Les sciences mathématiques au service de la supply chain de Rungismarket.com
Par Guillaume Trecan | Le | It
La société Califrais qui opère le site e-commerce du marché international de Rungis vient de créer une équipe de recherche en association avec un des plus grands laboratoires de recherche public en mathématiques appliquées. Objectif : améliorer sa performance opérationnelle logistique, ses analyses en matière de pricing et sa gestion des stocks.
Simon Bussy, qui a créé Califrais avec Pierre Levy en 2014, présente sa société comme une « startup qui révolutionne la supply chain alimentaire grâce l’intelligence artificielle ». Une vocation mise en œuvre sur le marché de Rungis depuis un an, où Califrais opère le site e-commerce rungismarket.com pour le compte de la Semmaris (Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de Rungis) avec deux partenaires de poids : Webhelp et Stef, devenu actionnaire minoritaire de Califrais.
Preuve de l’importance de la recherche en IA dans son ADN, les fondateurs de Califrais, qui emploient à ce jour 42 personnes, viennent de renforcer leurs capacités de R&D en créant le LabCom LOPF (Large-scale Optimization of Product Flows), qui réunit une équipe de chercheurs en mathématiques appliqués. Ce laboratoire interne a vocation à développer de nouveaux algorithmes et de nouvelles méthodes en science des données. Créé en partenariat avec le Laboratoire de probabilité, de statistique et de Modélisation (LPSM), le LabCom LOPF comprend une dizaine de personnes, dont quatre doctorants co-financés par Califrais et l’ANR (Agence nationale de la recherche) sur trois ans. Sur les 200 chercheurs du LPSM, six professeurs en particulier collaborent très régulièrement avec le LabCom LOPF. Simon Bussy a lui-même de nombreuses connexions au sein du LPSM, où il effectué son propre doctorat.
Etant donné l’ampleur des flux de Rungis, nous avons besoin de recourir à des outils de de modélisation mathématique de pointe
Modéliser des flux complexes et en grande quantité
Renforcer sa capacité de modélisation et prévision des flux est devenu stratégique pour cette startup qui œuvre au sein du gros marché de produits frais au monde. « Nous avons équipé tous les acteurs de la chaîne avec nos propres outils, nous pouvons donc suivre les choses de façon très précise et agir là où il y a un process à mettre à jour, des flux à optimiser. Etant donné l’ampleur des flux de Rungis, nous avons besoin de recourir à des outils de de modélisation mathématique de pointe », justifie Simon Bussy.
Nous prévoyons une multiplication par trois de notre activité tous les ans
Fort de l’aura du marché de Rungis à l’international, rungismarket.com commence à développer des flux vers l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Espagne. Ces six derniers mois, la startup a traité un peu plus de 10 000 livraisons avec un panier moyen de 400 euros dont le volume croît régulièrement en particulier sous l’effet des nouveaux clients de la GMS. « Nous prévoyons une multiplication par trois de notre activité tous les ans », avance Simon Bussy.
Les clients de cette place de marché en ligne sont des restaurateurs, traiteurs, des détaillants en produits frais et, de plus en plus, des acteurs de la GMS, qui peuvent ainsi avoir accès à un site e-commerce sur lequel sont référencés près de 8 000 produits provenant d’une cinquantaine de grossistes de Rungis considérés comme des partenaires. Ces grossistes ne payent en effet qu’un abonnement mineur à rungismarket.com, dont les services sont facturés aux clients de la place de marché en ligne.
Une promesse de réactivité et des commandes groupées en panier
La proposition de valeur de Califrais à ses clients tient d’abord à sa promesse de réactivité. Les commandes sont prises jusqu’à minuit et les livraisons démarrent dès 6 heures du matin sur Paris et ses environs, quelques heures plus tard en province. Le deuxième élément qui compose son socle est le groupage de commandes en paniers. « Nous mutualisons tous les flux, une fois que les commandes sont passées chez différents fournisseurs pour un même client », explique Simon Bussy, qui estime que ce groupage des commandes permet à ses clients de gagner une heure par jour.
Pour parvenir à ce niveau de services et améliorer en continu sa performance opérationnelle, Califrais a développé plusieurs outils. Il s’agit pour commencer d’outils de groupage des commandes utilisés par l’équipe de logisticiens de la société dans l’entrepôt qu’elle occupe au cœur de Rungis. Une fois consolidées en paniers ces commandes sont remises à Stef qui les achemine. Tout au long de ce processus les données sont tracées, notamment des informations détaillées sur les produits mises à jour en temps réel avec un PIM (Product information management system) conçu en interne avec une technologie propriétaire, tout comme le WMS sur lequel s’appuient les équipes de Califrais pour effectuer le picking.
Nous leur fournissons des outils pour qu’ils puissent préparer les commandes de façon optimisée, suivant un chronogramme très serré
Les équipes de Califrais mettent aussi entre les mains des grossistes des outils de préparation de commandes. « Nous leur fournissons des outils pour qu’ils puissent préparer les commandes de façon optimisée, suivant un chronogramme très serré. Ces outils nous permettent de repérer en temps réel les retards, chez quel marchand, comment l’aider avec une équipe opérationnelle sur place, éventuellement comment trouver ailleurs des produits en rupture. »
Améliorer les prévisions pour ajuster les flux
Ce sont en particulier ces outils que le LabCom LOPF va permettre d’améliorer. « Nous sommes en train de développer un accès à des prévisions de la demande sur la plateforme pour ajuster les flux et les niveaux de stock », annonce ainsi Simon Bussy, qui compte aller plus loin dans la modélisation des flux pour affiner ses capacités de prévision, en s’appuyant sur différentes sources de données : météo, activité des clients, cours des produits, autres tendances de marché… Le LabCom LOPF va aussi travailler sur des données opérationnelles pour améliorer le service et la satisfaction client de manière incrémentale.
D’autres algorithmes vont s’adapter d’un point de vue pricing au volume de commandes des clients
Ces nouvelles capacités de modélisation doivent aussi permettre à la startup d’affiner ses analyses en matière de pricing pour s’assurer que les prix pratiqués sur la plateforme restent compétitifs ou adapter ces prix aux clients. « D’autres algorithmes vont s’adapter d’un point de vue pricing au volume de commandes des clients », explique Simon Bussy. Ces outils servent pour l’heure en interne pour permettre à l’équipe au contact des marchands pour estimer la pertinence des prix qu’ils pratiquent. A terme, ils pourraient être mis entre leurs mains pour leur permettre d’ajuster leur politique tarifaire.
Dernière dimension sur laquelle le LabCom LOPF va travailler, l’optimisation des stratégies de stockage des produits périssables, avec une modélisation de l’espace disponible pour le stockage. Cette démarche a pour objectif d’améliorer les stratégies de réassort et, in fine, de réduire le gaspillage alimentaire. « Dans des marchés d’intérêts nationaux les flux sont tellement importants et les choses vont tellement vite que malheureusement il y a beaucoup de gaspillage alimentaire », relève Simon Bussy.