Cocorico : quand la logistique devient l’arme secrète du Made in France
Née en 2016 d’un simple sous-vêtement masculin, la marque d’habillement Cocorico est devenue en moins de dix ans une référence du Made in France. Avec 15 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024 et une croissance record, l’entreprise familiale bordelaise incarne un textile durable, local et accessible, porté par une supply chain française exemplaire.

C’est l’histoire d’une sacrée réussite, d’une belle success story. Depuis sa sortie de terre en 2016 et le lancement d’un sous-vêtement pour homme - qui demeure un de ses produits emblématiques aujourd’hui, Cocorico a changé de dimension, au sens propre comme au sens figuré. Fort de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires et de 700 000 produits vendus au cours de son dernier exercice, la marque de vêtements responsable sort d’une année 2024 record. L’entreprise bordelaise, qui devrait dépasser la barre symbolique du million de pièces vendues en 2025, revendique même le rang du plus gros fabricant de vêtement Made in France. Rien que ça.
Fondé par Arthur Charle, son frère Tom et sa sœur Coline, Cocorico.store assure avoir régulièrement touché au moins 600 000 personnes à l’aube de ses dix ans. Des clients actifs tous séduits par les plus de 7 000 références toutes fabriquées en France proposées par la marque, dont l’ambition est simple : incarner un renouveau du textile ; un textile propre, respectueux des normes sociales et environnementales en vigueur. Arthur Charle ne le cache pas d’ailleurs, Cocorico a été pensé dans un seul but : proposer des pièces de mode locales, durables donc et surtout accessibles au plus grand nombre. « Notre objectif de départ a été de rendre accessibles les vêtements fabriqués en France. Et il persiste. Produire en France présente beaucoup d’intérêt et de force, pour la planète bien entendu tant l’industrie de la mode est une des plus polluantes au monde, mais aussi parce que cela permet de maintenir et développer une partie du tissu économique local », confie Arthur Charle avant de poursuivre. « Mais si personne n’a les moyens de s’acheter des vêtements fabriqués en France, personne ne les consommera. Comment alors profiter d’effets volume, sachant que notre impact est automatiquement généré par le volume que l’on peut brasser ? » L’équation n’est évidemment pas simple à résoudre, mais avec un modèle industriel bien pensé, Cocorico a réussi son pari.
Pour toucher du doigt son objectif, la marque s’est notamment appuyée et s’appuie sur une supply chain extrêmement performante et un réseau de production passé en cinq ans de moins de dix usines à 38 usines partenaires, toutes françaises, incluant tricoteurs, confectionneurs, et autres spécialistes de la teinture et de la coupe dont il opère la chaîne de production. Les matières sont tricotées entre Moreuil dans la Somme, Ferdrupt dans les Vosges et Troyes dans l’Aube. Les produits sont quant à eux confectionnés en grande partie à Roubaix dans le Nord. Seul le coton est sourcé en Grèce, la production française étant insuffisante.
Chaque année, le groupe, qui emploie désormais une quarantaine de personnes, enregistre une croissance de 40 % en moyenne. Une progression saisissante qui témoigne de la solidité de son plan de développement. Cocorico est aujourd’hui un ovni de son milieu. La marque, qui a longtemps uniquement misé sur la vente en ligne, va d’ailleurs désormais s’ouvrir à des boutiques partenaires indépendantes avec une sensibilité similaire à la sienne.
