Stratégie supply

Vertbaudet : « Nous avons réorganisé en profondeur notre logistique vers les magasins »


Nicolas Molet, directeur logistique de Verbaudet depuis 2022, revient sur la transformation profonde de la logistique du spécialiste du monde de l’enfant qui vient en particulier de remettre à plat ses flux vers ses magasins, avec la mise en place de bacs réutilisables.

Nicolas Mollet, directeur logistique. - © D.R.
Nicolas Mollet, directeur logistique. - © D.R.

Pouvez-vous présenter Vertbaudet en quelques mots ?

Vertbaudet est une entreprise de plus de 60 ans, une « vieille dame » que l’on respecte, comme on aime à le dire, mais qui reste très innovante. Le réseau compte aujourd’hui 75 magasins et réalise environ 85 % de son chiffre d’affaires sur le web, soit près de 330 millions d’euros au total. Nous employons environ 1 000 salariés, répartis entre le siège, les magasins et la logistique. Vertbaudet est présent à l’international, notamment en Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Royaume-Uni, Autriche, Suisse. Le Luxembourg rejoindra bientôt cette liste.

Comment s’organise aujourd’hui votre logistique ?

Nous disposons d’un entrepôt internalisé à Marquette-lez-Lille, d’une surface de 26 000 m², où travaillent plus de 300 personnes en CDI sur la préparation des commandes. Deux autres entrepôts prestés complètent le dispositif : l’un à Dourges, pour la réception et le stockage de nos marchandises amont, et l’autre à Wattrelos, dédié aux produits encombrants. Ces deux sites ont été créés ces dernières années dans une logique de rationalisation et de regroupement des flux.

Nous traitons entre 50 000 et 80 000 articles par jour, avec des pics pouvant atteindre 120 000 lors des soldes ou du Black Friday

Combien de commandes traitez-vous ?

Nous traitons entre 50 000 et 80 000 articles par jour, avec des pics pouvant atteindre 120 000 lors des soldes ou du Black Friday. Je préfère vous parler en nombre d’articles plutôt qu’en nombre de commandes parce que c’est plus fidèle à la réalité étant donné que le panier moyen tend à se réduire.

Vous avez récemment mené un projet important autour des flux magasins. En quoi consiste-t-il ?

Ce projet est né d’une réflexion, avec mon responsable flux et transports Antoine Millamon et mon responsable de projet et amélioration continue, Guillaume David, sur les conditions de travail et sur la circularité de nos emballages. Nous avons remplacé les cartons à usage unique vers nos magasins par des bacs réutilisables. L’objectif étant d’éliminer les 120 000 cartons que nous utilisons chaque année pour acheminer les produits depuis notre entrepôt vers nos boutiques.

Il faut bien comprendre que jusqu’ici, nos collaborateurs de l’entrepôt préparaient les cartons c’est-à-dire les confectionnaient, les scotchaient, les remplissaient manuellement et les étiquetaient. Puis les salariés des magasins les ouvraient, les vidaient, les pliaient avant de les mettre au rebut… On faisait pour redéfaire le lendemain, donc. Tout cela nécessitait des gestes répétitifs, peu intéressants. Sans compter évidemment, cette consommation importante de cartons à usage unique et donc la génération de déchets en quantité.

Désormais, les magasins ne reçoivent plus de cartons, ou seulement à la marge pour des objets encombrants, mais des bacs.

Désormais, les magasins ne reçoivent plus de cartons, ou seulement à la marge pour des objets encombrants, mais des bacs. Ils sont étiquetés en entrepôt, expédiés empilés, livrés en magasin le lendemain puis récupérés, nettoyés et remis en circulation.

Comment ce projet a-t-il vu le jour ?

Antoine et Guillaume avaient rencontré la société Gamma lors du SITL il y a deux ans. C’est là que l’idée a germé. Les bacs en eux-mêmes sont résistants, de très bonne qualité, empilables et personnalisables mais la révolution ne vient pas du contenant en lui-même. Ils ont avant tout permis de créer un nouveau process de circularité. Nous avons fait de leur introduction un levier de transformation globale de nos méthodes. Au-delà du contenant en lui-même, c’est en réalité toute notre organisation qui a évolué. Le bac est finalement seulement la partie émergée de l’iceberg.

Le projet global représente un investissement à six chiffres, sans retour sur investissement immédiat. Soyons clairs, l’objectif n’était pas financier, mais humain et environnemental

Avez-vous mécanisé vos lignes de préparation à cette occasion ?

