Stratégie supply

Club Supply Chain : Quels sont les leviers RSE de la Supply Chain ?

Par Mehdi Arhab | Le | Green

Le dernier Club Supply Chain de l’année a été l’occasion pour une vingtaine de directeurs supply chain d'évoquer les leviers RSE de la Supply Chain. En plus de son rôle dans la décarbonation des opérations, la fonction est en mesure d’activer tous les autres aspects de la RSE.

Club Supply Chain : Quels sont les leviers RSE de la Supply Chain ?
Club Supply Chain : Quels sont les leviers RSE de la Supply Chain ?

Embrasser une démarche RSE est devenue, pour de multiples raisons, un impératif pour bien des entreprises. Et pour cause, la transition vers une économie propre, respectueuse, afin de répondre aux exigences que nous imposent, à tous, l’urgence climatique ne peut être évitée. Souhaitable en tout point, elle passera nécessairement par une transformation des modes de production et également par une accélération de la transformation des mobilités. Les transports représentent une part non négligeable des émissions de gaz à effet de serre mondiales, françaises aussi bien entendu. Si pour certaines entreprises de nos convives les appros ou la production constituent les premiers postes d’émissions de GES, la Supply Chain n’est pas en reste. Elle est en effet un des leviers majeurs de la transformation des entreprises, couvrant nombre d’activités depuis le sourcing, jusqu’au recyclage des produits en passant par les Achats, les appros, la planification, la production, le stockage et le transport. Sa position, au centre de tout et transversale, lui permet d’ordonner les fonctions Achats, Industrielles et Logistiques vers une même vision stratégique et opérationnelle. 

Les grands décideurs de la fonction, pour certains présents lors du dernier Club de l’année, ont pris le taureau par les cornes. Le chemin sera long, très long. La décarbonation des mobilités se révèle être l’un des plus grands défis sectoriels à relever. Cela pour une raison notamment : les investissements que cela réclame, sur un temps qui paraît long et qui l’est, mais peut-être pas autant qu’on ne l’imagine. L’urgence est-elle qu’elle impose d’agir vite. La transformation devra être systémique. Or, renouveler une flotte de matériels, de véhicules, quels qu’ils soient, s’avère épineux. Il n’en demeure pas moins que la Supply Chain a un rôle à jouer, et pas des moindres. En effet, les interfaces multimodales (aéroports, ports, gares, terminaux logistiques) constituent le gisement majeur d’amélioration de la performance économique et environnementale. 

Le gouvernement a d’ailleurs annoncé en avril dernier l’ouverture d’un appel à projets « Écosystèmes des véhicules lourds électriques ». L’objectif est de soutenir l’acquisition de camions électriques notamment. Quelque 55 millions d’euros seront spécifiquement destinés au transport routier de marchandises. Les entreprises les plus intéressées pourront soumettre leur projet dans le cadre de cette initiative et bénéficier d’une aide financière pour électrifier, et verdir, leur flotte. De grands chargeurs et autres transporteurs ont décidé de leur côté d’accompagner leurs sous-traitants dans le verdissement de leur flotte, imposant l’utilisation de biocarburants notamment. Leur pari est clair : absorber des surcoûts pour accélérer leur trajectoire de décarbonation et de compter sur le fait qu’ils s’amenuisent par la suite. Un pari risqué, mais obligatoire compte tenu des enjeux derrière. D’autres s’essaient à la reverse logistic, se fixant des objectifs de recollecte et de désassemblage ou à recycler leurs packagings. Certains retracent leur mix modal, optent pour le ferroviaire et se tournent également vers la mutualisation, autre levier de choix, mettant en commun une partie de leur flux et révisant leur schéma transport. Mais là où il y a une activité humaine et des opérations de transport, difficile d’imaginer que la neutralité carbone puisse être touchée du doigt.

