Nestlé Health Science : « nous maitrisons le parcours température de nos produits »
Anne Cécile Portier, directrice supply chain de Nestlé Health Science décrits ses efforts pour minimiser le coût de la sa logistique sous contrainte de température sans aller à l’encontre de l’impératif de qualité. Elle sera grand témoin des Supply Days des 16 et 17 octobre 2026 sur l’atelier débat : « #Logistique sous température dirigée : quels leviers d’optimisation ? ».

Quelle sont vos contraintes en matière de logistique des produits sous température dirigée ?
Nestlé Health Science fabrique des produits de nutrition médicale commercialisés sous forme liquide et sous forme de poudre. Les produits liquides, en bouteille ou en poche, sont sensibles au gel et aux températures élevées. C’est pourquoi nous demandons qu’ils soient stockés par défaut entre 5° et 25°C. Nous avons intégré récemment des gammes de compléments alimentaires (comprimés, gélules) qui sont également sensibles aux variations de température et ne doivent pas dépasser 25°C.
Nos produits en poudre, par exemple du lait infantile de prescription, peuvent être stockés jusqu’à trente degrés, ce qui est possible, en moyenne quotidienne, dans un entrepôt ambiant.
Nous cherchons à trouver le bon équilibre entre la nécessité d’acheter des transports à température dirigée et du délai
Qu’en est-il de vos flux amont ?
Nous approvisionnons ces produits pour la partie nutrition médicale, principalement depuis nos usines en France et en Allemagne et pour les compléments alimentaires depuis les Etats-Unis. Chaque année 90 000 à 100 000 palettes transitent par notre unique entrepôt national, en région parisienne. Selon leur origine, elles arrivent sur des transports, ambiants ou non. Lorsque moins de 300 kilomètres séparent l’usine et l’entrepôt et que le transport a lieu sur une demi-journée, un camion réfrigéré n’est pas nécessaire. En revanche, lorsque nous exportons hors de l’Europe, principalement en transport maritime, nous prêtons attention à ce que l’excursion de température ne dépasse pas trois jours et seulement dans des hausses raisonnables, allant jusqu’à 25 à 30°C.
Nous cherchons à trouver le bon équilibre entre la nécessité d’acheter des transports à température dirigée et du délai. Si notre livraison est effectuée en 24 heures, nous restons dans des variations tolérables.
Quels sont vos points de distribution ?
Nous avons 17 000 points de livraison : des pharmacies, des hôpitaux, des maisons de retraite, des prestataires de santé à domicile, des grossistes répartiteurs et des distributeurs. Nous promettons aujourd’hui à nos clients un transport à J+2, mais nous livrons 60 % de notre flux en moins de 24 heures, pour se conformer au standard de la pharmacie. Une officine de pharmacie a l’habitude d’être livrée par un grossiste répartiteur deux fois par jour. Nous leur offrons la possibilité de recevoir un flux direct depuis notre site de production ou de passer par un grossiste répartiteur capable de livrer en 24 heures pour le réassort de petites références. Les établissements les plus importants - hôpitaux, prestataires de santé à domicile, grossistes - se contentent en général d’une livraison par semaine, plus massifiée. Toutefois, 90 % de notre flux ne dépasse pas deux tonnes.
Nous avons le choix entre acheter du transport en TD ou raccourcir le délai
Quelles sont vos marges de manœuvre pour optimiser le coût de vos livraisons tout en respectant vos contraintes de températures ?
Nous avons le choix entre acheter du transport en TD (température dirigée) ou raccourcir le délai : nous arbitrons donc en faveur de l’option la plus intéressante dans le respect de service. Avec certains réseaux de transport spécialisés dans les produits pharmaceutiques, il est par exemple possible de se mettre d’accord sur le fait de fonctionner en température ambiante toute l’année, à l’exception de l’été, où l’on passe en TD. Consommatrice d’énergie, et nécessitant une supervision plus fine, la TD est par nature plus chère.
