Picnic : « Notre mission, c’est d’être présents partout »
Grégoire Borgoltz, directeur des opérations de Picnic France, fait le point sur la croissance et les ambitions de l’enseigne. Couverture quasi complète de l’Île-de-France, IA appliquée à toute la chaîne logistique et objectif d’expansion nationale : le modèle du distributeur en ligne néerlandais continue d’avancer à son rythme.
Vous venez de finaliser votre implantation en Île-de-France. Où en est Picnic aujourd’hui ?
Aujourd’hui, notre implantation est quasiment complète : nous sommes là où nous voulons être. Il reste peut-être un endroit où nous pourrions nous implanter, autour d’Issy-les-Moulineaux, Boulogne ou Vanves, mais on considère que 95 % du travail est fait. Certaines zones comme Saint-Denis ne sont pas adaptées à notre modèle : ce sont des villes trop verticales, avec beaucoup d’immeubles sans ascenseur : le modèle ne fonctionne pas là-bas. Nous ne livrons pas encore dans Paris intra-muros mais cela viendra sûrement : nous livrons déjà au cœur de Berlin, Cologne, Düsseldorf ou Amsterdam.
Vous disposez aussi de plusieurs hubs logistiques dans les Hauts-de-France. Quel bilan tirez-vous de ces premiers sites ?
Nous livrons à J +1 avec nos véhicules électriques et tous nos livreurs sont en CDI. Nos entrepôts ne sont pas en centre-ville, ce ne sont pas des dark stores installés dans des parkings, mais de véritables entrepôts de 1 500 à 3 000 m². Ce sont des entrepôts de dispatch : on reçoit les courses déjà préparées depuis notre centre de préparation, puis elles sont envoyées vers nos hubs de livraison. Il n’y a donc aucune préparation sur place.
Nous livrons à J + 1 sur un rayon d’environ dix kilomètres, donc nous n’avons pas besoin d’être au cœur des villes.
Ces nouvelles implantations ont-elles fait évoluer votre organisation et vos coûts logistiques ?
Oui, bien sûr. Les loyers en périphérie sont beaucoup plus faibles que dans les centres-villes, ce qui nous permet d’être plus efficaces et de maîtriser nos coûts. Nous livrons à J + 1 sur un rayon d’environ dix kilomètres, donc nous n’avons pas besoin d’être au cœur des villes. Cela nous offre une vraie souplesse d’organisation. Comme nous ne préparons pas les commandes dans les hubs, tout est centralisé, ce qui simplifie beaucoup la logistique et réduit le besoin en main-d’œuvre sur site. C’est un modèle qui nous permet d’accompagner notre croissance sans explosion des coûts.
Vos capacités logistiques sont-elles aujourd’hui pleinement utilisées ?
Dans le Nord, on pousse un peu les murs : nos hubs tournent à plein régime, et c’est vraiment encourageant de voir des sites ouverts il y a quatre ans continuer à croître à ce rythme. En Île-de-France, nos hubs ne sont pas encore contraints, mais notre centre de préparation commence à l’être. Nous réfléchissons donc à ouvrir d’autres centres de préparation de commandes, peut-être en Île-de-France, peut-être dans le Nord. Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons activement.
En termes de croissance, où en êtes-vous aujourd’hui ?
Par rapport à l’année dernière, on a connu une croissance d’environ 40 %, ce qui est au-dessus de nos prévisions. Et cette croissance est essentiellement organique : elle vient des clients déjà présents dans nos villes actuelles, qui commandent plus souvent. On aurait aimé aller un peu plus vite sur l’expansion parisienne, mais le manque d’entrepôts dans l’ouest francilien a ralenti le déploiement. On vient justement d’en trouver un à Bezons, près de Nanterre, ce qui va nous permettre de finaliser notre maillage francilien.
On fait les courses pour nos clients et on les livre gratuitement à leur porte.
Le marché français de la livraison à domicile est très concurrentiel. Comment Picnic se positionne-t-il face aux acteurs historiques et aux pure players ?
Ce n’est pas tant le marché de la livraison à domicile qui est concurrentiel que celui de la grande distribution. Finalement, des pure players comme nous, il y en a peu : essentiellement La Belle Vie et nous. Dans le Nord, où nous sommes présents depuis quatre ans, nous détenons plus de 40 % du marché de la livraison à domicile. C’est une belle réussite. Mais ce marché reste encore petit, car la France est très marquée par le modèle du drive. 90 % de l’e-commerce alimentaire passe par ce canal, dont la moitié chez Leclerc. Nous nous positionnons différemment : nous faisons les courses pour nos clients et nous les livrons gratuitement à leur porte.
Vous avez présenté Picnic comme une webtech et vous dites souvent que l’intelligence artificielle est au cœur de votre logistique. Concrètement, comment intervient-elle ?
Nous sommes avant tout une tech company : au siège aux Pays-Bas, nous comptons environ 300 développeurs et 300 analystes. L’IA intervient à tous les niveaux : prévisions de ventes, préparation des commandes et optimisation des tournées. Nos algorithmes calculent en permanence le temps nécessaire pour chaque livraison en tenant compte d’une dizaine de critères : type de commande, météo, expérience du livreur, heure de la journée, etc. Cela nous permet de livrer sur des créneaux de dix minutes, ni en retard ni en avance. Chaque tournée nous rend plus précis sur la suivante.
l’IA nous aide à anticiper les besoins grâce à nos algorithmes auto-apprenants
L’IA est aussi présentée comme un levier écologique. Quels indicateurs mesurent aujourd’hui son impact sur vos livraisons et le gaspillage ?
Nous sommes bien en dessous de 1 % de gaspillage, plutôt autour de 0,5 %. Cela vient d’abord de notre modèle : nos clients passent commande avant 23 heures, et nous savons exactement combien de produits acheter pour le lendemain. Mais l’IA nous aide aussi à anticiper les besoins grâce à nos algorithmes auto-apprenants. Ils intègrent des facteurs comme la saisonnalité, les retours de vacances ou les pics de consommation. Cela nous permet d’ajuster nos achats, d’éviter les surstocks et de livrer toujours au plus juste.
L’e-commerce alimentaire pur player est souvent jugé économiquement fragile. Qu’est-ce qui fait que Picnic croit toujours en ce modèle ?
C’est vrai que c’est un modèle difficile, surtout parce que personne ne veut payer la livraison. Mais nous, on y croit parce qu’on le fait différemment. Nous avons levé environ 1,5 milliard d’euros en dix ans, mais pour construire des entrepôts automatisés et une supply chain durable, pas pour financer du marketing ou du sponsoring. Aux Pays-Bas, on est rentables depuis presque un an. En Allemagne, les régions où nous sommes implantés depuis longtemps le sont aussi. En France, on s’en approche, notamment dans le Nord, même si la transition vers un nouveau fournisseur principal a temporairement ralenti notre progression.
Quelles seront vos priorités d’investissement pour 2026 ?
Continuer à nous développer, tout simplement. Aujourd’hui, nous ne couvrons que deux régions en France : les Hauts-de-France et l’Île-de-France. Notre objectif, c’est d’ouvrir de nouveaux centres de préparation de commandes dans les grandes régions françaises (Rhône-Alpes, PACA, Nouvelle-Aquitaine ou encore la Bretagne) pour pouvoir livrer toujours plus de foyers, de façon rentable et durable. On n’a pas encore arrêté l’ordre d’ouverture, mais c’est clairement notre prochaine étape. Notre mission à long terme, c’est d’être partout.