Transport

Malgré un trafic en baisse, Haropa Port enregistre un chiffre d’affaires record

Par Mehdi Arhab | Le | Maritime et fluvial

Au cours d’une conférence de presse qui s’est tenue le 29 janvier dernier, Stéphane Raison, directeur général d’Haropa Port, a présenté les résultats du premier établissement portuaire français. S’il enregistre une baisse de son trafic, il affiche un chiffre d’affaires record à hauteur de 416 millions d’euros. Sa trajectoire d’investissements et ses grands projets, sans oublier son rôle lors des Jeux Olympiques accroissent très largement son attractivité.

Stéphane Raison, directeur général d’Haropa Port, est revenu sur l’année 2023 de l’établissement - © D.R.
Stéphane Raison, directeur général d’Haropa Port, est revenu sur l’année 2023 de l’établissement - © D.R.

Nous construisons les ports de demain et souhaitons stabiliser notre modèle économique. Notre stratégie n’est ni floue, ni imprécise

L’année 2023 d’Haropa Port apparaît comme assez réussie. Le premier ensemble portuaire français affiche un excellent résultat financier, sa capacité d’autofinancement est importante. Les investissements du port se hissent à hauteur de 588 millions d’euros, en hausse de 5,5 %, dont 462 millions d’euros réalisés par des opérateurs privés. Le gestionnaire portuaire a enregistré un chiffre d’affaires record, qui s’élève à quelque 416 millions d’euro, en hausse de près de 10 %. Un résultat qui place Haropa Port, de loin, à la première place des plus gros établissements portuaires de France et de Navarre à titre financier. « Nos fondamentaux économiques sont plutôt bons. Nous avons construit un nouveau modèle économique qui rassemble les forces des uns et des autres », s’est félicité Stéphane Raison, directeur général d’Haropa Port. « Nous construisons les ports de demain et souhaitons stabiliser notre modèle économique. Notre stratégie n’est ni floue, ni imprécise. Elle repose sur deux piliers, le corridor vert décarboné et la réindustrialisation », a-t-il rappelé assez simplement par ailleurs. 

Pour autant, la situation d’Haropa Port est plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, la fusion des ports du Havre, de Rouen et de Paris a enregistré en 2023 une légère diminution de son trafic maritime, le voyant décroître de 4,5 % par rapport à 2022. Un recul qui s’inscrit dans un contexte baissier global des volumes conteneurisés manutentionnés par les ports du Range Nord, entre - 7 et - 11 % selon les établissements portuaires. Rien d’alarmant non plus donc. Ses infrastructures ont totalisé quelque 81,3 millions de tonnes de marchandises. « Une baisse somme toute relativement mesurée, compte tenu de la conjoncture économique qui n’échappe à personne », a commenté Stéphane Raison. En tout et pour tout, le flux des conteneurs maritimes a atteint 2,63 millions d’EVP, soit une baisse conséquente de 15 % principalement lié au transbordement. 

Dans le même temps, Haropa Port a tout de même vu son nombre d’escales augmenter. « Nous comptons plus d’escales, mais moins de volume », a indiqué Stéphane Raison, qui a soutenu que les grèves, liées à la réforme des retraites notamment, du début d’année 2023 n’ont pas aidé. « Sur le deuxième trimestre de l’année, nous estimons les pertes à 220 000 EVP ». Face à cette situation, Haropa Port a initié pour 2024 une nouvelle politique tarifaire incitative et compétitive qui contribuera à conforter les trafics notamment sur les grands navires. Une baisse de 20 % des droits de ports navires a été annoncée et est effective. Un choix mûrement réfléchi qui permettra d’augmenter le nombre d’escales tout en renforçant les services réguliers. 

Des volumes en baisse mais de grands projets structurants

Le trafic des vracs solides, à savoir les céréales et les matériaux du BTP, a également diminué de 11 %, avec un peu plus de 12 millions de tonnes. Un net recul qui s’explique en très grande partie par la baisse des exportations de céréales (- 14 %), pour un total qui dépasse sept millions de tonnes. « Nous avions pourtant enregistré un excellent mois de janvier, avec 1,7 million de tonnes de céréales exportées. Toutefois, la libération des tonnes ne se fait pas de façon uniforme et est tributaire des opérateurs et des ventes effectuées à l’étranger », a précisé Stéphane Raison. Le trafic roulier recule lui aussi de 9 % avec un peu plus de 249 000 véhicules, un segment décrit comme « très volatil » par le directeur général d’Haropa Port. Avec 41,2 millions de tonnes totalisés, le trafic des vracs liquides a toutefois progressé de façon notable (+ 5 %).