Nous utilisons deux solutions de transport. Celle de Geodis Distribution Express avec une promesse de livraison à J+1 et un réseau spécialisé dans la santé qui est susceptible de livrer à J+2 ou J+3 avec un transit de palettes dans des hubs climatisés. En jouant avec les paramètres de ces deux solutions, je peux éviter d’avoir à recourir à un réseau température dirigée complet et donc plus onéreux.
Quel est le profil de vos prestataires de transport ?
Nous conduisons un appel d’offres général tous les trois ans. Nous avons retenu trois ou quatre prestataires pour couvrir nos besoins en France avec lesquels nous entretenons des relations partenariales. La concentration de nos transporteurs a aussi une vertu, puisqu’elle nous donne la possibilité de nous appuyer sur plusieurs navettes par jour pour distribuer nos produits et arbitrer en fonction du degré d’urgence.
Comment contrôlez-vous le respect de vos températures dans le transport et le stockage ?
Nous n’avons pas acheté de prestation de relevé de température pour le transport terrestre en France, mais nous le faisons systématiquement pour le grand export. Nous plaçons nos sondes dans le chargement et nous suivons l’enregistrement. Nous pratiquons également des contrôles rigoureux à réception, quitte à placer en quarantaine des chargements en cas de doute. En cas d’incident - soit parce que le produit a congelé, soit quand il a chauffé - nous ouvrons un litige et les assurances nous dédommagent par rapport à la perte de marchandise.
Ce genre de situation nous incite à dialoguer avec nos experts assurance qualité pour comprendre comment ils testent les produits et les limites qu’ils fixent
Ressentez-vous des conséquences du dérèglement climatique ?
La situation est relativement sous contrôle, hormis pendant les épisodes plus fréquents de canicule en région parisienne. En juin 2024 par exemple, quand nous avons atteint 42° en région parisienne, la climatisation ne parvenait pas à faire baisser la température en-dessous de 26° en moyenne.
Ce genre de situation nous incite à dialoguer avec nos experts assurance qualité pour comprendre comment ils testent les produits et les limites qu’ils fixent. Nous devons maîtriser ces paramètres pour être capables de les partager avec nos logisticiens et nos prestataires transport afin qu’ils comprennent ce qui met en danger nos produits et leur degré de tolérance. Certains produits peuvent être fortement dégradés par un écart brutal, même très court.
Dans le cas des produits de NHS, nous maitrisons le parcours température de nos produits sur la chaine d’approvisionnement.
Les équipes R&D et Innovation sont-elles impliquées dans des réflexions prospectives sur la tolérance des produits ?
Rendre nos produits plus robustes, plus résilients aux évolutions de température est une demande du marché. Nous les testons pour connaître notre marge de manœuvre. Les consignes que nous communiquons sont d’ailleurs beaucoup plus strictes que ce qu’exigent nos produits car nous ne maîtrisons pas toujours leurs conditions de stockage par nos clients.
Est-il aussi facile de décarboner la supply chain des produits sous température dirigée ?
Une partie de la solution est dans les mains de nos transporteurs. Cela se joue aussi dans nos entrepôts, au niveau de la répartition des zones, pour éviter de réfrigérer à outrance. Nous devons aussi arbitrer entre implanter un nouvel entrepôt plus performant et investir dans la rénovation de l’existant, afin de ne pas ajouter une construction supplémentaire.
Le plus important est de considérer dans son ensemble l’écosystème entrepôt et réseau de transport, dans une optique de network design
Le plus important est de considérer dans son ensemble l’écosystème entrepôt et réseau de transport, dans une optique de network design : où placer nos entrepôts, combien d’entrepôts implanter, quels sont nos réseaux de transport aujourd’hui et quels seront nos besoins demain. En six ans, nous avons redesigné trois fois notre schéma logistique.
En quoi la technologie peut-elle vous aider à avancer sur ce sujet ?
J’attends beaucoup de l’évolution de l’IOT pour pouvoir faire porter aux produits des capteurs de température. Sachant qu’à l’heure actuelle, les prix de ces capteurs est encore trop élevé pour que nous les déployions à grande échelle sur les produits de NHS.