Stratégie supply

Carrefour France : « La supply chain est une formidable opportunité d’aller très vite et plus haut »

Par Mehdi Arhab | Le | Retail

Promu directeur supply chain de Carrefour en France au début de l'été, Mourad Bensadik nous présente les grandes lignes de sa feuille de route. Il évoque également l’importance de la digitalisation et soutient des projets d’automatisation qui participent à l’amélioration des conditions de travail des collaborateurs. 

Carrefour France : « La supply chain est une formidable opportunité d’aller très vite et plus haut »
Carrefour France : « La supply chain est une formidable opportunité d’aller très vite et plus haut »

Vous étiez directeur e-commerce et opérations e-commerce France pour le groupe. Qu’est-ce que votre arrivée dit de la supply chain chez Carrefour ?

Ma nomination s’inscrit avant tout dans le travail de fond engagé ces dernières années par mon prédécesseur, Jaume Bonet Farras, notamment pour atteindre les objectifs fixés par le groupe en matière de transformation digitale et pour transformer la supply chain à l’échelle nationale. Et la feuille de route de la direction s’insère dans la logique du plan stratégique du groupe à l’horizon 2026.

Pouvez-vous nous décrire l’organisation supply chain sous votre responsabilité et évoquer les moyens logistiques qui sont à votre disposition ?

La direction supply chain regroupe près de 8 000 salariés, qui œuvrent quotidiennement au service de nos magasins. Nous comptons un peu plus de 60 sites logistiques en France, sur une surface totale de près de deux millions de mètres carrés. Certains de ces sites sont multi-températures, pour gérer nos activités alimentaires “ambiant”, “frais”, “frais fruits-légumes”, “surgelé” et non alimentaires. La moitié de ces sites sont délégués à des partenaires logistiques, l’autre moitié est opérée par nos propres moyens. Le tout représente pas loin de deux milliards de colis par an.

Carrefour est un groupe qui s’est très largement transformé depuis de nombreuses années et qui ambitionne encore de le faire. Quel rôle doit jouer la supply chain dans ce vaste projet ?

Le rôle d’une Supply Chain est de se remettre en cause perpétuellement, constamment. N’y voyez pas un défaut, mais une force. L’appropriation de la “roue de Deming”, outil de pilotage bien connu d’amélioration continue, est une composante de notre ADN. Le plan stratégique Carrefour 2026 a introduit de grandes ambitions, à la fois en termes de croissance, de compétitivité, de satisfaction clients et de RSE. Pour chacun de ces items, la supply chain répond naturellement présent. Elle est un levier fondamental pour répondre à toutes les aspirations du groupe en la matière. 

Pour continuer à faire de la supply chain un acteur performant, j’ai articulé ma feuille de route autour de « 5C ». Le premier pour croissance, le deuxième pour coût, le troisième pour clients (magasins et finaux), le quatrième pour collaborateurs et le cinquième pour carbone. Notre rôle est plus que critique pour accompagner les ambitions de croissance du groupe, sur l’ensemble des formats commerciaux de Carrefour France. La supply chain est une formidable opportunité d’aller très vite et plus haut. Pour cela, il nous faut optimiser au mieux les coûts afin de demeurer compétitifs. L’autre enjeu est lié à la notion de “free cash flow”, dans laquelle la supply chain a aussi un rôle à jouer, avec la notion de “juste stock”.

La réduction de notre empreinte carbone est un thème qui nous anime en permanence.

Par ailleurs, pour en revenir au quatrième item, nous comptons de nombreuses forces vives au sein de notre supply chain, à un moment où les pénuries de main-d’œuvre se font pressantes sur les métiers de la logistique et du transport. L’amélioration des conditions de travail, la prise en compte des dimensions RSE autour de nombreuses initiatives à destination de publics en situation de handicap ou de l’insertion professionnelle des jeunes… , sont autant de leviers qui contribuent à l’émergence d’une supply chain plus responsable, plus inclusive. Pour finir, la réduction de notre empreinte carbone est un thème qui nous anime en permanence. Nos opérations transports et logistiques sont autant de moyens et d’opportunités pour satisfaire les ambitions de décarbonation du groupe

Quelles sont vos pistes de réflexion pour animer les sujets sociaux et environnementaux auxquels le groupe s’attaque ? 

La logistique, et la supply chain plus généralement, est un terreau extraordinaire pour développer des vocations et des parcours inspirants.

La supply chain n’est pas un acteur indépendant du reste du groupe, elle s’intègre dans un environnement d’entreprise global, qui nous guide. Cet environnement nous livre énormément de bonnes pratiques et d’initiatives. Pour illustrer mon propos, j’évoque souvent « L’École des Leaders », un parcours d’excellence destiné à accélérer la promotion interne au sein de l’entreprise. C’est un formidable vecteur pour redynamiser l’ascenseur social à tous les niveaux de nos organisations. La logistique, et la supply chain plus généralement, est un terreau extraordinaire pour développer des vocations et des parcours inspirants. Beaucoup de managers et autres directeurs de sites logistiques sont issus de ce parcours de mobilité interne. Et il me tient à cœur de poursuivre sur cette voie. Le développement professionnel de nos collaborateurs au sein de l’environnement supply chain doit être une priorité et le rester.

