Stratégie supply

Le groupe Printemps réorganise son approvisionnement en cœur de ville

Par Guillaume Trecan | Le | Retail

Pour mieux organiser et maîtriser les livraisons quotidiennes des quelques 600 marques qui occupent son magasin du boulevard Haussmann et celles de tous ses autres magasins en France, le groupe Printemps vient d’adopter la solution de Shiptify. Explication du directeur des opérations magasins, Arnaud Lenoir.

Le Printemps Haussmann, un magasin de 45 000 m2 sans quai de chargement. - © ManuelBougot
Le Printemps Haussmann, un magasin de 45 000 m2 sans quai de chargement. - © ManuelBougot

Livrer quotidiennement un magasin de 45 000 m2 en plein Paris sans quai de chargement, tel est le défi relevé par Arnaud Lenoir, le directeur des opérations du Printemps et ses équipes. Pour y parvenir une règle de centralisation est appliquée aux marques qui commercialisent leurs produits depuis le Printemps Haussmann. Leurs marchandises passent en cross-docking par l’entrepôt du Printemps à La Houssaye-en-Brie (77) et sont livrées de nuit.

Arnaud Lenoir, directeur des opérations magasins. - © D.R.
Arnaud Lenoir, directeur des opérations magasins. - © D.R.

Tout cela était organisé d’une manière très empirique, via fichiers Excel, e-mails, appels téléphoniques

Seulement, aussi rationnelle soit-elle, il reste difficile d’imposer une règle commune à certaines grandes maisons du luxe qui commercialisent leurs produits depuis le Printemps. « Les 10 % de livraisons qui restent effectuées en direct par les fournisseurs représentent un volume très important, étant donné la taille du magasin », relève Arnaud Lenoir. De gros volumes et une source de désordre potentiel importante pour les équipes logistiques, car ils sont livrés de 7 heures à 15 heures, avec des prises de rendez-vous par mail et par téléphone gérées sur tableau Excel. « Tout cela était organisé d’une manière très empirique, via fichiers Excel, e-mails, appels téléphoniques, et consommait beaucoup d'énergie et de temps », confirme Arnaud Lenoir.

La responsabilité de la prise de rendez-vous laissée aux marques

Pour y remédier, le directeur des opérations du Printemps, s’est tourné vers Shiptify, une solution de TMS a priori destinée aux entrepôts, mais qui rationnalise la prise de rendez-vous avec les livreurs. Lancée mi-mai 2022 au Printemps Haussmann et au Printemps Nation, elle a ensuite été testée par les douze autres magasins Printemps et du groupe en province en Île de France, avant une adoption complète en mars.

Pour les livreurs aussi, les choses sont simplifiées car ils ont accès à leur planning, reçoivent une alerte et organisent mieux leur tournée

A présent, les marques et les transporteurs prennent rendez-vous de manière autonome dans l’outil, en fonction d’un planning mis à jour en temps réel. Le gain de temps est très important pour les équipes logistiques en magasin qui n’ont plus à justifier leur préconisation de créneau aux marques et ont moins tendance à accepter les livraisons sans rendez-vous. Organisées de manière indiscutable et rationnelle, les livraisons sont moins chaotiques sur le terrain. « La prise de rendez-vous par e-mail et par téléphone, l’attente d’une réponse prenaient beaucoup de temps. Pour les livreurs aussi, les choses sont simplifiées car ils ont accès à leur planning, reçoivent une alerte et organisent mieux leur tournée. L’outil permet même, pour les transporteurs de messagerie, qui viennent régulièrement d’avoir un rendez-vous fixe chaque jour », explique Arnaud Lenoir.

Une meilleure traçabilité des flux

Le bénéfice de l’adoption de cette solution de prise de rendez-vous se retrouve également sur le plan de la traçabilité. Grâce à la solution de Shiptify, les équipes réception d’Arnaud Lenoir peuvent générer un bon de livraison papier à faire signer aux transporteurs. Archivé dans l’outil, il est opposable en cas de doute. « Il est très important de nous assurer que la livraison a été correctement effectuée car les marchandises livrées en direct sont des produits de haute valeur », insiste Arnaud Lenoir.