Oui, nous avons investi plus de 200 000 euros dans une ligne de traitement mécanique, fournie par Ciuch, afin de faciliter la manutention et de réduire les efforts physiques. Le projet global représente un investissement à six chiffres, sans retour sur investissement immédiat. Soyons clairs, l’objectif n’était pas financier, mais humain et environnemental. Nous visons un ROI sur cinq ans, voire plus.

Et concernant la partie transports ?

Nous avons voulu être honnêtes dans notre démarche en ne choisissant qu’un seul transporteur alors que nous avions jusqu’ici deux prestataires. Cela permet de rationaliser les collectes. Pour limiter les émissions de CO2, nous avons choisi de travailler avec Chronopost, qui assure la boucle complète : livraison et retour des bacs.

Quand ce dispositif a-t-il été déployé ?

La montée en charge a débuté en février 2025 par une phase de test qui a permis de bien valider l’adéquation des bacs avec nos systèmes. Nous finalisons actuellement la bascule des derniers magasins. Ce projet est accompagné d’un suivi précis et d’un dialogue constant avec les équipes terrain pour ajuster les process.

Les bas, rigides et empilables, facilitent la mise en rayon. - © D.R.
Les bas, rigides et empilables, facilitent la mise en rayon. - © D.R.

Quels sont les bénéfices d’ores et déjà observés ?

Déjà, nous transportons moins de vide car nous n’utilisons plus de papier kraft pour caler les produits dans les cartons. En effet, les bacs sont plus protecteurs. La qualité perçue s’est améliorée tant en entrepôt qu’en magasin. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts pour le moment mais il est certain que nous constatons une baisse du nombre d’articles en démarque : les pertes ont diminué.

En magasin, nos équipes gagnent du temps et peuvent davantage se concentrer sur la relation client

Et puis, surtout, l’impact est très important pour les collaborateurs. Les gestes répétitifs ont été réduits. Les bacs, rigides et empilables, facilitent aussi la mise en rayon. En magasin, nos équipes gagnent du temps et peuvent davantage se concentrer sur la relation client.

Justement, comment les équipes ont-elles accueilli ce changement ?

L’accueil a été positif, notamment parce que le projet a été expliqué et co-construit depuis le début. Cette transparence fait partie intégrante de l’ADN de Vertbaudet. Il faut savoir que certains collaborateurs ont plus de 20 ans d’ancienneté : il fallait donner du sens, accompagner le changement et intégrer les retours terrain. Il reste quelques points techniques à régler sur l’entrepôt mais globalement tout s’est bien déroulé.

Et pour la suite, quelles sont vos priorités ?

Nous croyons profondément en notre logistique internalisée. Ce n’est pas à la mode je sais, mais nous assumons ce choix. Donc nous continuerons de progresser et d’investir dans notre logistique. Je vais d’ailleurs vous raconter une anecdote. Lorsque Mathieu Hamelle, le PDG de l’entreprise, m’a contacté il y a trois ans pour rejoindre Vertbaudet, il m’a dit : « écoute Nicolas, je crois en notre outil logistique et je veux que notre logistique existe davantage dans l’ensemble de nos décisions stratégiques ». C’est en partie ce qui m’a fait venir chez Vertbaudet.

Quelques exemples de transformations ces dernières années, hormis la mise en place des nouveaux avec les magasins ?

Nous avons beaucoup investi ces dernières années, un montant à sept chiffres… Lorsque je suis arrivé, j’ai diagnostiqué l’outil et j’ai mis en place de nouveaux process sur les réapprovisionnements, les expéditions, etc. Puis, lorsque nous avons estimé que nous avions les bonnes bases de travail, nous avons travaillé à l’amélioration continue. J’ai désormais un comité logistique constitué de huit personnes qui m’épaule tous les jours sur l’ensemble de nos opérations. Nous avons mené par exemple un chantier sur les conditions de travail au niveau de nos retours et sur les flux. Avec un investissement associé de 100 000 euros.

Nous avons aussi déployé des bras télescopiques (150 000 euros d’investissement), et mis en place une activité de pick and pack pour nos commandes web unitaires (de plus en plus nombreuses) avec de nouveaux chariots de prélèvement. L’ensemble des prélèvements a par ailleurs été digitalisé. Nous avons aussi investi dans nos outils IT car nous subissions trop de ruptures de traitement. Et puis, nous avons également réaménagé les espaces extérieurs, notamment au niveau des parkings et des accès du site. Ce n’est peut-être pas grand-chose pour certains, mais pour moi ça compte : nous avons un bel entrepôt logistique, agréable.