Stratégie supply

Malerba : « Nous allons réorganiser en profondeur notre logistique »


Bruno Malerba est le président du groupe familial rhodanien éponyme. Avec ses 300 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2025, ses 13 usines (toutes situées dans le Rhône et la Loire) et ses 600 collaborateurs, Malerba est un des industriels français les plus importants du marché des blocs-portes métalliques, bois et vitrés. Et pourtant, jusqu’ici, Malerba s’appuyait sur une logistique non optimisée. Le dirigeant a décidé d’y remédier et pilote actuellement une réorganisation.

Bruno Malerba, PDG de l’entreprise Malerba. - © D.R.
Bruno Malerba, PDG de l’entreprise Malerba. - © D.R.

Au gré de votre croissance ces dernières décennies, vous avez multiplié le nombre de vos sites de production. Vous avez aujourd’hui treize usines, la plupart spécialisées sur une production particulière. Quel est votre schéma logistique ?

Jusqu’à présent, notre logistique était basique : nous disposions de surfaces de stockage dans chacune de nos usines et les expéditions partaient de chaque site. Mais cette organisation n’est plus adaptée à nos besoins aujourd’hui car ces espaces ne sont pas extensibles… Or, ils sont désormais saturés ! Nous en sommes arrivés à un tel niveau que cela bloque parfois même régulièrement la production… Nos capacités de production dépassent nos capacités de stockage et nous ne pouvons pas entreposer nos produits à l’extérieur.

Nous avons de plus en plus de petites commandes, donc plus de références, plus de palettes, et une logistique plus complexe

Mais qu’est-ce qui explique un tel niveau de saturation ? Pourquoi devez-vous stocker autant de produits avant de les expédier ?

Cette situation résulte de la conjonction de plusieurs évolutions que nous constatons ces dernières années. La première est liée au marché lui-même. Nous avons de plus en plus de petites commandes, donc plus de références, plus de palettes, et une logistique plus complexe. Cela s’explique par la diversification de nos gammes : davantage de produits à forte valeur ajoutée, mais en plus petites quantités. Deuxième évolution qui, là, est directement liée à la situation économique de la filière : nous devons faire face à des retards de paiement de certains clients en difficulté financière, conséquence de la crise du bâtiment. Il arrive donc de plus en plus souvent que des commandes prêtes à expédier restent bloquées chez nous en attendant que le client ait pu réduire ses encours. Nous devons aussi faire avec des chantiers qui s’arrêtent brusquement du fait d’un dépôt de bilan des entreprises du bâtiment intervenant sur l’opération.

Et puis, dernière évolution qui monte en puissance : certains clients utilisent nos entrepôts comme des zones de stockage déportées. Ils passent commande, puis attendent le dernier moment pour la retirer. Cela a toujours existé mais ces situations se multiplient parce que dans le contexte économique actuel, certains doivent accepter des marchés avec des marges très basses. En nous faisant assumer la partie stockage, ils font des économies… Nous essayons de lutter contre ces pratiques sans détériorer la relation commerciale mais ce n’est simple, il faut le reconnaitre.

Nous investissons dix millions d’euros dans la construction d’une nouvelle plateforme de 14 000 m²

Vous avez donc décidé de développer votre capacité de stockage…

Oui, nous investissons dix millions d’euros dans la construction d’une nouvelle plateforme de 14 000 m² à Thizy-les-Bourgs qui va centraliser la logistique de toutes nos usines. Je précise celles-ci se situent toutes dans un périmètre d’une vingtaine de kilomètres. La première tranche de 9 000 m² est opérationnelle depuis quelques mois. Les 5 000 m² restants seront prêts au premier trimestre 2026.

Tout sera stocké et expédié désormais depuis cette plateforme ?

Non, les grosses commandes continueront de partir directement des usines mais les plus petites, oui, seront regroupées sur cette plateforme avant expédition. Cela réglera notre problématique d’espace mais optimisera aussi le remplissage des camions de nos transporteurs. Cela devrait donc nous permettre d’améliorer la livraison de nos clients et de réduire nos couts.

Actuellement, comment vos transporteurs traitent-ils vos expéditions ?

Nous faisons appel à des transporteurs locaux. Ils viennent récupérer la marchandise dans chacune de nos usines mais cette organisation génère des trajets multiples. Lorsqu’un client a commandé des produits fabriqués dans plusieurs de nos usines, il n’est pas forcément livré en une seule fois. Pour libérer de l’espace dans nos surfaces de stockage saturées, nous le livrons souvent dès que les produits d’une usine sont fabriqués. Et il reçoit une deuxième, une troisième livraison pour le reste de sa commande. Il faut dire aussi que nous avons beaucoup grossi ces dernières années, la communication interne n’est pas encore suffisamment efficace.

La nouvelle plateforme va nous permettre d’évacuer nos usines, nous pourrons donc planifier les livraisons de façon plus efficace

La nouvelle plateforme va nous permettre d’évacuer nos usines, nous pourrons donc planifier les livraisons de façon plus efficace. Aujourd’hui, un camion livre parfois huit de nos clients dans une journée. Demain, grâce au regroupement et à la planification, il ne livrera peut-être que deux clients seulement, ce qui réduira les coûts de transport avec la réduction du fameux « cout de portière » et du nombre de kilomètres. Et puis, nous pourrons aussi attirer des transporteurs nationaux, jusqu’ici peu intéressés à cause du morcellement des enlèvements.

Aujourd’hui, vous avez dû mal à avoir des réponses à vos appels d’offres pour le transport ?

Disons que nous attirons uniquement des transporteurs locaux. Les groupes nationaux, cela ne les intéresse pas de venir récupérer trois mètres carrés de plancher dans cette usine Malerba, deux mètres carrés dans cette autre usine Malerba etc. Donc là aussi, possiblement, si nous avons plus de transporteurs qui se positionnent, nous pourrions peut-être avoir des offres plus intéressantes financièrement.

Est-ce que cette nouvelle plateforme logistique est associée à des recrutements ?

Quelques-uns mais ce sera surtout de l’optimisation et de la réorganisation, Nous allons en revanche recruter trois chauffeurs, pour avoir une équipe de cinq et nous investissons dans des semi-remorques supplémentaires pour assurer les navettes entre les usines et la plateforme logistique.

C’est vous, le dirigeant du groupe, qui pilotez en direct cette réorganisation. Vous n’avez pas d’équipe dédiée à ce sujet ?

Nous avons un responsable transport mais pas encore de directeur logistique. Une alternante en logistique travaille actuellement à l’optimisation de la plateforme, et nous nous structurerons ensuite selon les besoins. C’est une vraie nouveauté pour nous, nous n’avions jamais encore réellement travaillé sur une vraie organisation logistique. C’était devenu indispensable… Cette plateforme représente un investissement stratégique majeur pour l’entreprise.