Groupe Seb : « notre logistique et notre distribution sont toujours en mouvement »
Pascaline Weber est la nouvelle vice-présidente Supply Chain du Groupe Seb. Parmi ses missions : l’accélération de la montée en puissance de la supply chain du Groupe Seb et notamment le renforcement de la performance du réseau de distribution en Europe. Elle a d’ailleurs inauguré récemment une nouvelle plateforme à Til-Châtel en Côte-d’Or projet piloté par Jean-Baptiste Pavec, directeur logistique Europe de l’Ouest.

Quelle est l’organisation actuelle de la supply chain du Groupe SEB ?
Pascaline Weber : La supply chain du groupe Seb est organisée, comme le business, en quatre axes : un axe corporate, un axe zones (continents), un axe pays qui est plus dans l’exécution, et enfin un axe catégories. Ce dernier axe est beaucoup plus vertical, il englobe les différentes catégories de produits, de la conception jusqu’à la livraison au marché. Nous avons quatre business units : les articles culinaires (c’est-à-dire les poêles, les casseroles etc), le petit électroménager pour la cuisine, le petit électroménager destiné au reste de la maison (les aspirateurs, la salle de bain etc) et une business unit dédiée aux professionnels (hôtels, cafés etc).
Il s’agit d’une organisation matricielle et à la fois très proche du business. La supply chain de la France, par exemple, dépend du patron pays France. Pour ma part, j’ai un rôle de coordination et d’arbitrage. Je fais en sorte que toutes les actions menées en central sur la stratégie, la gouvernance, les outils, les priorités, etc. soient bien coordonnées et transmises à toutes les équipes intervenant à tous les niveaux de notre supply chain. Nous avons des contacts quotidiens pour s’assurer que nous sommes bien alignés.
Quels indicateurs de performance surveillez-vous ?
PW : Nous en avons plusieurs. D’abord, évidemment notre taux de service à nos clients. Dans quel délai mais aussi quel coût, quels moyens engagés pour livrer le client au bon moment et au bon endroit. Autre point important : quel niveau d’intelligence de marché nous pouvons apporter pour soutenir les équipes business en matière de data crunsching et de prévisions des ventes afin de planifier la production et le sourcing de nos produits. Et enfin, quels qualité et niveaux de stocks nous engageons pour livrer le business.
Il nous faut être réactifs et adaptables, malgré les contraintes géopolitiques et les pressions de prix, sans impacter nos couts afin que notre business soit rentable
J’illustre mon propos : si nous avons trop d’Air Fryer 1 alors que la demande porte essentiellement sur les Air Fryer 2, nous considérons que ces stocks d’Air Fryer sont non qualitatifs car nous allons devoir les stocker trop longtemps avant de les écouler. Si ces stocks sont trop élevés, c’est que nous avons mal anticipé. Cet enjeu est primordial car nous subissons une pression très importante de nos coûts logistiques, liés en particulier à nos approvisionnements en Chine. Il nous faut rationnaliser au plus juste. Ce n’est pas facile car les besoins marketings sont très changeants. L’année dernière, la mode était aux Air Fryer, cette année ce sont les Washers (Aspirateurs Laveurs), l’année prochaine ce sera encore autre chose. Il nous faut donc être réactifs et adaptables malgré les contraintes géopolitiques et les pressions de prix, sans impacter nos coûts afin que notre business soit rentable.
Au-delà de ces indicateurs clés, quels sont les enjeux de votre feuille de route ?
PW : Pêle-mêle, il y a bien sûr la question des datas, de l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée, de la gestion des talents, du développement durable. Sur ce dernier point, le Groupe Seb a un engagement fort sur la réparabilité, nous conservons les pièces détachées pendant quinze ans. Cela impacte fortement notre supply chain. Ma priorité est également de positionner la supply encore plus en amont du développement produits afin d’optimiser leur conception et leur packaging pour faciliter in fine leur transport et leur distribution.
Des évolutions importantes ont été initiées depuis deux ans sur cette organisation de la distribution
Et puis, enjeu majeur : l’optimisation de notre réseau de distribution en France et en Europe. Des évolutions importantes ont été initiées depuis deux ans sur cette organisation de la distribution, avec la construction d’une plateforme à Bully-les-Mines dans le Nord de la France en 2023 (100 000 m²) et tout récemment d’une autre plateforme à Til-Châtelen Côte-d’Or de 36 000 m². Le tout représentant un investissement de 110 millions d’euros. Expliquez-nous les contours de ces deux opérations importantes.
J-B P : Précédemment à cette plateforme de Bully-les-Mines, pour les petits appareils électriques, nous avions des entrepôts en France, en Allemagne gérés par plusieurs partenaires et qui n’étaient pas optimisés, peu modernes et utilisaient de surcroit un nombre de débords très important. Au lieu de réimplanter un entrepôt en France, un autre en Allemagne et un troisième au Bénélux, l’idée a émergé de créer un hub très bien placé en France pour desservir les trois zones, dans une optique de partage des frais fixes et d’excellence opérationnelle. Elle est opérée par notre partenaire FM Logistic mais nous sommes propriétaires du foncier.