Mais notre responsabilité ne s’arrête pas là. Nous devons offrir à chaque jeune qui en a besoin l’opportunité de découvrir les métiers de la logistique et de se développer, en leur créant de nouvelles passerelles qui leurs seraient insoupçonnées. Au-delà des nouveaux arrivants, nous devons également permettre à chacun de nos collaborateurs, d’entretenir et développer un portefeuille de compétences. Il en va de notre responsabilité, car les métiers de la logistique ont évolué, je pense notamment à celui de préparateur de commandes, qui tend à changer quelque peu dans un environnement qui se veut davantage digitalisé, automatisé. 

Sur le plan environnemental, les exemples sont également nombreux. Nous explorons plusieurs initiatives. La mise en place de panneaux photovoltaïques sur la toiture d’entrepôt chargés d’alimenter les groupes froids à température dirigée, comme ça le sera prochainement dans l’Ouest de la France ; le recours massif aux biocarburants ; l’optimisation permanente du chargement de nos véhicules et des tournées de livraison ; la livraison du dernier kilomètre en tricycle pour l’e-commerce, sans oublier le travail que nous avons mené pour améliorer continuellement nos technologies de production du froid, sont des démarches structurantes que nous avons mises en place. Elles nous ont permis de gagner en performance et, surtout, de bien concilier le volet économique et le volet écologique de notre métier. La supply chain France a effectué un travail remarquable pour aborder sereinement la trajectoire fixée par le plan stratégique du groupe. 

Vous nous présentiez le ROI de l’automatisation du site du Plessis-Pâté avec Exotec. Allez-vous dupliquer cette initiative à l’avenir sur d’autres sites ? 

Il n’est pas question d’automatiser pour automatiser, mais bien de trouver des leviers de performance tout en améliorant les conditions de travail de nos équipes. 

La mécanisation et la robotisation doivent s’inscrire dans des objectifs bien précis. Il peut être intéressant d’y recourir pour améliorer des process ciblés et/ou activités spécifiques. Il n’est pas question d’automatiser pour automatiser, mais bien de trouver des leviers de performance tout en améliorant les conditions de travail de nos équipes. 

Comme je le disais, nous devons d’abord permettre à nos collaborateurs de développer et d’entretenir un portefeuille de compétences. Nous avons à titre d’illustration, sur notre site de La Courneuve, disposé il y a quelque temps une installation mécanisée. Les équipes qui y évoluent font un métier bien différent de celui qu’ils avaient précédemment. Et cette évolution a permis d’accroître la performance du site, d’augmenter les capacités et d’améliorer sensiblement les conditions de travail.

L’automatisation engagée sur le site du Plessis-Pâté illustre bien cette approche. Nous voulions accompagner la croissance significative de l’e-commerce en Île-de-France, en centralisant et en industrialisant notre picking, tout en réduisant au strict minimum la sollicitation des magasins. Cela s’est traduit par des investissements dans une robotisation du site pour une ouverture en janvier 2020, en pleine pandémie de Covid. Ce site a donc ouvert à une période critique d’hypercroissance de la demande… qui plus est  en Île-de-France, une région importante. Cette installation permet de traiter quelque 200 000 articles par jour en picking, aussi bien en entrée qu’en sortie, ce qui constitue une très belle performance. Et les conditions de travail et l’environnement immédiat des collaborateurs ont été largement améliorés. 

Qu’en est-il de la digitalisation ? 

Les sujets liés à la digitalisation et à l’intégration d’intelligence artificielle sont clés pour rester performants et efficients. C’est aussi grâce aux solutions digitales que nous pourrons réduire considérablement le time-to-market et ainsi avoir une meilleure agilité face aux évolutions du comportement Clients. 

Cette agilité nous permet notamment d’accompagner des “formats” à très forte croissance comme l’e-commerce et la Proximité

Cette agilité nous permet notamment d’accompagner des “formats” à très forte croissance comme l’e-commerce et la Proximité. Notre supply chain a su évoluer et gagner en agilité et flexibilité. Cela est rendu possible par un schéma directeur SI adapté. Et sans un SI agile, nous serions davantage contraints, limités. La digitalisation ouvre le champ des possibles.

Concernant l’IA, nous allons, aux côtés des équipes Data du groupe, bâtir un projet qui nous offrira davantage de pertinence dans nos forecast, dans le pilotage de nos stocks, le “caring” de nos Clients, l’optimisation de nos flux (logistique et transport) ou encore dans la manière d’anticiper nos runs de productions.

La livraison autonome a fait l’objet d’un poc par Carrefour. Est-ce la solution d’avenir ?

Personne ne sait dire avec certitude quel est LE modèle de livraison des cinq, dix ou vingt prochaines années. Le Client n’étant pas “unique”, il n’y a pas un seul et unique modèle de livraison. C’est la raison pour laquelle Carrefour s’engage avec beaucoup de diligence dans de multiples tests et innovations. Je ne sais pas si la livraison autonome s’imposera demain comme une solution majeure de livraison à domicile, en revanche, j’ai la conviction que ce modèle de livraison autonome continuera à avoir sa place dans le paysage des modèles de livraison. Son accélération restera au bon vouloir unique du Client.

Un nouveau directeur e-commerce France et e-commerce Groupe Carrefour

Jusqu’ici directeur e-commerce et opérations e-commerce France pour le groupe, Mourad Bensadik a laissé sa casquette à Jessyn Katchera, ancien directeur des opérations de Google. En plus du périmètre France, ce dernier récupère le périmètre monde. Une annonce officialisée au cours du mois de septembre.