Marge limitée et flux tendu
Cette stratégie du juste à temps et de roulement en matière d’approvisionnement a été plus qu’avantageuse, même si elle demande une organisation très pointue et d’affiner autant que faire se peut ses forecast
Cocorico ne fait rien comme les autres. En plus d’avoir décidé de ne prendre qu’une marge limitée pour faire perdurer son modèle, la marque tient à s’approvisionner en flux tendu afin de limiter ses stocks, mais aussi et surtout ses invendus. Un choix qui s’est avéré payant du point de vue économique, mais qui n’aurait sans doute pas été envisageable si Cocorico ne produisait pas en France. « Dès le premier jour de notre activité, nous avons convenu d’internaliser notre logistique et donc la préparation et l’expédition des commandes, mais aussi le service clients. Par ailleurs, cette stratégie du juste à temps et de roulement en matière d’approvisionnement a été plus qu’avantageuse, même si elle demande une organisation très pointue et d’affiner autant que faire se peut ses forecasts », explique Arthur Charle. Cocorico a ainsi mis sur pied un outil afin de les peaufiner en fonction d’un histoire M-1, voire S-1. « Nous avons, par notre activité d’e-commerçant, énormément de données à notre disposition, ce qui nous facilite la vie », note Arthur Charle. À titre d’illustration, en octobre 2024, alors que s’abattait une vague de chaleur sur bon nombre de terres de France et de Navarre, Cocorico a rapidement baissé sa production de pulls et accéléré sa production de t-shirts, tandis que nombre de boutiques commençaient à mettre en rayons des doudounes et autres col roulés, car elles les avaient commandées quelques mois auparavant.
Toutes ces décisions structurant viennent in fine traduire l’envie des cofondateurs d’assurer un niveau de service de haute qualité. « Nous sommes e-commerçants et il nous semblait fondamental d’offrir un excellent niveau de service en tout point. Nous avons estimé que nous étions les seuls à pouvoir l’offrir », expose Arthur Charle. Autre élément de taille : la volonté de l’entreprise de maîtriser les process et la chaîne de bout en bout dès ses débuts pour limiter les coûts sur le temps long. « Comme cela, nous avons pu investir au fur et à mesure sur nos moyens et notre asset logistiques. Internaliser ce poste quelques années après notre naissance nous aurait beaucoup coûté en temps, en énergie et en cash », estime le cofondateur. Ce modèle peut paraître quelque peu contre-intuitif pour certains, mais il s’est imposé naturellement dans l’esprit des patrons du jeune donneur d’ordre français.
« Il s’est avéré que c’est un élément d’économie extrêmement important. Vous n’avez face à vous aucun tiers qui marge, de fait, vous réduisez un poste de dépense. Par ailleurs, si vous parvenez à maîtriser votre niveau de service, vous êtes en mesure d’influer positivement sur la courbe des taux de retour en la faisant chuter. Cela vous oblige évidemment à gagner en agilité, en adaptabilité et en réactivité, mais in fine, vous y gagnez », assure Arthur Charle.
Qualité et niveau de service n’en ont été que renforcés, au point où la logistique s’est même révélée comme un levier marketing presque insoupçonné. « En contrôlant la préparation de commandes et les expéditions, nous avons pu introduire des éléments de personnalisation : une petite étiquette, un petit mot, ou même un texte expliquant l’histoire de la marque sont introduits dans nos colis. Sans internalisation de la logistique, il n’est pas certain que nous aurions pu aussi bien faire connaître notre marque et accroître l’expérience client », soutient Arthur Charle. Les erreurs d’expéditions, pourtant si courantes dans le secteur, sont quasi-nulles chez Cocorico. « Un logisticien externalisé n’aurait sans doute pas pu gérer 7 000 à 10 000 références, en y ajoutant la complexité induite par les tailles et couleurs des produits, de façon totalement optimale », garantit Arthur Charle.
Un entrepôt de 2 000 m2 pour orchestrer une mécanique de précision
L’entreprise bordelaise s’est dotée d’un entrepôt logistique dans le Lot, l’autre berceau familial. Toutes les pièces vendues par Cocorico sont traitées dans cet ancien corps de ferme délabré, totalement réhabilité, adapté et optimisé à l’activité du groupe. Situé sur un bel espace, le bâtiment d’une surface d’environ 2 000 m2 effectif couvre la production propre (qui représente 10 % des produits vendus), le stockage et l’expédition. Il pourra, si besoin, être agrandi. « Nous pourrons nous étendre le moment venu, sur ce même espace. Nous avons la capacité de grandir et d’assumer de plus gros volumes, le tout étant de le faire grandir de manière concomitante avec la croissance de nos activités », confirme Arthur Charle. Cocorico est aujourd’hui le premier employeur de sa commune, Frayssinet-le-Gélat qui compte un peu moins de 500 habitants.