Des marges de progression nombreuses

« Notre ennemie, c’est la croissance », lance même l’un des convives, patron de la supply chain d’un grand acteur de la mode. « Nous vendons 97 % des vêtements que nous produisons, chose à laquelle je n’avais jamais été confronté. C’est un exploit, mais derrière, le transport est abondant », complète-t-il, évoquant également le poids (extrêmement) conséquent des appros en matière première dans l’empreinte carbone de son groupe. « Nous devons faire avec un certain nombre de limites, nous sommes arrivés au bout d’un modèle. Les ressources se raréfient et il est impératif de changer notre façon de faire », insiste de son côté un autre convive. En somme, beaucoup expriment leurs doutes sur la mesure de l’empreinte carbone et sur les bienfaits réels de leurs initiatives.

Qu’elles soient issues du secteur industriel (au sens large), du retail, quelles que soit la nature de leur activité, aucune entreprise ne reste inactive en la matière. Cela pour répondre à des convictions propres, à la réglementation bien-sûr ou même, quelques fois aux attentes des consommateurs. Toutefois, les modes de consommation de bon nombre d’individus sont à questionner. En attente d’être livrés en un temps record, gratuitement si possible, ils ne sont pas toujours, il faut bien l’avouer, d’une grande aide pour changer la donne. Ceux-ci doivent prendre acte de leurs choix et des effets (négatifs) qu’ils pourraient générer en réclamant certains services. À cela s’ajoute l’absurdité des retours illimités et gratuits … Or, la décarbonation, et la RSE dans son ensemble par ailleurs, a un coût. Et tous doivent accepter d’en absorber une partie, sans quoi elle ne sera qu’une vaste illusion. La question étant comment décarboner avec des coûts compétitifs tout en traitant des volumes de marchandises et de flux qui augmentent ? Sans oublier la nécessité de s’outiller, sans quoi il sera impossible de piloter sa trajectoire ; ce qui n’est pas mesuré ne peut en effet être piloté. Les solutions logicielles de gestion d’entrepôt ou encore de l’IA peuvent effectivement aider à réduire l’empreinte carbone de la logistique.

Ne pas oublier les autres aspects de la RSE

La décarbonation n’est pas la seule chose sur laquelle nous pouvons agir

Quand bien même la décarbonation occupe tous les esprits et est sur toutes les lèvres, la RSE ne s’arrête pas à elle. Et la Supply Chain a ceci d’extraordinaire qu’elle intègre tous ses axes. « La décarbonation n’est pas la seule chose sur laquelle nous pouvons agir », confirme l’un des invités. Les projets autour des entrepôts et plateformes logistiques pullulent. « Ce sont de nombreux emplois, sur le territoire. La logistique est un véritable vecteur de croissance », insiste l’un des invités, rappelant qu’elle est un vecteur de développement dans les territoires et aussi de souveraineté, chose parfois oubliée. En tant qu’employeur massif, la Supply Chain peut effectivement s’intéresser à l’inclusion des personnes éloignées de l’emploi.

Le milieu dans lequel nous opérons est historiquement très masculin, pourtant, je n’ai jamais assisté à des réunions supply chain qui réunissaient autant de femmes

La mixité est aussi un sujet sur lequel la Supply Chain agit de plus en plus. Les facteurs d’origine de ce déséquilibre, entre hommes et femmes, sont nombreux, mais aussi très complexes. La Supply Chain n’est bien entendu pas la seule concernée par cette problématique. Si elles sont historiquement moins bien représentées que les hommes, elles s’intéressent désormais de plus en plus aux métiers de la supply chain, gagnant du terrain. L’une des convives, directrice supply chain du groupe industriel pour lequel elle travaille, se réjouit du nombre de femmes qui occupent des postes à responsabilité sur la chaîne logistique au sein de son entreprise. « Près de 80 % des managers supply chain de nos sites sont des femmes. Le milieu dans lequel nous opérons est historiquement très masculin, pourtant, je n’ai jamais assisté à des réunions supply chain qui réunissaient autant de femmes depuis que j’ai intégré mon groupe », expose-t-elle. Un directeur transport d’un grand groupe industriel français trace le même constat, estimant « que la supply chain attire de plus en plus les talents féminins ».

La diversité des profils est une thématique qui dépasse évidemment la seule question de l’équilibre homme-femme. La Supply Chain intègre effectivement des profils en reconversion, des profils peu qualifiés, des jeunes issus de la « diversité sociale ». Et c’est aussi là sa plus belle force.