Lidl : « C’est la simplicité de notre logistique qui fait sa force »
Gregory Podda, directeur logistique adjoint de Lidl France, a inauguré en début d’année la plus grande plateforme logistique du distributeur en France. Il liste les indicateurs de performance appliquée à ses entrepôts. Il sera grand témoin lors des Supply Days des 16 et 17 octobre sur l’atelier-débat : « #Entrepôt : sur quels KPI juge-t-on de la performance d’une plateforme logistique ? ».

Sur quoi s’est fondée la décision de construire votre entrepôt d’Ablis ?
La construction d’un entrepôt se fonde sur une étude capacitaire de l’ensemble de nos plateformes avec des projections de croissance de chiffres d’affaires à dix ans, traduites en nombre de palettes et en articles. Nous pouvons ainsi anticiper l’adaptation de nos entrepôts à nos ambitions de développement. Lorsque nous avons programmé cet investissement, nous connaissions un contexte de saturation globale sur toutes nos plateformes, imposant aux directions régionales beaucoup de locations supplémentaires.
Dans un climat aussi volatile que celui que nous connaissons aujourd’hui, comment faites-vous évoluer des projections établies aussi longtemps à l’avance ?
La construction d’une plateforme débute deux à trois ans avant son inauguration. Si la situation évolue dans ce laps de temps, on ne peut pas toucher à la coque du bâtiment, mais il est possible de jouer sur les aménagements intérieurs, par exemple ne pas utiliser toutes les surfaces dès le début, utiliser la plateforme comme un stock national, réfléchir à intégrer des flux différents.
Initialement, nous avions prévu d’ouvrir deux plateformes supplémentaires, l’une en région lyonnaise, à Reyrieux et l’autre dans les Pyrénées, à Pau. Mais, la forte croissance que nous avons connu ces dernières années s’est tassée. Ces projets sont donc pour l’instant remis en question et nous mutualisons les mètres carrés d’Ablis pour venir en aide aux régions qui manquent de surface de stockage. Cette plateforme logistique est restée une direction régionale qui livre une soixantaine de magasins, mais elle gère aussi tout le non alimentaire pour la région de Tours, elle stocke des surgelés pour d’autres plateformes en région parisienne et nous réfléchissons à la mobiliser pour venir en aide aux régions voisines.
La stratégie du groupe consiste à optimiser au maximum nos mètres carrés avant de construire ou même de louer le moindre mètre carré supplémentaire
L’instabilité des tendances de consommation complique-t-il également les projets d’automatisation ?
Quelques entrepôts du groupe sont semi-automatisés, en Espagne, en Italie, en Angleterre, en Autriche, en Allemagne, mais nous n’avons pas réussi pour l’instant à trouver un modèle spécifique à la France. La stratégie du groupe consiste à optimiser au maximum nos mètres carrés - à la fois dans les flux et dans la gestion de nos stocks - avant de construire ou même de louer le moindre mètre carré supplémentaire.
Le fait est, également, que la modification d’une simple variable peut remettre en cause un choix d’automatisation. C’est un phénomène que nous avons pu vérifier lorsque nous avons étudié l’automatisation de la logistique inversée du non-alimentaire. Lorsque vous traitez du textile, vous n’avez pas besoin du même équipement que lorsque vous traitez des appareils électro-ménagers. L’évolution des comportements de vente peut donc bousculer ces paramètres. Si vos flux sont assez importants pour être automatisés, vous devez quand même réserver une partie de l’entrepôt à des process plus manuels. En ce sens, c’est la simplicité de notre logistique qui fait sa force.
Quels KPI utilisez-vous pour évaluer sa performance ?
Nous utilisons deux indicateurs macros pour évaluer la performance de nos entrepôts : les frais de personnel et les coûts de transport, qui sont les deux principales composantes de notre coût logistique. Plus en détail, nous suivons sa performance en nombre de colis traités par heure, sur l’ensemble de l’entrepôt et par secteur.
Concernant le transport, nous suivons principalement le taux d’utilisation des camions sur une journée, ainsi que les taux de remplissage pour des considérations de RSE. Chaque poids lourd qui part de notre plateforme doit par exemple être rempli avec un minimum de 33 palettes.
En lien avec les responsables de maintenance et de sécurité sur site, le service immobilier challenge quant à lui les KPIs liés à l’immobilier.
Quels sont les grands leviers à votre disposition pour réduire les coûts sur vos plateformes logistiques ?
Notre principal levier reste la réduction des stocks. En réduisant les stocks, nous avons réduit nos flux. Nous avons aussi réduit nos débords et le recours à des entrepôts externes.
Mais pour évaluer le coût d’un entrepôt, il faut aussi prendre aussi en considération le coût global entre immobilier, frais de personnel et transport, au regard de l’ensemble de notre schéma logistique. Nous séparer d’un entrepôt peut en effet impliquer des surcoûts importants en frais de personnel et en transport. C’est dans cette logique que la mutualisation est un levier puissant.
Nous travaillons depuis des années à améliorer les conditions de travail
Quels sont vos leviers de performance dans la gestion des ressources humaines ?
Nous employons entre 250 et 300 personnes sur chacune de nos 26 plateformes logistiques. Dans les frais de personnel, nous intégrons la productivité et des indicateurs purement RH tels que le turn over, l’accidentologie, etc. Nous travaillons depuis des années à améliorer les conditions de travail. Nous avons modernisé nos entrepôts. La clé du succès se trouve surtout dans la qualité du management et les perspectives.
Comment pondérez-vous le coût des plateformes avec les investissements RSE ?
Beaucoup d’investissements RSE ont un ROI, par exemple celui que l’on peut calculer sur un camion électrique. Les efforts en matière de RSE peuvent aussi être intégrés dans notre fonctionnement, imposés par la réglementation - par exemple les ZFE - ou bien dictés par les orientations stratégiques de notre maison-mère. C’est le cas de l’électrification du transport comme de la limitation du plastique dans nos emballages. Nous allons ainsi entamer une démarche chez Lidl France l’année prochaine pour obtenir une labellisation Zero Waste et nous avons pour objectif de faire en sorte que 95 % de tous nos déchets soient recyclés, ce qui est actuellement le cas pour un peu plus de 92 % de nos déchets. Cela implique des plans d’action sur le tri de nos déchets en supermarché et sur nos plateformes. Cette démarche a aussi un ROI, étant donné le coût de traitement du déchet industriel banal et les taxes afférentes.
Nous sommes propriétaires de 24 de nos 26 plateformes
Quel est l’impact de l’évolution de la conjoncture immobilière sur votre stratégie ?
Nous sommes propriétaires de 24 de nos 26 plateformes. Nous subissons toutefois les effets négatifs de la conjoncture immobilière sur un point : elle freine la re-commercialisation des mètres carrés de débord que nous avions en location avec des baux de trois, six ou neuf ans.