Neuf enseignes s’unissent pour structurer la décarbonation de leur scope 3
Neuf enseignes de la grande distribution ont présenté mercredi dernier à Paris le programme LESS (Low Emission System for Sourcing). Un cadre commun destiné à harmoniser les déclarations des données carbone de leurs fournisseurs et permettre enfin aux directions Achats et Supply de parler le même langage.
Le 12 novembre à Paris, neuf enseignes fondatrices - Auchan, Carrefour, Coopérative U, Groupe Casino, Les Mousquetaires, Mouvement E.Leclerc, Lagardère Travel Retail, Lidl et METRO France - ont franchi une nouvelle étape collective en officialisant le lancement de LESS (Low Emission System for Sourcing).
Porté conjointement par la FCD (Fédération du commerce et de la distribution) et Perifem (Fédération technique du commerce), ce dispositif inédit marque une rupture culturelle. Pour la première fois, la distribution française se dote d’un cadre volontaire commun pour structurer les données carbone du secteur. L’objectif : accélérer la réduction des émissions du Scope 3, qui représente à lui seul jusqu’à 96 % de leur empreinte.
Judith Jiguet, directrice générale de la FCD, l’a rappelé d’entrée : « Les distributeurs ont déjà énormément réduit leurs propres émissions, mais le Scope 3 représente quasiment tout. Aucun acteur ne peut y arriver seul. » Selon elle, partager les données, harmoniser les méthodes et construire un cadre commun devenait essentiel. Elle a également rappelé que « l’initiative avait été validée par l’Autorité de la concurrence, une étape indispensable pour sécuriser la coopération entre enseignes. »
« un espace commun où l’on parle carbone, où l’on partage les progrès, et où la décarbonation devient un sujet bilatéral — et non plus un exercice isolé de reporting »
Du côté de Perifem, la Fédération technique du commerce, le message est tout aussi net. Son président, Bertrand Swiderski, insiste sur la portée structurante de l’initiative : « Le mouvement dit que le secteur se mobilise. Il dit aussi que le secteur est volontaire. On ne veut pas attendre qu’une loi impose ce travail. » Pour lui, LESS crée surtout « un moment de jonction » inédit entre distributeurs et fournisseurs. Et le président d’ajouter que c’est « un espace commun où l’on parle carbone, où l’on partage les progrès, et où la décarbonation devient un sujet bilatéral — et non plus un exercice isolé de reporting ».
Un outil opérationnel conçu pour embarquer massivement les fournisseurs
Sur le terrain, les enseignes voient déjà les effets d’entraînement. Maël Lemoal, du Mouvement E.Leclerc, y voit un levier pour accélérer l’engagement des industriels et annonce : « Beaucoup de fournisseurs voulaient s’engager mais attendaient une plateforme unique. Là, ils n’ont plus à répondre à dix questionnaires différents. Ils déclarent une seule fois, pour tous. » Pour lui, le premier bénéfice est simple : mesurer. « On ne peut pas parler de performance logistique tant qu’on n’a pas une mesure commune. La première étape, c’est une mesure fiable, stabilisée, et c’est exactement ce que permet LESS. » Et de conclure : « La plateforme est suffisamment intuitive pour que les équipes Achats, Supply et Commerce puissent enfin travailler sur les mêmes jeux de données. »
Du côté industriel, parler enfin le même langage
« Pendant longtemps, chacun faisait de son côté. Aujourd’hui, on se retrouve enfin avec un même langage, des données alignées, et des méthodes harmonisées. »
Chez les industriels, l’accueil est enthousiaste. Juliette Sicot-Crevet, Chief Sustainability Officer du groupe SEB, voit en « LESS » un accélérateur : « Pendant longtemps, chacun faisait de son côté. Aujourd’hui, on se retrouve enfin avec un même langage, des données alignées, et des méthodes harmonisées. C’est indispensable pour aller plus vite. » La directrice du développement durable souligne également un atout rarement évoqué : l’appropriation interne : « Ce type de plateforme permet de vulgariser le carbone pour des métiers qui ne sont pas experts du sujet. Dans nos usines, dans nos équipes achats, dans le commerce… tout le monde peut enfin s’approprier ces données. »
OpenClimat, la colonne vertébrale technique de LESS
« Le but n’est pas de comparer les industriels entre eux, mais de suivre leurs progrès année après année et d’animer un vrai dialogue climat. »
Au cœur du dispositif, un acteur clé : OpenClimat, plateforme française fondée en 2022 et choisie pour collecter, harmoniser et vérifier toutes les données carbone. Elsa Chai, sa cofondatrice en rappelle le rôle : « Sa mission est de faciliter les échanges de données entre industriels et distributeurs, de centraliser, harmoniser et fiabiliser ces données pour rendre la collaboration possible. ». Les fournisseurs remplissent leurs données une seule fois ; les distributeurs les consultent ensuite dans un portail dédié. Et Elsa Chai de compléter : « Le but n’est pas de comparer les industriels entre eux, mais de suivre leurs progrès année après année et d’animer un vrai dialogue climat. » OpenClimat est aujourd’hui utilisée par Carrefour, Auchan, mais aussi par de grands groupes industriels comme Bel, PepsiCo ou SEB. L’entreprise a déjà levé plus de deux millions d’euros et prévoit une nouvelle levée pour accélérer son déploiement international.
Vers un standard européen ?
Pour tous les intervenants, l’ambition dépasse largement la France. Judith Jiguet comme Bertrand Swiderski l’ont évoqué : la plateforme a une vocation européenne, voire internationale. « On peut imaginer que LESS devienne un lieu unique pour tous les distributeurs européens », estime le président de Perifem. Du côté d’OpenClimat, la dynamique est déjà lancée :« Les enseignes utilisent déjà la plateforme sur leurs périmètres internationaux », rappelle Elsa Chai. L’embryon d’un standard européen est peut-être né à Paris ce 12 novembre.