Pour 2024, nous tablons sur un niveau d’investissement public de plus de 200 millions d’euros

La bonne nouvelle est qu’Haropa Port gagne en attractivité. Et pas qu’un peu. Comme précisé ci-dessus, les investissements publics et les investissements privés records ont permis de renforcer l’écosystème industriel décarboné. La chose pourrait encore se confirmer dans les années à venir. « Pour 2024, nous tablons sur un niveau d’investissement public de plus de 200 millions d’euros », a ajouté Stéphane Raison, confirmant ainsi qu’Haropa Port est en mesure de maintenir sa trajectoire d’investissement. Il avait d’ailleurs officialisé au cours de l’année 2023 deux immenses projets, le premier porté par Engie avec la construction de la plateforme la plus importante du pays de production de carburants renouvelables et bas carbone à échelle industrielle pour le secteur de l’aviation.

Le deuxième concerne la construction d’une unité industrielle de production d’hydrogène bas-carbone et de carburants de synthèse. Développée par Verso Energy, elle verra le jour à Grand-Quevilly dans la Métropole Rouen Normandie et elle devrait délivrer, dès 2029, plus de 50 000 tonnes d’hydrogène obtenues par électrolyse de l’eau, pour un investissement de l’ordre de 500 millions d’euros. Une trentaine d’autres projets sont d’ailleurs en émergence. Haropa Port est aujourd’hui largement animé par le démarrage des travaux de la chatière et du Port Seine-Métropole Ouest sur la plaine d’Achères (78). Ce deuxième projet, budgété à hauteur de 122 millions d’euros pour l’ensemble des opérations qui s’étaleront sur plusieurs années, porte sur une plateforme multimodale destiné à accueillir les activités du bâtiment et des travaux publics. Il répond notamment à l’ambition stratégique de rééquilibrage des plateformes portuaires à l’Ouest de Paris et de soutien du développement économique de l’Île-de-France et des Yvelines.

« Notre objectif a toujours été de construire un modèle décarboné et de réindustrialiser les territoires », a clamé Stéphane Raison. « Pas moins de 41 % des projets portés par des opérateurs privés sont liés aux enjeux de décarbonation », a-t-il poursuivi, revendiquant le statut de « leader de la décarbonation ».

Un statut qui n’est pas volé, loin de là, en témoigne avec la récente labellisation ZIBAC (Zone industrielle bas carbone) par le ministère de l’Industrie. Le report modal, en hausse, confirme également cette tendance dans le développement du corridor logistique de l’axe Seine. En 2023, le report modal a gagné du point pour le fluvial et de 0,2 point pour le ferroviaire au départ du Havre. Cela se traduit notamment par l’ouverture de la ligne fluviale Le Havre/Rouen/Longueuil-Sainte Marie/Gennevilliers/Le Havre. « L’idée est de faire passer cette part de 15 % à 20 % en France d’ici à la fin de la mise en œuvre de notre plan stratégique », a affirmé le directeur général d’Haropa Port.

L’arrivée des JO, un coup de projecteur inespéré et inestimable

C’est une campagne de publicité et de promotion rêvée que nous n’aurions jamais eu les moyens de nous payer

À tout cela s’ajoute la signature avec Paris 2024 une convention de partenariat visant à formaliser leur travail sur l’utilisation de la Seine lors des Jeux Olympiques et Paralympiques qui se tiendront l’été prochain. Un événement sur lequel Haropa Port compte bien capitaliser, qui mettre « un coup de projecteur » certain sur les activités fluviales et la logistique urbaine. « Nous voulons nous appuyer sur l’héritage des JOP pour continuer notre projet de transformation », a lancé Stéphane Raison. « C’est une campagne de publicité et de promotion rêvée que nous n’aurions jamais eu les moyens de nous payer », a embrayé Antoine Berbain, directeur général délégué.

Si les JOP constituent une opportunité inédite dans la jeune histoire d’Haropa Port, quelques contraintes notables viendront perturber la navigation sur l’axe Seine. Et pour cause, la cérémonie d’ouverture se déroulera le 26 juillet prochain sur le fleuve et les épreuves masculines et féminines de triathlon et de natation en eau libre s’y tiendront sur une dizaine de kilomètres en partant du Pont Alexandre III. Voilà qui inquiète, notamment les céréaliers. Mais la gouvernance d’Haropa Port a tenu à rassurer tout son monde.

Pendant les Jeux, il n’y aura pas de blocage généralisé du transport fluvial.

« Nous avons travaillé pour tirer le maximum de bénéfices et effets positifs possibles et minimiser au maximum les effets négatifs. Il est nécessaire de sécuriser au mieux la cérémonie d’ouverture et les différentes épreuves qui se tiendront. Lors de la construction du village Olympique, le premier challenge était de maintenir la navigation et nous l’avons fait. Pendant les Jeux, il n’y aura pas de blocage généralisé du transport fluvial. Pour autant, le préfet de région a d’ores et déjà annoncé que huit jours d’arrêt de navigation étaient nécessaires préalablement à la cérémonie. La navigation reprendra le 27 juillet à 12h. Une vingtaine d’arrêts de navigation partielle sont également prévus pour la mise en œuvre et la réalisation des épreuves », a expliqué Antoine Berbain.