Pour le moment, l’activité ne réclame pas l’introduction d’un système de mécanisation et encore moins d’automatisation. « Il n’est pas forcément aisé d’automatiser du multi-références et du multi-tailles pour une entreprise comme la nôtre ». L’entreprise traite entre 3 000 et 3 500 commandes chaque jour en moyenne, et son outil tourne en 1x8. « Nous traitons des lots de 200 commandes et nous nous y tenons, ce qui nous permet d’expédier une commande en 38 heures en moyenne en comptant les samedi et dimanche qui ne sont pas travaillés », développe Arthur Charle. Ainsi, Cocorico traite 10 à 15 lots par jour avec une efficacité redoutable.
Il nous aide à gérer nos pickings, à optimiser nos emballages, nos livraisons et commandes multiples
L’ensemble des opérations logistiques sont pilotées via la solution Shippingbo, développé par un éditeur toulousain et interfacé au Shopify en ligne de Cocorico. « C’est un outil simple, mais très complet. Il nous aide à gérer nos pickings, à optimiser nos emballages, nos livraisons et commandes multiples », présente Arthur Charle. Pour assurer la livraison de ses produits, Cocorico s’est rapproché de Colissimo. La marque du groupe La Poste poursuit la décarbonation de ses livraisons en accélérant le verdissement de son parc et s’inscrit complètement dans la démarche de Cocorico. La collecte est effectuée par des camions porteurs faibles émissions, tandis que livraison du dernier km est réalisée par des véhicules électriques pour l’essentiel.
Aujourd’hui, un colis sur deux de Cocorico traité par Colissimo est livré en J+1. Colissimo participe très largement à maintenir à un niveau élevé notre qualité de service
« Internaliser notre logistique nous a permis de discuter directement avec le tiers transporteur. C’est un atout incroyable. Aujourd’hui, nous sommes extrêmement proches de Colissimo auprès de qui nous réalisons l’écrasante majorité de nos volumes. », se réjouit Arthur Charle. Pour remédier à l’absence de lieux de collecte aux alentours de son entrepôt, Cocorico a mis en place un système de collecte dédiée avec injection directe sur la plateforme Colissimo de Brive. Un moyen de répondre aux attentes des clients, qui, pour certains, tiennent toujours à être livrés rapidement. « Aujourd’hui, un colis sur deux de Cocorico traité par Colissimo est livré en J+1, précise Arthur Charle. Colissimo participe très largement à maintenir à un niveau élevé notre qualité de service. » Un travail sur l’emballage a également été effectué avec Colissimo pour limiter au maximum les vides transportés.
Un espoir : 100 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2030
Dans un environnement concurrentiel très fort et qui se renouvelle très rapidement, l’offre de Cocorico a, ces dernières années quelques, connu de nombreux développements et montées en gamme, avec notamment l’arrivée à l’été 2025 d’une gamme en lin, matière produite quasi exclusivement en Europe, et en particulier en France. Et ce à un prix toujours aussi compétitif ! « Nous lançons entre 30 et 40 références par an. Logistiquement, c’est évidemment un vrai challenge pour une petite entreprise comme la nôtre d’optimiser le stockage, le picking … Mais nous sommes toujours en mesure de proposer des produits à des prix extrêmement compétitifs, du boxer à 9,90 euros et un t-shirt à 19,90 euros … Aujourd’hui, nous pouvons habiller, hommes et femmes, des pieds à la tête pour moins de 100 euros », se félicite le directeur général.
Cet exploit perpétuel est accompli sans ligne hiérarchique établie. En somme, les personnes qui pensent les stratégies (parmi lesquelles supply chain) sont celles aussi qui les mettent en œuvre. L’exigence en est rehaussée, mais chacun se sent responsabilisé. « Notre défaut de compétences au départ a été une force et nous a poussés à nous former. Nous avons regardé chaque sujet avec un œil neuf, sans biais d’expérience ; chercher des solutions », indique Arthur Charle. Lui, son frère et sa sœur n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin. C’est sur toute cette philosophie mise en place que l’entreprise compte grandir. Et des rêves, la marque de vêtements en a plein la tête. À l’horizon 2030, le groupe vise pas moins de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. La logistique, elle devra continuer à suivre …