Stratégie supply

Rexel : « Notre supply chain est un outil de conquête commerciale »


Alexandre Kasmi est le directeur supply chain de Rexel France, distributeur de produits liés à l’énergie à destination des professionnels du bâtiment. Il explique comment le groupe a fait de la performance de sa supply chain un argument différenciant majeur vis-à-vis de ses concurrents.

Alexandre Kasmi, directeur supply chain de Rexel France. - © D.R.
Alexandre Kasmi, directeur supply chain de Rexel France. - © D.R.

Que représente la supply chain de Rexel en France ?

Nous sommes spécialisés dans la distribution de produits liés à l’énergie. Nous fournissons tout ce dont les professionnels - de l’artisan à la grande entreprise - ont besoin pour leurs chantiers. Nous avons une gamme de produits très large qui va de la distribution d’énergie jusqu’aux aux automatismes, la gestion de l’énergie, le chauffage, la climatisation, les câbles, le photovoltaïque, etc. Nous sommes présents dans plusieurs pays et nous réalisons 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 3,5 milliards d’euros en France où nous employons environ 5 000 personnes. Nous disposons d’environ 450 agences en France et 40 % de nos ventes se font en ligne.

Pour soutenir tout cela, nous nous appuyons sur une supply chain d’environ 1 000 personnes (dont 850 sur la logistique) et gérons un stock global d’une valeur de 400 millions d’euros environ. Nos dix centres logistiques maillent le territoire et traitent 100 000 lignes de commandes chaque jour en moyenne. Ils stockent entre 35 000 et 40 000 références, tandis que les agences ont une capacité de 4 000 références en moyenne.

Nous avons lancé un service de livraison en deux heures disponible aujourd’hui en région parisienne, à Lyon et Marseille et demain à Lille, Toulouse, Bordeaux et Nantes

Pour un distributeur, la performance de l’ensemble de la supply chain est essentielle. La qualité et la rapidité de la livraison, notamment, représentent des atouts différenciants par rapport aux concurrents. Quels sont vos arguments sur ce point ?

Tout à fait, c’est un point majeur. Et nous y sommes particulièrement vigilants. Nous assurons des livraisons en J+1 : une commande passée jusqu’à 18 heures (ou même 20 heures en Île-de-France) sera livrée le lendemain, soit à une adresse donnée (un chantier potentiellement), soit directement dans l’agence. Nous avons aussi lancé un service de livraison en deux heures disponible aujourd’hui en région parisienne, à Lyon et Marseille et demain à Lille, Toulouse, Bordeaux et Nantes. Ces livraisons sont assurées par des prestataires avec des véhicules électriques ou des vélos, pour des besoins urgents. Ce service s’adresse principalement à des artisans intervenant en zones urbaines. Ils n’ont pas la capacité de stocker tous leurs produits et ont besoin que nous livrions exactement au moment où ils en ont besoin pour leur chantier, en gros ou en petit volume. Nous jouons le rôle de stock avancé : si un produit est nécessaire à 14 heures, il est livré à 14 heures… Cette capacité à livrer très vite, en deux heures ou en une journée, constituent effectivement de vrais arguments commerciaux. Aucun de nos concurrents n’est aussi pointu sur ce point.

Comment avez-vous rendu possible une telle réactivité ?

Le maillage que nous avons constitué avec nos agences et nos dix centres logistiques représente une vraie force. Il permet à chaque plateforme de se concentrer sur un rayon de livraison de 300 kilomètres en moyenne. Cette organisation est déjà ancienne, en revanche, nous avons opéré quelques adaptations et changements ces dernières années. Nous avons notamment agrandi le centre de Nantes en 2023. Nous avons aussi fait migrer certains centres vers de nouveaux bâtiments. Par exemple, celui de Miramas à Saint-Martin-de-Crau en 2023 et celui de Saint-Vulbas dans l’Ain a été déplacé en 2022 à Miribel en périphérie lyonnaise. Il s’agit d’ailleurs de notre plus importante plateforme logistique. La performance de ces centres logistiques est un point clé dans la performance globale de Rexel France. Elle passe notamment par la mécanisation.