C’est une réussite, le résultat est à la hauteur de ce que nous attendions, même si nous avons été confrontés à certains points durs, notamment le transfert de l’Allemagne car ce projet a été mené en parallèle d’autres dossiers ce qui a généré des points de frottements. Et puis, il a fallu travailler sur du change management. Désormais, nous avons des taux de services supérieurs de deux points à ce que nous avions et nous avons obtenu les économies planifiées au budget. Néanmoins nous pouvons encore progresser, nous sommes sur une courbe d’apprentissage pour les deux prochaines années.
Le pendant de ce hub pour les articles culinaires (les poêles etc), c’est donc Til-Châtel ?
J-B.P : Oui, exactement. Cette plateforme permet de mutualiser les stocks pour desservir la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et l’Autriche. Jusqu’ici, nous avions un entrepôt en Allemagne et un autre en France, avec des débords ponctuels. Nous avons choisi un emplacement central, avec des possibilités de transport multimodal. Celle-ci est opérée par Rhenus, mais là encore, les murs nous appartiennent. C’est opérationnel depuis un mois. Pour l’instant, nous livrons avec succès la France et le Bénélux, l’Allemagne arrivera dans six mois.
Nous aurons des trains qui amèneront une partie importante de nos containers à 60 kilomètres de Til-Châtel
Des points particuliers à signaler sur cette nouvelle plateforme ?
J-B.P : Oui, elle va être certifiée Breeam Excellent, cela montre la volonté du groupe de construire un bâtiment durable. Nous avons aussi travaillé la question de la RSE sur nos flux, puisque nous aurons des trains qui amèneront une partie importante de nos containers à 60 kilomètres de Til-Châtel. Et puis, sur le matériel, nous avons apporté plusieurs innovations avec des quais automatiques de dernière génération, extrêmement sécurisés. Nous avons aussi installé des drones pour nos inventaires, ce sera une première dans nos entrepôts.
Nous mettons en place de plus en plus de partenariats avec nos gros clients (la grande distribution, le e-commerce, etc) afin de les livrer directement
Ces deux plateformes centralisent ce qui est sourcé à l’étranger ainsi que la production des usines françaises ? Les usines n’expédient pas elles-mêmes ?
J-B.P : Non, effectivement, tout est centralisé, sauf pour les opérations promotionnelles que nous livrons en direct. Lorsque nous devons livrer des camions complets à une centrale d’achat de produits fabriqués en France, nous préférons que ce camion parte directement de l’usine jusque chez le client, plutôt qu’il soit chargé et déchargé sur la plateforme logistique rechargé et déchargé chez le client. C’est une question de bon sens, d’optimisation des coûts et de notre empreinte carbone. Nous mettons en place de plus en plus de partenariats avec nos gros clients (la grande distribution, le e-commerce, etc) afin de les livrer directement. Et cela ne concerne pas seulement les produits fabriqués en France : par exemple, nous avons actuellement une importante opération promotionnelle avec un distributeur français. Nous lui faisons directement envoyer, depuis le port de Fos-sur-Mer, dix containers arrivant de Chine.
Nous nous devons d’être au même niveau opérationnel que nos partenaires e-commerce
D’autres projets de plateformes ?
PW : Non, mais nous avons des sujets d’optimisation car la logistique et la distribution sont toujours en mouvement pour coller au mieux aux besoins de nos clients. Le taux de service et le bon niveau de stock sont deux éléments cruciaux pour nous comme pour nos clients : il s’agit de trouver un équilibre win-win. Tout cela est en perpétuelle évolution, en particulier avec la montée en puissance du D2C et des plateformes e-commerce. Cela génère des exigences très fortes, avec des flux tirés par le client final. Nous nous devons d’être au même niveau opérationnel que nos partenaires e-commerce. Ces enjeux mettent d’ailleurs en lumière la performance de la supply comme levier de compétitivité global de l’entreprise.
Pascaline Weber : son parcours
En poste depuis fin 2024, Pascaline Weber a dans son périmètre : Planning, S&OP, Master Data, Distribution, Customer Care et projets de transformation. Elle a évolué pendant 21 ans au sein du groupe L’Oreal à différents postes en France et à l’international (Moyen-Orient, Afrique, Etats-Unis, Hong Kong) en tant que directrice des opérations, directrice S&OP, distribution, transports, douanes, etc. Elle est également passée par Costa Coffee (groupe Coca Cola) au Royaume Uni comme directrice groupe supply chain.
Qu’est-ce qui l’a attirée chez Seb ? « J’ai été séduite par le fait que ce soit une entreprise française, à taille humaine mais avec une maturité importante et des valeurs auxquelles j’adhérais. Et puis, j’avais un vrai attrait pour les produits SEB, nous avons tous des produits du groupe dans notre cuisine, ou des appareils qui nous ont été transmis par nos mères ou nos grands-mères. Pour le clin d’œil, j’ai moi-même récemment donné un grille-pain vieux de 25 ans à mon fils qui s’installait. »