestataires sont d’ailleurs en train de travailler avec d’autres enseignes pour pouvoir mutualiser et massifier nos volumes ou encore éviter les retours à vide.
Portrait
David Teixeira est responsable de la logistique et de la supply chain d’Ikéa en France depuis deux mois. Il a dans son périmètre les équipes qui gèrent la logistique en magasin, le dernier kilomètre et les dépôts prestés par Ikea France au profit d’Inter Ikea. Dans ses précédentes fonctions de responsable des Opérations pour la région Île de France, il a déjà travaillé sur le développement de l’omnicanalité. Il a passé 28 ans chez Ikea, chez qui il a commencé à la logistique dans un magasin de la région parisienne.