Au-delà d’une facilitation de la gestion opérationnelle des livraisons, le nouveau système adopté par le Printemps permet à Arnaud Lenoir de bénéficier de données fiables sur les volumes livrés et les marques destinataires de ces livraisons. « Cela nous permet d’agir auprès des marques qui ne devraient pas nous livrer en direct », explique Arnaud Lenoir.

Ces livraisons directes sont à la fois demandées par la joaillerie Printemps et par les marques qui occupent le magasin par refus de centraliser pour des produits de luxe, pour des raisons d’urgence commerciale, ou encore d’échange entre boutiques ou par choix. « En cas d’urgence commerciale, nous acceptons des livraisons directes et nous pouvons maintenant les entrer dans le système de livraison », indique le directeur des opérations du Printemps. Pour les marques qui disposent d’autres boutiques, il peut aussi y avoir une logique de tournée qui justifie d’inclure le magasin du Printemps dans le service d’un livreur.

Maîtriser les dérives par rapport à la règle de centralisation

Mais le défaut de traçabilité et de maîtrise de la prise de rendez-vous, a inévitablement favorisé les dérives, comme le montre la situation des magasins du réseau. « Les volumes concernés étant plus faibles qu’au Printemps Haussmann, nous ouvrions un créneau beaucoup plus court d’une heure à une heure et demie et nous avions tendance à ne plus organiser les livraisons. De fait, certaines marques qui doivent passer par la livraison centralisée en profitaient pour nous livrer en direct », reconnait Arnaud Lenoir.

Cela va nous permettre de maîtriser les volumes qui rentrent en direct, d’estimer ce qui est normal et ce sur quoi nous devons agir

Dans le réseau, les livraisons directes représentent environ 20 % du total. Ce qui se justifie notamment par le fait que certaines marques n’ont pas intérêt à repasser par la région parisienne pour être livrées. Mais avec le système de prise de rendez-vous de Shiptify, il est désormais plus simple de refuser les livraisons imprévues. « Cela va nous permettre de maîtriser les volumes qui rentrent en direct, d’estimer ce qui est normal et ce sur quoi nous devons agir avec nos collègues de la logistique ou des achats pour réduire les mauvaises pratiques », anticipe Arnaud Lenoir.

Nous avons près de 600 marques au Printemps Haussmann, si chacune d’entre elle livre à sa manière, cela nécessite une place et une organisation que nous n’avons pas

« Notre objectif est d’être le plus possible livrés de manière centralisée, rappelle le directeur des opérations. Nous avons près de 600 marques au Printemps Haussmann, si chacune d’entre elle livre à sa manière, cela nécessite une place et une organisation que nous n’avons pas. Nous ne devons pas consommer des ressources de l’entreprise sur ces missions de backoffice. Nous avons beaucoup d’autres missions en logistique à forte valeur ajoutée pour le magasin que nous allons avoir le moyen de traiter de manière beaucoup plus efficace : entrées et sorties centralisées, inventaire des stocks en magasin, fiabilité des stocks pour l’e-commerce… »

Une conduite du changement indispensable sur le terrain

Dernière avantage, et non des moindre, de cette nouvelle manière de fonctionner : mettre un outil moderne et fonctionnel dans les mains des opérateurs. « Nous avons augmenté la qualité du travail de ces personnes qui subissaient un fort stress du fait de ces allers et venues de livreurs », rappelle Arnaud Lenoir.

Cela ne s’est toutefois pas fait sans un travail d’accompagnement au changement pour ces équipes qui n’étaient pas habituées à avoir des outils digitaux dans les mains. « Nous avons pu mettre en avant notamment le fait que faire signer les bons de livraison aux livreurs les sécurise. Avec cet outil, ils ont aussi le moyen d’alerter sur leur pic de charge et de demander de l’aide ». Sur la centaine de logisticiens travaillant dans les équipes d’Arnaud Lenoir, une trentaine a ainsi été formée à distance par petits groupes de manière répétées parmi la centaine de personnes en charge de la logistique sous la responsabilité d’Arnaud Lenoir.