Palais des thés : « Notre forte croissance a généré plusieurs goulets d’étranglement »
Céline Colin est la directrice supply chain de Palais des Thés depuis début 2023. Elle a piloté un vaste chantier de réorganisation de la supply chain de l’entreprise : intégration du nouvel ERP, réagencement en profondeur de l’entrepôt, fiabilisation des données etc.

Palais des thés affiche quatre décennies d’existence. L’entreprise connait une croissance rapide ces dernières années. Pouvez-vous nous donner quelques chiffres ?
Depuis 40 ans, Palais des Thés est spécialisé dans le sourcing de thés à travers le monde, notamment les grands crus. L’entreprise a effectivement beaucoup grandi ces dernières années. Nous devrions réaliser un chiffre d’affaires de 86 millions d’euros en 2025 et nous visons 100 millions d’euros l’année prochaine. Il y a cinq ans, Palais des Thés réalisait un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros. Nous nous appuyons aujourd’hui sur un réseau de 130 boutiques dont la moitié sont des magasins en propre et l’autre moitié sont sous franchise. L’entreprise emploie 500 collaborateurs.
Nous traitons des flux extrêmement variés puisque nous adressons les particuliers, les entreprises et le secteur CHR
Quelle est votre organisation logistique ?
Nous disposons d’un entrepôt, en propre, que nous opérons nous-mêmes à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne) ; 800 à 900 tonnes de thé y transitent chaque année. Nous traitons des flux extrêmement variés puisque nous adressons les particuliers (via les boutiques et le e-commerce), les entreprises et le secteur CHR. Évidemment, les opérations logistiques sont très différentes entre les palettes que nous livrons à nos boutiques, les camions entiers qui desservent Air France par exemple, les cartons adressés à des hôtels ou des restaurants et les boites à l’unité expédiées aux particuliers.
Depuis, votre prise de poste en 2023 vous avez entrepris un important chantier de réorganisation de votre supply chain, avec l’accompagnement de Citwell. Quels étaient les besoins ?
J’ai contacté Citwell initialement au sujet de la mise en place de notre nouvel ERP (Infor M3). Cela faisait déjà un an que les équipes travaillaient sur le sujet et il restait encore six mois de travail. Certains aspects étaient très en retard, notamment au niveau de l’entrepôt et de la production : il fallait accélérer. L’entrepôt restait peu informatisé, ce qui rendait délicat le dimensionnement de leurs besoins et l’adaptation des outils en conséquence pour les équipes. La migration a été effectuée en juillet et il restait évidemment encore beaucoup de choses à caler, optimiser. Mais après un an et demi de travail, j’ai senti que mes équipes étaient épuisées. Après la migration, une sorte d’aboutissement de tout ce processus, j’ai estimé qu’il nous fallait un regard extérieur, une nouvelle dynamique pour continuer d’avancer. Le moment où on bascule, ce n’est que le début d’autre chose…
Citwell est d’abord intervenu sur les questions de l’assainissement des stocks et sur la fiabilisation des données. Tout cela a permis de mettre en place rapidement des petits pas, des quick wins qui ont soulagé le quotidien des équipes.
Soit nous investissions immédiatement dans cette nouvelle cellule sans en avoir complètement besoin avant un an et demi à deux ans, soit nous nous orientions plutôt vers une optimisation profonde de notre entrepôt actuel
Peu de temps après, s’est posée la question d’une cellule supplémentaire de 6 000 m² car un espace se libérait juste à côté de notre entrepôt. Nous disposions déjà de deux cellules de 6 000 m² mais nous devions faire appel à des débords car il était régulièrement saturé (à hauteur de 94 %). Cette opportunité, un espace disponible voisin qui vous tombe du ciel, c’était un peu le rêve de tout logisticien en croissance… La question s’est alors posée sérieusement : soit nous investissions immédiatement dans cette nouvelle cellule sans en avoir complètement besoin avant un an et demi à deux ans, soit nous nous orientions plutôt vers une optimisation profonde de notre entrepôt actuel. J’ai donc missionné Citwell afin de savoir si nous avions vraiment besoin, pour les cinq à venir, de cette cellule supplémentaire ou si une réorganisation en profondeur était suffisante.
Bilan de cette étude, l’option numéro deux semblait suffisante et vous avez validé cette direction. Concrètement, quels sont les axes d’optimisation qui ont été travaillés, quels changements avez-vous opérés ?
Ces dernières années, notre forte croissance a généré plusieurs goulets d’étranglement, notamment sur la zone de picking. Le travail de Citwell a porté notamment sur le dimensionnement des palettes par exemple, le volume des flux entrants, l’optimisation des zones de stockage, etc. Il s’agissait également d’améliorer nos sujets d’étiquetage, de limiter les erreurs dans le picking etc.
Nous avons également introduit la préparation multi commandes, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici. Quelques chiffres : le nombre d’emplacements de picking est désormais 1 715 (contre 1 105), avec une surface dédiée qui est passée de 800 à 2 000 m². Le taux de saturation est descendu à 75 % en moyenne. Le nombre d’emplacements de masse est passé de 7 612 à 8 778. La zone de picking, autrefois très dense, est aujourd’hui plus oxygénée.
Je ne voulais pas d’un changement descendant orchestré par un cabinet de conseil
Tout cela a été réalisé par itération, dans le cadre d’un travail collaboratif avec les équipes. J’en suis fière car, justement, je ne voulais pas d’un changement descendant orchestré par un cabinet de conseil. Les équipes se sont emparées de ce projet et la collaboration a été très fluide, nous avons vraiment réussi une co-construction.
Avez-vous également investi dans du nouveau matériel ?
Oui, notamment dans des racks dynamiques et dans des charriots autoporteurs. C’était nécessaire car la zone de picking a été largement augmentée.
Quels sont les KPI’s que vous avez surveillés dans le déploiement de ce projet et, après six mois de mise en route, quel est le premier bilan ?
Je me suis surtout concentrée sur la question de la productivité. En ayant autant augmenté la surface de picking et les distances, je ne voulais surtout pas dégrader notre productivité. Il se trouve qu’en réalité, elle a été sensiblement améliorée, tout en apportant du plus pour la qualité de vie au travail des collaborateurs.
Quelles sont vos prochaines étapes, vos prochains défis ?
Sur la partie entrepôt, nous allons en rester là pour le moment, pour digérer ces évolutions. En revanche, nous allons travailler sur le S&OP. Je souhaiterais que ce sujet soit intégré au prochain plan stratégique de l’entreprise qui va être défini d’ici la fin de l’année.