A Miribel, près de Lyon, Rexel a ouvert sa plus grande plateforme en 2022. - © D.R.
A Miribel, près de Lyon, Rexel a ouvert sa plus grande plateforme en 2022. - © D.R.

Justement, parlons de votre plus importante plateforme, celle de Miribel en région lyonnaise qui a ouvert donc en 2022 et qui a été la première à être mécanisée.

Le bâtiment que nous avions avant 2022 à Saint-Vulbas avait des problématiques que nous ne pouvions pas régler. Nous avons choisi cette implantation à Miribel, avec un site de 36 000 m² (contre 25 000 m² auparavant) pour permettre le développement commercial de Rexel et tester la mécanisation. 150 collaborateurs sont affectés à ce site.

Nous y avons installé l’un des plus grands auto-stores de France, avec 55 000 bacs, 14 ports de préparation, en partenariat avec Swisslog. L’auto-store représentait une piste très intéressante car 50 % de nos flux sont constitués de petits produits, parfaitement adaptés aux bacs. L’ensemble du projet a représenté un investissement de 16 millions d’euros dont neuf millions pour la mécanisation.

La mécanisation a considérablement amélioré la productivité et la qualité

Quels résultats après trois ans de mise en service ?

La mécanisation a considérablement amélioré la productivité et la qualité. Nous avons réduit la dépendance aux ressources humaines, doublé ou triplé la capacité de stockage, et nous pouvons traiter 15 000 lignes de commandes par jour contre 10 000 auparavant. Globalement, cela a permis d’accélérer les flux, de stocker plus de références sur un espace réduit et de garantir des cut-offs tardifs pour le web (jusqu’à 19 heures, livraison le lendemain). Cela permet de fournir un service supérieur à la concurrence.

Cette première automatisation est donc un galop d’essai réussi pour Rexel France ?

Oui ! Pour être tout à fait exact, nous avions déjà depuis 2020 un centre à Saint-Ouen (Île-de-France), équipé d’un auto-store mais beaucoup plus petit, de 18 000 bacs. Il est dédié au service de livraison sous deux heures sur Paris et sa périphérie. La plateforme de Miribel a néanmoins constitué une étape fondatrice sur ce sujet. Nous allons à l’avenir déployer cela sur nos autres plateformes françaises. D’autres pays se sont d’ailleurs déjà inspirés de notre expérience en la matière : l’Angleterre, la Belgique etc.

Sur quels autres leviers travaillez-vous aujourd’hui pour booster encore la performance de votre supply chain ?

Il y a cinq ans, nous avions réalisé une étude de notre schéma directeur qui nous avait amené à repenser nos flux, en partant de la promesse client. Nous avions réajusté notre stratégie de stockage, nous avions créé notre service de livraison en deux heures, etc. Ces nouveaux adressages de flux nous amènent aujourd’hui à nous intéresser à de nouveaux outils.

Nous sommes en train de finaliser un nouvel outil de procurement (Relex), sur lequel nous travaillons depuis 2024 et dont le déploiement est prévu pour le deuxième trimestre 2026. Il intègrera de l’IA et du machine learning : il nous permettra d’améliorer nos flux et de peaufiner nos forecasts. Je pense que nous pouvons améliorer d’au moins un point nos OTIF. De plus, ce nouvel outil permettra à nos approvisionneurs de se concentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée.

Par ailleurs, nous allons faire migrer notre WMS vers Reflex, la solution d’Hardis. Nous utilisions depuis vingt ans un logiciel maison mais il n’est plus aujourd’hui suffisamment performant. Ce nouveau WMS, qui sera mis en place sur tous nos sites d’ici trois à quatre ans, nous apportera des fonctionnalités plus poussées.

En synthèse, quelle est votre ambition pour votre supply chain désormais ?

Mon objectif est d’assurer une réactivité maximale, d’offrir une grande diversité de produits, des services différenciants et d’accélérer les flux pour intégrer rapidement les nouveautés produits. La supply chain est un outil de conquête commerciale : elle traduit concrètement la promesse faite au client.